Alors que s’ouvre le sommet sur le climat, nous sommes déjà tous conscients que les négociations sont vouées à l’échec. Parce qu’en dernier ressort, cette fois le résultat ne dépendra ni du bon vouloir des politiciens, ni des économistes, ni même de nos bonnes intentions de citoyens. On nous présentera chaque pourcentage gagné comme un pas vers la victoire, mais finalement c’est l’épée implacable de la Physique qui tranchera ; et la science est étrangère aux sentiments, imperturbable devant les manœuvres politiques.
Quel pourrait être un accord acceptable aux yeux de la science ?
Un élément de réponse a été apporté par l’équipe de la NASA dirigée par James Hansen, par la détermination du seuil maximal de concentration en CO2 de l’atmosphère : dépasser 350 parties par million (ppm) nous entraînerait au-delà des capacités d’adaptation de la vie sur Terre.
Serons-nous assez inconscients pour oser parier que ceux qui sonnent l’alarme se trompent ?
Dans l’histoire de la planète, de telles valeurs ont déjà été atteintes, mais la Nature se donnait des milliers, voire des millions d’années. Nous commençons à prendre conscience des conséquences du dépassement de ce seuil : hausse du niveau des mers, événements météorologiques exceptionnels, menaces sur la biodiversité, panne éventuelle du Gulf Stream etc.
Il faut d’abord comprendre que quand on parle de seuils physiques, il ne suffit pas de lever le pied comme à l’approche d’un radar : quand vous dépassez la limite vous risquez de sauter directement à la case Prison. Passé le seuil certains mécanismes deviennent irréversibles, et s’auto-entretiennent. Par exemple, les océans en se réchauffant ou le permafrost en fondant libèrent les gaz à effet de serre (GES), emprisonnés depuis des millénaires, qui alimentent la machine.
Vous l’aurez compris, la Nature ne s’assied pas à la table des négociations.
Au fait, la concentration moyenne en CO2 atteint à ce jour 390 ppm.
Quoi que nous fassions, nous sommes déjà dans la zone rouge. Il ne nous reste plus qu’à essayer de limiter la casse pour les générations futures. Que proposent en ce sens les différents états ?
Les USA mettent sur la table une réduction à l’horizon 2020 de 17% de leurs émissions par rapport à celles de 2005, soit en fait moins que ce que préconisaient les accords de Kyoto, déjà notoirement insuffisants. Et encore, il n’est pas garanti que cette proposition soit acceptée par le Sénat américain.
Quant à la plupart des pays émergents, ils refusent toute contrainte sous forme de quotas. La Chine propose une réduction de 40% de baisse, mais c’est par unité de PIB ; si rien ne l’entrave, sa croissance hors normes engloutira largement cet effort.
Il est évident que les concessions des gouvernements (à condition qu’elles se matérialisent) sont savamment calculées par chacun pour ne consentir aucun sacrifice réel. En théorie des jeux, l’issue de ce « dilemme du prisonnier » est hélas bien connue : quand chacun essaie individuellement de tirer son épingle du jeu, tout le monde finit par être perdant.
Comme bien d’autres problèmes soulevés voilà bientôt 40 ans par le rapport du Club de Rome, la question climatique ne se contentera pas de demi-mesures politiques.
92 nations, toutes parmi les plus pauvres et les plus directement exposées au risque climatique, ont déjà adhéré aux objectifs défendus sur le site
www.350.org , qui sont l’effort minimum pour que nos enfants aient simplement un avenir. Si nous ne leur emboîtons pas le pas, cette fois il ne s’agira plus de choisir, pour paraphraser Churchill, entre la survie et le confort, mais nous risquons bien de n’avoir ni l’un, ni l’autre.