Corruption : la mère de toutes les pollutions
Si la pollution est une corruption des écosystèmes, la corruption est la pire de toutes les pollutions. Transparency International vient de publier un rapport qui attire l’attention sur le lien très fort entre la corruption et la destruction de cette ressource essentielle qu’est l’eau.
La course pour le contrôle de l’eau risque d’être de plus en plus féroce. Déjà la surconsommation et la pollution de l’eau contribuent à une dégradation de nombreux écosystèmes partout dans le monde. Tous les continents sont affectés. Par exemple, plus de 80 % des problèmes de santé dans les pays en voie de développement sont dus à une eau de piètre qualité. Le tribut est lourd : 1,8 million d’enfants en meurent et quelque 443 millions de journées d’écoles sont perdues.
Or, la corruption est une des causes profondes de la crise de l’eau. Elle est endémique et contribue directement à rendre l’eau impropre à la consommation, inaccessible et coûteuse. Tantôt, c’est le creusement de puits en Afrique subsaharienne, tantôt la construction d’usines de traitement des eaux usées dans les centres urbains d’Asie, tantôt l’édification de barrages hydroélectriques en Amérique latine qui sont touchés, dans compter les nombreux abus et les détournements quotidiens de l’eau dans le monde entier.
« En Chine, par exemple, la corruption empêche l’application des réglementations environnementales et contribue à une situation où les nappes aquifères de 90 % des villes sont polluées et où plus de 75 % des cours d’eau qui passent dans les centres urbains sont considérés comme impropres à la consommation ou pour la pêche », peut-on lire dans le résumé en français du rapport de Transparency International.
Le problème, c’est qu’il y a urgence d’agir dans le contexte du réchauffement climatique. Il y a aussi toute la question du partage équitable de l’eau entre les populations qui entre en ligne de compte. « Le "vol de l’or bleu", l’appropriation irresponsable ou le détournement de l’eau, sans aucune considération pour les autres utilisateurs, encouragés par la corruption, peut transformer des tensions en conflits ouverts », poursuit Transparency International.
Dans le cas de l’eau potable, c’est tout la chaîne de distribution de l’eau, aussi bien des services publics que privés, qui est touchée. Même les pays riches n’y échappent pas. Il faut dire que le marché attise la convoitise : plus de 210 milliards de dollars de contrats annuellement pour l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon.
Dans les pays en voie de développement, les coûts de raccordement d’un réseau au foyer sont accrus de plus de 30 % à cause de la pollution. Globalement, cela représente une somme de 48 milliards de dollars supplémentaires pour seulement atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (voir Les objectifs du Millénaire du développement et l’eau).
L’irrigation est aussi un secteur où la corruption sévit. Les dommages sont d’autant plus élevés que ce secteur représente plus de 70 % de la consommation de l’eau et que les terres irriguées produisent plus de 40 % de l’alimentation mondiale. Encore là, des fonds publics destinés à améliorer la situation des paysans les plus pauvres ne sont pas au rendez-vous à cause de la corruption.
Enfin, un dernier secteur touché est celui des barrages et de l’hydroélectricité. Non seulement des fonds destinés à la construction des barrages et à l’érection des réseaux de distribution de l’électricité sont détournés, mais aussi des fonds destinés au déplacement et à la réinstallation des populations des zones inondées par les barrages sont volés par les corrupteurs et les corrompus.
Transparency International y va de quatre suggestions pour réduire la corruption :
- prévenir plutôt que guérir ;
- comprendre les conditions locales et les systèmes particuliers d’incitations qui sous-tendent pour implanter des réformes visant à empêcher la corruption ;
- faire attention de ne pas nuire aux plus pauvres dans la lutte à la corruption (« par exemple des mesures de répression contre les fournisseurs informels de services pourraient risquer en même temps d’éliminer un moyen essentiel permettant aux pauvres d’avoir accès à l’eau », écrit Transparency International) ;
- agir à la fois à la base et au sommet.
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