Dans l’éducation aussi l’innovation fait son chemin
L’ESPE d’Auvergne innove en mettant l’innovation en haut de l’affiche lors de son colloque des 5 et 6 avril 2016. Les plus de 140 participants sont universitaires et acteurs de la société civile mélangés pour le plus grand bien de l’innovation justement !
Il s’agit du colloque Former au monde de demain « De la créativité à l’innovation dans les dispositifs et les pratiques, pédagogiques et professionnelles ».

Lors de la conférence d’ouverture, Philippe Durance, professeur au CNAM, part de l’idée que petits nous apprenons à l’école qu’il ne faut pas copier sur son voisin, alors que c’est comme cela que principalement nous apprenons. Nous adaptons notre comportement aux comportements de ceux qui nous entourent et nous plaisent.
Attitudes entrepreneuriales
Il retient trois attitudes entrepreneuriales que nous ferions bien d’injecter sérieusement dans nos systèmes éducatifs. La première est la capacité à prendre des risques, la deuxième la bienveillance vis-à-vis de l’échec, la troisième l’intuition. L’innovation c’est ce que nous vivons dans nos milieux de l’éducation à l’environnement et la majorité de nos outils pédagogiques ou de nos organisations sont nés comme ça. Philippe Durance met des mots dans lesquels tous ceux qui innovent se reconnaitront : « l’utilisateur est le concepteur », nous sommes dans une « relation ascendante », on va « de l’expérience à l’idée », « la valeur principale n’est ici rien d’autre que l’individu et la communauté ».
Innovation sociale à la Maison blanche
Philippe Durance nous dit que Barak Obama a créé un bureau de l’innovation sociale et de la participation citoyenne quand il est arrivé à la Maison blanche. « Le citoyen est acteur de changement, tout le monde a des idées, tout le monde peut agir. ». Ce qui s’est passé à Totnes – the transition town – chez Rob Hopkins en Angleterre, en est un bon exemple. Tout de qui s’est fait l’a été en dehors des institutions.
Quand les conseillers d’Obama sont venus en France pour voir ce qui se passait du côté des banlieues en termes d’innovation sociale, ils ne sont pas allés voir les institutions mais des acteurs de quartiers capables d’entrainer la population dans une spirale positive.
Quatre convictions
Les enseignements que Philippe Durance tirent de ses observations et analyses sont bien illustrés par quatre convictions qu’il met en avant : « Les bonnes idées peuvent venir de n’importe qui et de n’importe où »… « Les individus sont les meilleurs experts de leur vie, de leur famille et de leur communauté »… « Plus il y a de personnes impliquées, plus il y a de chances que les solutions proposées fonctionnent »… « La nécessité d’utiliser des plates-formes et des outils de travail collaboratif ».
L’innovation c’est la diversité
Il dit aussi que « le mythe égalitaire tue l’innovation » et qu’il n’y a pas en France de réelle reconnaissance des actions ascendantes par l’Etat. Ce mythe égalitaire est une véritable entrave pour les français qui l’ont chevillé à leur culture. Il dit encore « l’innovation c’est la diversité » et il y a malgré tout en France des coopératives d’habitat, des habitats groupés, des jardins collectifs, des systèmes de consommation collaborative… ça bouge dans les territoires, parfois avec l’aide des institutions locales, c’est différent du modèle descendant.
Distinguer pouvoir central et pouvoirs locaux
Philippe Durance nous invite à distinguer pouvoir central et pouvoirs locaux. Utile précaution que l’expérience de plusieurs dizaines d’années de développement de l’EEDD nous fait confirmer totalement. Souvenons-nous comment les collectivités sont venues intervenir dans le champ scolaire pour faire avancer la réflexion de la population sur la consommation et le tri des déchets quand le ministère de l’Education nationale restait complètement en dehors du jeu de cette nouvelle pratique sociale nécessitant un apprentissage autant urgent qu’évident. Il y a hélas encore bien des établissements où mettre en place le tri du papier pour un enseignant relève de l’exploit…
La spirale de la créativité
Il termine la conférence avec « la spirale de la créativité » présentée par le truchement d’un schéma très parlant mettant en scène les ingrédients de « l’écosystème créatif » fait d’une constellation de mots clés où l’on trouve : « débat, prospective, tolérance, confiance, art, réseaux, imagination, mobilité, entreprenariat ». De cela découlent des idées qui conduisent à l’innovation, grâce à des modes de gouvernance qui mettent en avant : « décentralisation, participation, expérimentation ». Pas un mot à négliger là-dedans, tous comptent, tous pèsent, tous ouvrent la porte de la réussite.
« Parce que vous croyez en ce que vous faites »
La table ronde qui a suivi était principalement composée d’acteurs de l’EEDD. Francis Thubé de l’IFREE propose de « renforcer les capacités d’accompagnement de l’innovation sociale par le biais de la formation ». Il déplore « la quasi disparition de la formation continue des enseignants sur l’éducation à l’environnement ». Gérald Majou de la Conférence des grandes écoles relève que « les réponses individuelles sont de moins en moins pertinentes ». Il dit que pour faire bouger les choses dans son établissement, il faut prendre la position de l’entrepreneur avec prise de risque en s’appuyant sur des gens à l’extérieur, en montant des projets… « Parce que vous croyez en ce que vous faites ».
Puiser dans les expériences des entreprises
Le colloque est francophone et Georges Sawadogo, Président de l’université de Koudougou au Burkina Faso, nous invite à laisser tomber les vieux tabous et à ne pas hésiter à aller chercher des leçons dans le monde de l’entreprise. « L’approche par l’innovation permet, sans qu’il s’agisse d’en faire un modèle, de puiser des réflexions dans les expériences des entreprises qui cherchent à associer innovation et développement ». Pourtant, Georges met en avant par ailleurs la « mission de service public » des universités africaines ; rien ici d’incompatible.
Faire ensemble, expériences, projet, accompagner
Michelle Jouhaneaundu ministère de l’environnement parle des « équipes projet pionnières », et Jean Marc Lange, professeur à l’université de Rouen et vice-président du REUNIFEDD, pointe que « les disciplines du 19ème siècle ne sont plus les disciplines d’aujourd’hui », il s’agit maintenant « d’apprendre à travailler ensemble ». Il met en avant « l’expérience », il propose de mettre les élèves dans des « situations où ils vont porter des projets », il est pour l’idée d’« accompagnement », le professeur n’est « pas celui qui transmet mais celui qui accompagne », « les inspecteurs généraux prennent conscience qu’ils doivent devenir accompagnateurs de dispositifs éducatifs ». Georges Sawadogo renchérit en disant que « l’enseignant est un facilitateur ».
Les universitaires ensemble dans l’action
Voilà maintenant que le REUNIFEDD, véritable moteur d’une université impliquée dans la vie de la cité, se prépare pour la COP 22 qui se déroulera en novembre à Marrakech. Son but : faire en sorte que l’éducation ne soit pas négligée dans le cycle des conférences pour le climat. Par ailleurs, une quarantaine d'universitaires s’implique dans la mise au point d’un guide de compétences, un site collaboratif est en construction… ainsi voilà des universitaires qui s’appliquent la formule : le dire c’est bien mais le faire c’est mieux !
Universitaires et acteurs de terrain ensemble !
L’éducation à l’environnement est une innovation. C’est du moins visiblement comme ça que Didier Mulnet, l’organisateur du colloque et vice-président du REUNIFEDD, la situe. Les liens entre acteurs de terrain de l’EEDD et monde de la recherche et de l’enseignement supérieur sont en train de se renforcer jour après jour. L’investissement du REUNIFEDD dans les travaux de l’Espace National de Concertation pour l’EEDD en est le signe le plus tangible et le plus fort. Nous travaillons ensemble, acteurs de terrain de l’EEDD et universitaires, pour développer de nouvelles voies qui, nous l’espérons, ouvriront sur un avenir moins sombre que celui que nous laissent présager les scientifiques du climat, les courbes illustrant la chute inexorable de la biodiversité, les atteintes portées aux milieux. L’hypothèse de travail est bien que par l’éducation nous puissions nous en sortir !
A suivre.
Roland Gérard, codirecteur du Réseau Ecole et Nature.
Sur la photo Philippe Durance
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