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Dian Fossey, au plus près des gorilles

Le National Géographic vient de publier dans son édition anglaise le reportage réalisé en 1970 par Dian Fossey. Les photos prises par Bob Campbell avaient alors fait le tour du monde et présenté aux lecteurs incrédules le visage de cette femme vivant au beau milieu des gorilles.

Passionnée par la vie animale, Dian Fossey avait pourtant échoué dans ses études de vétérinaire et dû se contenter d’un diplôme d’ergothérapie. Son travail dans les hôpitaux ne la satisfaisait pas et la jeune femme rêvait désormais d’Afrique ; son envie débordante l’a poussée finalement à emprunter une forte somme d’argent pour accomplir son rêve. C’est en 1963 que Dian Fossey foule la terre du Rwanda qui deviendra sa dernière demeure. La rencontre avec le paléontologue et primatologue Louis Leakey finit de convaincre cet esprit volontaire que sa vie ne peut s’accomplir en aucun autre lieu que l’Afrique.

Aidée par la National Geographic Society, Dian Fossey s’installe au Rwanda en 1967 après une mésaventure au Congo et crée le « Karisoke Research Center », un centre consacré à l’étude des gorilles. Dans ses premières publications pour le National Geographic, Dian Fossey rapporte avec précision ses méthodes pour approcher les gorilles des montagnes et l’inquiétude qu’elle suscitait chez ces animaux confrontés à des êtres étrangers venus pour les observer. Comment gagner leur confiance, comment faire pour qu’ils s’intéressent à elle ? « J’imitais leur manière de s’alimenter (…), leurs vocalises y compris leurs sonorités les plus profondes. »

Très vite, Dian Fossey est confrontée à ses propres émotions, car les rencontres avec les gorilles la renvoient à sa féminité et à ses propres manques, surtout lorsqu’elle doit s’occuper de deux orphelins dont le plus jeune n’est âgé que de 16 mois. Les bébés gorilles refusent de s’alimenter et l’angoisse de la mère adoptive se fait plus criante. Dian Fossey voit la peur transparaître dans les yeux des petits gorilles et comprend qu’il lui faut apprendre à mettre en confiance ses animaux doués d’émotions. Leur survie dépend de sa capacité à appréhender les processus cognitifs pour pouvoir nouer des liens avec les deux bébés qui se laissent mourir. Il faudra plusieurs approches et des modifications dans la nourriture avant que Pucker et le très jeune Coco n’acceptent enfin de se nourrir à nouveau.

In extremis, Dian Fossey parvient à les sauver. Dès lors, la scientifique se concentre sur l’organisation qui unit ces gorilles et leur permet de bâtir des micro-sociétés dans la forêt montagneuse. Armée des nouvelles sonorités apprises avec les bébés qu’elle avait recueillis, Dian Fossey pénètre l’intimité des groupes et découvre au plus près leurs habitudes. Elle comprend très vite qu’une véritable hiérarchie est établie, de même que le caractère du groupe dépend le plus souvent du mâle dominant. C’est précisément ce qui va l’étonner, quand elle constate que le changement de leader transforme toute l’atmosphère.

Pourtant admise dans l’un des groupes, Dian Fossey est rejetée violemment à la mort du leader, car son successeur entend resserrer les liens entre les gorilles et refuse toute présence étrangère. Le repli du groupe vers les crêtes traduit la volonté du mâle dominant de réunir les membres autour de sa personne et d’imposer un pouvoir qui ne souffrirait aucune intrusion extérieure.

L’angoisse de la préservation du groupe est à tout moment perceptible. Dian Fossey rapporte avec soulagement l’épisode du petit Icare dont les mésaventures ont bien failli lui brûler les ailes. Parfaitement inconscient du danger, Icare jouait à d’improbables acrobaties sur les cimes, jusqu’à ce que l’arbre auquel il s’accrochait vienne à rompre. Le fracas alerta les femelles qui se ruèrent sur la scientifique assise à quelques mètres de l’arbre effondré. Alors que les femelles fondaient avec fureur sur Dian Fossey, elles virent « Icare se balancer calmement sur un autre arbre », dans la plus parfaite insouciance.

Les relations avec les gorilles sont le plus souvent pacifiques, indique-t-elle, car sur « 2000 heures d’observation directe, seulement cinq minutes auraient pu être qualifiées de comportement agressif. Toutefois, la plupart du temps, il ne s’agit que de mesures protectrices ou dissuasives ». La réalité, c’est avant tout que le Parc des Volcans au Rwanda est « infesté de braconniers » et que les êtres humains empiètent de plus en plus sur le territoire des gorilles.

Compte tenu de l’expansion humaine, la scientifique conclut son article de manière pessimiste. Elle note que le gorille de montagne est confronté à un grave danger d’extinction si les autorités internationales n’interviennent pas. Dans les dernières lignes, Dian Fossey adresse un vœu aux lecteurs de la National Geographic : « L’aide internationale a pris du retard, et j’espère seulement que Rafiki, Oncle Bert, Icare et tous mes autres amis de la forêt pourront survivre jusqu’à ce qu’elle arrive enfin. »

Le cours de l’histoire n’est pas encore écrit à l’époque où Dian Fossey rédige ces lignes, toutefois la scientifique a déjà conscience que son combat pour la préservation de l’espèce sera très difficile dans une région du monde qui souffre de fortes inégalités. Grâce à son travail d’études scientifiques au plus près des gorilles et aux photos qui accompagnaient les articles, Dian Fossey a contribué à sortir des consciences le vieil adage de l’animal machine défendu par un philosophe prétendument cartésien. Et par sa vie offerte, elle aura sensibilisé le grand public à la nécessité de préserver les gorilles, « l’animal, le plus mal considéré de la planète », sans doute par ses similitudes bien trop évidentes avec l’être humain.

Laurent Monserrat

  • Les gorilles sont menacés du fait de leur taux de reproduction lent : une naissance tous les trois ou quatre ans et 40 % des petits meurent avant l’âge de trois ans, de la déforestation de leur milieu et de la chasse. On notera toutefois, la volonté affichée de plusieurs pays de sauvegarder enfin l’espèce.
  • Illustration principale : Dian Fossey photographiée par Bob Campbell pour le National Geographic

Rose Carr raconte Diane Fossey
envoyé par LiliTheKing


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2 réactions à cet article    


  • raymond 9 décembre 2008 17:34

    Superbe et bravo ! sur l’intelligence des "zanimos" il y a beaucoup à découvrir


    • Cosmic Dancer Cosmic Dancer 9 décembre 2008 18:55

       Bien que je sois bon public et que je pleure devant le film Gorilles dans la brume, j’aurais aimé lire un article qui explique aussi le dilemme des braconniers et des gardes des parcs nationaux d’Afrique abritant les derniers gorilles des montagnes. Sachant aussi que l’un d’eux se trouve au Rwanda (celui-là même qui fut la base de l’ethnologue), un autre en Ouganda et l’autre en RDC...

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