Ecologie, construction, subventions : les chiffres que l’industrie du bois vous cache
Subventions publiques massives, qualités écologiques discutables, importations majoritaires, bilan carbone alourdi par le transport et la transformation… L’usage du bois dans la construction n’est pas la panacée comme semble l’affirmer le discours dominant.
Selon un rapport de la Cour des Comptes publié en 2015, la filière bois reçoit au total 910 millions d’euros de subventions publiques par an. Des aides trop dispersées et trop peu cohérentes pour être réellement efficaces, notent les Sages, et qui s’accumulent au gré des plans gouvernementaux.
Empilement de subventions publiques
Le « programme national de la forêt et du bois 2016-2026 » prévoit ainsi d’augmenter la récolte de bois et l’usage de ce matériau dans la construction. Pour atteindre ces objectifs, le fonds stratégique de la forêt et du bois – 28 millions d’euros en 2017 – sera doté d’au minimum 100 millions d’euros en mobilisant divers financements en provenance des Régions, de l’Etat, de l’Europe et du secteur privé.
En 2017, le gouvernement a même signé une charte pour une « alliance nationale bois construction rénovation » avec les acteurs de la filière bois, l’Association des régions de France et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie). Objectif affiché : diffuser des informations sur l’intérêt du bois dans la construction, afin d’inciter les décideurs publics à privilégier ce matériau. La même année, toujours à l’invitation des acteurs de la filière, le gouvernement a également lancé le troisième « plan national bois construction », qui vise à « massifier l’usage du bois dans la construction ».
Egalement reconnu comme « filière d’avenir », le secteur du bois bénéficie aussi d’un « comité stratégique » depuis 2013 et d’un « contrat Etat-filière » depuis fin 2014, ainsi que d’un « plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois ». Sans compter qu’un chapitre du « plan de la Nouvelle France Industrielle » est consacré aux immeubles en bois de grande hauteur (IGH)...
Grâce à un lobbying intense et habile, la filière bois a donc réussi à obtenir un accompagnement assez unique de la part des pouvoirs publics. Dernier cadeau en date : 100 millions d’euros de fonds de prêt ont été promis aux scieries dans le cadre d’un plan d’investissement public à l’agriculture, dans la foulée du Salon de l’agriculture, en février 2018.
Un bilan carbone non négligeable
Le premier problème posé par ce soutien public massif, c’est qu’il ne bénéficie que marginalement à l’emploi local dans la mesure où 60 % des sciages utilisés pour la construction sont importés. Certains résineux, comme l’épicéa, matériau de base des bois lamellé-collé et lamellé-croisé, sont même importés à 90 %, principalement de Scandinavie.
Le développement de la construction bois va donc surtout profiter aux produits résineux d’importation, un domaine où les industries norvégienne et d’Europe centrale, en particulier, sont très compétitives… Alors qu’en France, la part restreinte de forêts facilement exploitables (seulement 58 %) et la répartition entre les différentes essences (deux tiers de feuillus et seulement un tiers de résineux, les plus demandés par le secteur de la construction) limitent les possibilités d’inverser la tendance.
Cette part importante des importations contribue également à augmenter les émissions de gaz à effet de serre générées par les transports. En moyenne, le bois parcourt en effet une distance de 100 km entre la forêt et la scierie et de 600 km entre la scierie et le chantier de mise en œuvre. Mais les distances sont souvent plus importantes. Selon l’Ademe, un camion de 40 tonnes émet 10 kg de CO2 par tonne pour un trajet de 100 km. Si le bois vient d’Allemagne (1 000 km), son transport émettra donc 100 kg de CO2 par tonne transportée… Mais s’il est issu de forêts finlandaises (2 500 km), on atteindra 250 kg de CO2 par tonne. Sans parler des bois en provenance du Canada, du Brésil ou d’Indonésie… Le bilan carbone du bois s’alourdit aussi avec les énergies fossiles utilisées pour sa transformation. Les émissions liées à la fabrication de CLT ou bois lamellé croisé (abattage, sciage, séchage, rabotage, assemblage, transports) s’élèvent ainsi à 360 kg de CO2 par tonne selon les Fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES). Et pour la fabrication de panneaux de bois, le bilan monte à 520 kg CO2 par tonne.
De plus, lorsque l’on présente le bois comme un « puits de carbone », capable de capter le CO2 de l’atmosphère, puis de le stocker sous forme de carbone tout au long de sa durée de vie, on occulte la fin de vie du produit. Le transfert de carbone n’est en fait que temporaire : capté lors de la croissance de l’arbre, il sera finalement restitué à l’atmosphère lorsque le bois sera brûlé ou enfoui.
Des qualités écologiques discutables
Dans le cadre de la performance énergétique des bâtiments, le bois part également avec un handicap : sa faible inertie thermique, c’est-à-dire sa faible capacité à absorber de la chaleur en hiver ou de la fraîcheur en été, puis à la restituer progressivement. Des caractéristiques qui imposent aux maisons en bois l’usage de la climatisation en été, surtout dans le sud de la France, ainsi que la nécessité d’augmenter la consommation de chauffage en hiver. Deux contraintes qui ne vont pas dans le sens d’une diminution de la consommation d’énergie.
Le bilan écologique du bois est aussi terni par l’utilisation des nombreux traitements chimiques nécessaires à l’utilisation de ce matériau dans la construction : contre le feu, les champignons, les insectes, l’humidité… Des produits chimiques auxquels s’ajoutent les substances présentes dans les colles et les résines utilisées pour assembler les panneaux de bois, ainsi que dans les produits de finition (peintures, laques, vernis, etc.). Parmi ces différents produits chimiques, figurent en particulier des composés organiques volatils (COV), qui ont la capacité de se répandre dans l’air intérieur des habitations et peuvent avoir des effets néfastes sur la santé.
Enfin, en dépit des progrès réalisés en matière de résistance au feu – au prix de nouveaux traitements chimiques – le bois reste combustible : c’est un matériau qui nourrit le feu et entretient la combustion. Et s’il constitue lui-même la structure de l’habitation, le risque d’effondrement est réel. Un problème posé en particulier, selon plusieurs experts, pour les immeubles de grande hauteur.
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