Ecologie et Finances : Une même crise
Et si la crise de la dette et la menace climatique n'étaient que les deux visages d'un même problème : Notre insatiable volonté de croissance ?
Bruxelles a masqué Durban. Tandis que la conférence sur le climat s'achevait modestement sur une reconduction temporaire du protocole de Kyoto et sur la promesse de négociations futures, les médias ont surtout parlé dettes et équilibres budgétaires. Dans le long terme pourtant, nous savons bien que ce sont les équilibres écologiques qui seront déterminants. Demain, sur une Terre dévastée, devenue presque inhabitable, plus aucune autre question n’aura de sens que celle du rétablissement à minima des équilibres écologiques. La préférence de l’Humanité pour le court terme pourrait bien-être ce qui la condamnera.
Bruxelles a masqué Durban, cependant, ce serait une erreur que d’opposer crise financière et crise écologique. Il s’agit bien du seul et même problème ou plutôt des conséquences diverses d’une même propension.
Les difficultés rencontrées à Durban tiennent au fait que limiter sérieusement les émissions de CO2 revient en réalité à mettre en cause notre modèle économique basé sur une croissance continue à la fois du nombre de consommateurs et de la consommation de chacun.
Aux conséquences de cette fuite en avant vers toujours plus de croissance, certains proposent de répondre par une autre fuite en avant vers toujours plus de technologie. N’accordons pas trop de crédit à ce type de solution. Globalement et jusqu’à nos jours, les dégâts occasionnés à la planète ont été une fonction directe de notre puissance technologique, il serait étonnant que la corrélation change de signe ou même simplement d’ordre de grandeur. Le sociologue Alain Gras déclarait en 2008 au mensuel Science et Vie : « Aujourd’hui la seule condition de survie réside dans l’établissement d’un rapport plus humble avec la planète ». Nous n’échapperons pas à cette obligation.
Briser le cercle infernal de nos émissions suppose de briser notre élan vers le « toujours plus » qui constitue le moteur et le facteur d'équilibre de nos sociétés. Cette remise en cause volontaire relève presque de l’impossible. Le récent abandon du protocole de Kyoto par le Canada l’illustre à merveille. Les Canadiens ne sont pas plus indifférents que les autres à l’environnement (au mètre carré ils polluent même plutôt moins compte tenu de leur faible densité démographique, un facteur trop souvent négligé) mais ils se trouvent tous simplement incapables de faire face aux engagements financiers d’un tel protocole (il est vrai que leur climat et leur implication dans l’exploitation de pétroles non conventionnels ne facilitent pas les choses). Le retrait du Canada, ne doit donc pas être interprété comme une trahison mais bien comme le signe qu’aucune solution ne pourra faire l’impasse sur la nécessité d’un processus de décroissance. Mieux vaut qu’il soit plus ou moins organisé que subi.
Pas d’illusion donc, l’expression développement durable est un oxymore. La durabilité de nos sociétés suppose l’arrêt du développement au sens que l’on donne généralement à ce terme, c’est à dire la mise à disposition d'une quantité toujours plus importante de biens matériels. La destruction de l’environnement est une conséquence de la réalisation de notre désir de croissance permanente. Ne l’attribuons pas de façon trop facile à tel ou tel type d’organisation économique. Dans un monde clos, tout système qui se donnera la progression matérielle pour objectif et pour moteur, se heurtera in fine à de semblables difficultés.
La crise de la dette puise à la même source. Cette crise, qui touche de la plupart des nations, résulte de l’accumulation de nombreuses années de déficits budgétaires. Nous voulions consommer et dépenser plus que ce que nous produisions et que ce que nous permettaient nos ressources. Les Etats eux-mêmes, sensibles à la demande de leur population pour toujours plus de services et d’équipements publics, ont cédé aux sirènes de l’endettement. Cette relance permanente par la dépense publique constituait d’ailleurs une manière de tirer la croissance en avant. Nous avons tous voulus être keynésiens, nous sommes tous endettés.
La course à la croissance coûte que coûte a effectivement fini par coûter. La partie financière se réglera peut-être au détriment des créanciers (encore que l’imbrication des économies rend la frontière créanciers-débiteurs plus imprécise), la partie écologique risque d’être plus difficile à solder, les ressources de la Terre ne sont pas infinies et les comptes sont sans doute plus bas que nous ne le pensons. Certains de ses aspects, la perte de biodiversité notamment, ne peuvent trouver de solution que sur des échelles de temps qui échappent aux échéances d'action et de réflexion habituelles des sociétés humaines.
Cette unicité des causes, ces multiples visages pour un même probème s’illustrent particulièrement dans le domaine de l’énergie et entraîne nos économies dans un ensemble de cycles dont il parait bien difficile de sortir.
Notre monde consomme de plus en plus d’énergie. Ceci conduit à une hausse tendancielle de son prix défavorable à la croissance économique. Ainsi, chaque « crise du pétrole » (1973, 1979, 2008...) se trouve suivie d’un ralentissement économique. Celui-ci provoque à son tour une baisse de la demande en énergie et corrélativement une baisse du prix de cette dernière. La croissance économique peut alors repartir entraînant cette fois une hausse de la demande en énergie et une élévation de son prix enclenchant un nouveau cycle. Ce mécanisme a été précisément décrit par Jean-Marc Jancovici Nous sommes dans la situation d’un patient dont le seul médicament qui le soulage est celui qui, peu après, le rendra plus malade encore : Triste perspective !
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