Effets des OGM cultivés sur l’environnement
Nous avions déjà abordé cette question en 2009 (dossier sur les OGM : Organismes Génétiquement Modifiés) il était intéressant, 15 ans après, de voir comment les choses ont évolué. Or une étude bibliographique du sujet parue récemment dans la revue Science* traite précisément de cette question, elle nous donne l’occasion d’en faire le point à nouveau.
Voyons d’abord quels sont les OGM en cause et l’importance qu’ils ont pris en culture.
Depuis une trentaine d’années, deux OGM : la tolérance aux herbicides Th (notamment au glyphosate) et la résistance aux lépidoptères Bt (gène provenant de la bactérie Bacillus thuringiensis) ont fait l’objet d’un développement cultural intense sur le soja, le maïs, le coton et le colza. Mais depuis ces premières autorisations, de nombreux pays ont édicté des régulations très strictes sur les OGM de telle sorte que, bien qu’il existe d’autres caractères transformés (notamment des résistances), ils n’ont jamais vu un développement commercial. D’ailleurs le coût de la régulation de ces semences et tellement élevé que seules quatre grandes sociétés grainières se partagent plus de la moitié du marché mondial. En 2019 ces semences OGM ont été utilisées par 29 pays sur 190 millions d’hectares représentant 13% des terres arables. La culture des OGM est concentrée sur 5 pays : USA 38%, Brésil 28%, Argentine 13%, Canada 7%, Inde 6%.
Il est difficile de comparer les effets de l’utilisation en culture des OGM à ceux d’une culture normale non OGM. Les fermiers qui adoptent ces semences génétiquement modifiées diffèrent souvent des autres par la taille de leur exploitation, leur niveau d’instruction, l’accès à l’irrigation et les contraintes de travail ; ceci ne se prête guère à la réalisation d’essais comparatifs avec analyse statistique. Cependant en associant les rares études rationnelles qui existent aux nombreuses données d’observation on peut déduire plusieurs effets de l’emploi de ces OGM. Nous allons les présenter maintenant.
L’utilisation des OGM qui réduit les prix de revient est-il un facteur de limitation de l’expansion de l’agriculture sur la forêt ? On a observé en effet que, dans plusieurs situations, l’expansion de l’espace agricole avait été limitée, mais l’accroissement des revenus peut aussi inciter à accroître la surface cultivée. C’est ce qui s’est passé au Brésil où leur moindre coût de production a fait étendre leur surface au détriment de la forêt.
Les deux OGM les plus cultivés Th et Bt ont-ils permis de réduire l’utilisation des pesticides ? En ce qui concerne la tolérance aux herbicides à large spectre (notamment au glyphosate) des variétés Th, leur utilisation a réduit la consommation des herbicides spécifiques mais elle a notamment accru l’utilisation du glyphosate. Elle a eu pour autre effet aggravant, l’apparition de mauvaises herbes résistantes à cet herbicide ; les obtenteurs de cet OGM ont été ainsi conduits à créer des OGM résistants à un herbicide plus fort (et donc plus toxique) le Dicamba. La résistance aux lépidoptères des OGM Bt a induit une réduction appréciable de l’utilisation des insecticides cependant on a constaté une prolifération plus importante d’insectes autres que les lépidoptères et même l’apparition de formes de résistance chez les lépidoptères lorsque l’agriculteur n’avait pas prévu d’aires refuges constituées de plantes non OGM.
Y a-t-il un effet de l’utilisation des OGM en culture sur la santé humaine ? L’effet direct, c’est-à-dire la consommation de ces plantes transformées, est considéré maintenant comme négligeable. L’effet indirect, sur les agriculteurs, suite aux changements de l’utilisation des pesticides induits par ces OGM, ne l’est pas. Les OGM Bt qui apportent une résistance aux lépidoptères ont réduit significativement l’utilisation des insecticides sur ces cultures et sont donc positifs pour la santé. En ce qui concerne les OGM Th leur utilisation a, selon les uns, déplacé l’usage d’herbicides très toxiques vers des herbicides moins toxiques (le glyphosate), donc c’est un effet positif ; mais selon d’autres cette substance active serait potentiellement cancérigène.
Quelques aspects positifs de l’utilisation des OGM ont été relevés sur les techniques culturales ; l’utilisation intensive du glyphosate sur les cultures Th a favorisé le non labour des sols qui bien que contesté au point de vue des rendements est favorable à la vie souterraine. Toutefois des sols peu envahis par les mauvaises herbes ont permis l’abandon des rotations et entraîné l’uniformisation des cultures dans l’espace et dans le temps.
La biodiversité ne semble pas avoir été affectée sur les espèces non ciblées en ce qui concerne les OGM Bt ; l’absence de rotations favorisée par l’utilisation des OGM Th provoque une réduction, au moins temporaire, de la biodiversité sur ces paysages homogènes.
Enfin l’utilisation des OGM est susceptible de réduire ou d’aggraver les émissions de gaz à effet de serre, par l’expansion ou la réduction des espaces cultivés au détriment des forêts ou à leur avantage, par les modifications des techniques culturales : suppression des labours, réduction des fumures, modifications du machinisme agricole. Cependant si les publications sur le sujet concluent souvent à une réduction des émissions, rien n’en quantifie l’importance.
D’une manière générale une incertitude persiste sur les effets de ces nouvelles cultures quant à leur innocuité ou leur dangerosité pour l’environnement. Pour chacun de ces OGM on constate des effets positifs et des effets négatifs, il serait souhaitable d’aller plus loin dans ces études pour recueillir des résultats plus précis.
*Frederik Noak et al., Science 385 cado 9340, 30 août 2024.
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