Electricité : la période critique
Peut-on débattre des orientations en matière d’énergie ? La période s’y prête ... ou pas.
La petite vague de froid que connait la France va être une nouvelle fois l’occasion pour celle-ci d’importer d’Allemagne de l’électricité.
En effet, si la France avec ses 58 centrales nucléaires est globalement exportatrice, la chose s’inverse au coeur de l’hiver.
A ce moment-là, la consommation hebdomadaire moyenne est environ double de ce qu’elle est en été. La raison ? Tout simplement la politique d’encouragement au recours au chauffage électrique. Ce n’est pour le moment qu’un doublement, mais cela pourrait s’aggraver. Bien que plus développé qu’ailleurs, le chauffage électrique ne représente encore que de l’ordre de 11% du chauffage domestique, loin derrière le gaz naturel (35%), le fioul (25%) et même le bois (22%) [1]. Si l’on s’engage plus encore dans le chauffage électrique, jusqu’où grimpera le différentiel été - hiver ?
Pour faire face, à ce besoin hivernal que les centrales nucléaires françaises ne peuvent satisfaire, la France importe donc. En 2007, l’Allemagne a acheté 8 TWh à la France, mais elle lui en a fourni, en hiver, 16,2 ! [2]. Le Réseau Sortir du Nucléaire ne manque de souligner le résultat paradoxal de cet état de fait : l’utilisation du chauffage électrique, souvent présentée comme la "solution propre", entraîne « de fortes émissions de co2 qui, même si elles ont lieu en Allemagne, devraient être attribuées à la France et même au nucléaire français » [3].
Devant une telle situation, deux scénarios sont possibles.
- On peut repenser la politique de chauffage afin d’éviter ce doublement de la consommation d’électricité en hiver (pompes à chaleur, isolation, surisolation)
- On peut aller de l’avant dans le développement du nucléaire (renouvellement et extension du parc), en estimant que les besoins vont continuer de croître, sur l’ensemble de l’année, et en particulier l’été, par la climatisation.
Le débat serait légitime ... pas sûr qu’il ait lieu, pourtant.
Dans une tribune parue dans Les Echos du 24/12/08, Benjamin Dessus, président de Global Chance, s’alarme des conditions de préparation par le gouvernement de la Programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI), qui doit être présentée au Parlement début 2009.
« Sous le prétexte que les coûts de production de l’électricité sont « des informations commercialement sensibles dans des marchés concurrentiels tendus » on ne trouve plus, dans les « coûts de référence », d’indication sur les coûts en euros par MWh des différentes filières de production, mais seulement des valeurs indicielles comparatives de ces coûts par rapport à une énergie de référence, comme par hasard le nucléaire, de valeur arbitraire 1 » explique Benjamin Dessus, qui en vient à regretter le rapport 2003 qui, s’il était contestable, avait au moins le mérite de donner matière à débat.
Cette fois-ci, pour ce spécialiste de l’énergie, « le dogme nucléaire s’est substitué à la rationalité économique » et nous vivons dans une « bulle d’irréalité ».
« Il n’est pas trop tard pour reprendre l’exercice PPI sur des bases plus réalistes. Mais pour cela, il faudrait faire sortir le nucléaire du statut quasi religieux et secret qu’il connaît chez les décideurs de notre pays » conclut Benjamin Dessus.
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