En quoi les herbivores s’opposent aux restaurations végétales ?
La restauration de milieux dégradés ou le monde vivant ne peut plus se développer est quelquefois nécessaire, par exemple en montagne si l’on veut limiter l’érosion. La restauration peut aussi être aussi une volonté écologique de restitution d’un écosystème. Le monde vivant ne pouvant se développer qu’en disposant d’une source d’énergie, on va commencer par restaurer la végétation qui capte par photosynthèse l’énergie solaire et la transforme en énergie chimique (sucres). Cette énergie sera ensuite distribuée par les herbivores à tout l’écosystème.
On considère qu’un milieu peut retrouver sa couverture végétale par propagation naturelle si on supprime les causes de dégradation (déforestation, agriculture, invasion de plantes exotiques). La régénération est dans ce cas naturelle ou passive. On peut aussi semer des graines ou planter des arbres, la régénération est alors active.
La réussite d’une régénération végétale passive ou active nécessite une bonne adéquation des espèces végétales au milieu physique (sol, climat, disponibilité en eau), à l’environnement humain, mais l’expérience montre aussi qu’un facteur déterminant du succès est le contrôle de l’herbivorie (néologisme que nous garderons ici et qui signifie la consommation des végétaux par les herbivores). Des chercheurs* ont analysé des tests expérimentaux conduits dans 64 pays et ayant fait l’objet de 451 publications pour évaluer, sur des parcelles en restauration, l’effet des herbivores lorsqu’ils sont exclus, lorsqu‘on en ajoute, ou que l’on réintroduit des prédateurs. Nous donnons ici leurs principales conclusions.
Bien que les herbivores réduisent l’abondance de la végétation sur des sites naturels (32%) leur action est beaucoup plus importante sur des sites en restauration (52%) ; de ce fait la restauration y est plus lente et incomplète et nécessite souvent un contrôle des herbivores.
Alors que les herbivores augmentent la biodiversité dans les écosystèmes naturels en affaiblissant la compétitivité des espèces dominantes, ils la réduisent dans les sites en restauration. Cela tiendrait au fait que la productivité y étant moindre, les populations de plantes sont plus faibles ce qui facilite leur suppression.
Les écosystèmes dégradés se caractérisent par un plus grand nombre d’herbivores généralistes. Ils réduisent la diversité en supprimant très tôt les espèces de plantes qui se développent successivement.
Le climat (températures et pluviométrie moyennes annuelles) a un rôle modérateur clé sur l’effet des herbivores dans les sites en restauration alors qu’il est peu influent sur les sites non dégradés. Les températures élevées accroissent généralement l’herbivorie ; la diversité spécifique est aussi affectée dans les sites en restauration lorsque le climat est chaud et sec.
La taille des herbivores joue un rôle important dans les milieux naturels pour le maintien des prairies ; leur exclusion y favorise le développement des arbres. Cet effet est exacerbé dans des sites en régénération. En outre les espèces natives y sont favorisées par rapport aux espèces exotiques.
En définitive la gestion de l’herbivorie doit être prise en compte dès que l’on envisage de régénérer un site dégradé. Il faut exclure ou réduire la présence des herbivores de grande taille en installant des barrières ou en les détournant, utiliser des insecticides contre les insectes herbivores ; ceci est valable pour les sites en restauration de petite taille. Pour les sites très grands il faut réintroduire les prédateurs.
*Changlin Xu et al. Science, 3 novembre 2023, N°6670, pp.589-592.
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