Energies vertes : le besoin en métal peut-il faire échouer la transition énergétique ?
Le 30 novembre débutera à Paris la COP 21. Cet événement majeur réunira près de 200 chefs d’état venus pour décider d’une politique environnementale capable de contrer les dérives climatiques. Si l’essor des énergies renouvelables est plébiscité, le développement de la filière va nécessiter la construction d’installations demandeuses en minerais. Des ressources naturelles dont l’extraction peut être très polluante selon l’énergie utilisée par les pays producteurs.
20 % d’EnR dans la consommation finale européenne
A quelques encablures de la prochaine conférence des Nations Unies sur le changement climatique, l’heure est au passage en revue des différentes politiques environnementales que comptent adopter les pays participants. Celles-ci doivent s’efforcer d’empêcher le réchauffement de la planète de dépasser les deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle.
Pour y parvenir, les différents scénarios envisagés prévoient de favoriser l’émergence et le développement des énergies renouvelables, propres et dont le bilan carbone nul va permettre de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serres responsables des dérives climatiques actuelles.
Du moins sur le papier. Car lorsque l’Union européenne annonce par exemple qu’elle souhaite satisfaire 20 % de sa consommation finale d’énergie par les énergies renouvelables d’ici à 2020, incitant la France à porter sa part de renouvelables dans son mix énergétique à 23 %, elle omet d’intégrer dans son discours les désagréments écologiques que pourra engendrer la construction des infrastructures nécessaires au développement de ces EnR.
Le recours en masse à l’énergie produite par le soleil ou par le vent va demander la construction de nouvelles installations dédiées à leur production, leur stockage et leur distribution, autant d’infrastructures gourmandes en matériaux comme le cuivre, l’aluminium ou l’acier. La multiplication de ces centrales devra s’intensifier si l’on veut pouvoir honorer les objectifs de production dictés par la demande énergétique mondiale. Une multiplication notamment mise en exergue par des études du CNRS publiées par l ’Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l’Energie.
Ces rapports indiquent que pour la même quantité d’énergie produite, les éoliennes et centrales solaires vont avoir besoin de 15 fois plus de béton, 90 fois plus d’aluminium et 50 fois plus de cuivre et de fer que les centrales de production fonctionnant avec des combustibles traditionnels. La transition énergétique telle qu’elle est envisagée à l’échelle mondiale par certains, exigerait notamment quatre années de production mondiale d’acier, six années de production d’aluminium et plus de trois années de production de cuivre.
Les besoins grandissants, en plus de poser la question de la raréfaction de ces métaux, inquiètent quant aux problèmes de pollution que peut engendrer l’extraction de certains d’entre eux, comme l’aluminium.
La Chine, premier producteur d’aluminium
La place de l’aluminium dans la construction de toutes les infrastructures dédiées à la production des EnR est très importante. On va particulièrement retrouver ce métal dans les lignes haute tension qui serviront à relier les réseaux électriques. A l’heure actuelle, l’Europe prévoit de mettre en place 45 000 km de nouvelles lignes haute tension, une demande qui nécessitera toujours plus d’aluminium. Seulement, l’aluminium provient aujourd’hui principalement de Chine, le pays assurant la moitié de la production mondiale.
La production d’aluminium est très énergivore et l’Empire du Milieu a majoritairement recours au charbon pour produire, causant au passage de sérieux dommages sur l’environnement. Cette énergie fossile, particulièrement polluante, est utilisée en abondance au détriment d’énergies plus propres, du fait de son bas coût. De plus, en l’absence de législation environnementale bien définie, la Chine se permet tous les travers. Selon l’auteur d’un rapport d’Aluwatch consacré aux implications environnementales de la production d’aluminium en Chine, Philippe Chalmin, « il n’y a aucune logique pour la Chine de continuer à développer sa production d’aluminium ».
Le pays ne se gêne pas en effet pour polluer l’eau des lacs qui servent à irriguer les théiers et cafetiers en y rejetant la surproduction de bauxite, le minerai qui sert à produire l’aluminium, altérant significativement la qualité des eaux. Si certains pays, comme le Brésil ou le Venezuela, font également la part belle aux énergies fossiles pour produire l’aluminium, d’autres arrivent à tenir des engagements environnementaux forts tout en assurant une part de la production mondiale. C’est le cas en particulier de la Russie qui fabrique ce métal en ayant recours à l’hydroélectricité, très développée sur son territoire. Aussi, l’Islande et sa politique énergétique 100 % renouvelable est de plus en plus plébiscitée par les géants du secteur de l’aluminium, ces derniers n’hésitant pas à multiplier les centrales de production dans le pays du feu et de la glace.
En présentant leurs différents programmes destinés à pousser les énergies vertes, les gouvernements du monde entier ont tendance à faire main basse sur une partie épineuse du dossier, à savoir l’impact environnemental que va avoir le recours aux matériaux nécessaires à la construction des installations adéquates.
L’exemple de l’aluminium est symbolique d’une hypocrisie latente constatée chez les décideurs qui défendent une avalanche de plans nourris de bonnes intentions, en taisant des problématiques qui pourraient mettre en péril les résultats escomptés. Le temps presse et nous sommes dans l’obligation d’envisager l’ensemble des éléments que compose l’instauration d’un nouveau modèle énergétique mondialisé, aussi complexe que ce dernier puisse être. Et cela, sans fermer les yeux sur les parties les plus critiques, au risque de ne faire, au final, tout cela pour rien.
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