EON ne nous dit pas tout
EON : sous ces trois lettres se cache une grosse entreprise qui œuvre dans la production énergétique.
Charbon, gaz, nucléaire, thermique…tout est bon pour EON.
Sauf qu’un projet, apparemment bien sous tout rapport, avec en principe un bon rapport carbone, pourrait mettre sous peu le petit monde cévenol en émoi.
Il s’agit de produire de l’énergie en brûlant du bois, à Gardanne, à coté de Marseille, et ce projet a été lancé en 2011 par un certain Eric Besson, ministre de l’Industrie à l’époque, celui là même qui avait rejoint les rangs sarközistes délaissant ceux du P.S. lien
La tranche 4 de cette unité thermique qui fonctionnait au charbon serait reconfigurée pour brûler du bois. lien
Jusque là, le projet semble convaincant, puisqu’en effet, il est moins dommageable pour l’environnement de tourner au bois qu'au charbon, le bois ayant un « bon bilan carbone », et fait partie de ce que l’on classe généralement dans les énergies renouvelables.
Sauf que pour certains défenseurs de l’environnement, la future centrale aura de gros problèmes d’approvisionnement.
EON prévoit de brûler d’abord, dans une période transitoire, des granulés, qui viendraient du Canada, ce qui en matière de bilan carbone n’est pas au top, puis des déchets bois classe A, puis classe B. lien
Or ces déchets de classe B, présentés comme non toxiques, sont généralement des bois traités, bourrés de colle, de vernis, et d'autres produits chimiques. lien
Mais le gestionnaire de cette usine thermique évoque aussi « des produits cendreux de récupération » qui laisse à penser aux opposants à cette usine qu’il s’agirait d’un véritable projet caché d’incinérateur.
On peut s’interroger sur la présence dans cette même ville d’une usine de production de « boues rouges » (la seule de France), permettant de fabriquer de l’aluminium, et qui trouverait peut-être là l’occasion de se débarrasser de ces boues encombrantes, stockées pour l’instant dans une grande carrière. lien
L’exploitant se veut rassurant, affirmant que la consommation serait de l’ordre de 850 000 tonnes par an, (certains affirment que le million de tonne serait rapidement atteint) dont 335 000 tonnes seraient importées, 85 000 tonnes seraient du bois de récupération, et 435 000 tonnes de bois locales, ce qui reste considérable d’autant que le terme « local » intrigue. lien
En allant un peu plus loin dans le dossier, on découvre que l’exploitant n’hésiterait pas à se fournir dans les Cévennes, boisées en grande partie de Châtaigniers.
On imagine les dégâts qu’une telle exploitation ferait subir à la région : non seulement par une atteinte au patrimoine régional, mais aussi par la dégradation des routes, conséquence des lourds engins utilisés pour ce genre d'exploitation.
Comme l’explique dans les colonnes de « Charlie » un écolo local : « j’espère qu’une grande bataille s’annonce, car ce projet est une merde. Les forêts cévenoles vont être dévastées par des coupes à blanc, qui permettront à leurs proprios privés de faire du fric. On pourrait imaginer ici une autre économie du bois, avec de petites unités de chauffage, mais le PS préfère dealer avec EON qui gagne sur tous les tableaux. Le nucléaire, le gaz russe, et cette saloperie de centrale de Gardanne, qui tourne le dos à toute idée d’autonomie. C’est le moment de sortir du bois ».
La forêt des Cévennes, au cœur du Parc National, représente tout de même 58 000 hectares, avec plus de 1600 espèces végétales, dont 35 protégées, et 21 espèces uniques au monde. On y a dénombré 89 espèces de mammifères, 208 oiseaux différents, 35 sortes de reptiles et batraciens, et 24 espèces de poissons. lien
Le Châtaignier, si convoité par E.ON, fait partie du paysage, ou il est prédominant.
C’est un arbre dont la croissance est lente, pouvant vivre 500 ans, riche en tanin, faisant partie du paysage cévenol, et à ce titre, il devrait être protégé.
Il existe même dans la région lémanique 2 Châtaigniers qui avec leurs 15 mètres de circonférence, auraient atteint le millénaire.
La France, avec 13 000 tonnes de châtaignes par an, est le 4ème producteur européen.
Dès le 4ème siècle avant notre ère, Théophraste citait la châtaigne qu’il appelait « gland de Zeus ».
Au début du 20ème siècle, le recul drastique des châtaigneraies va donner naissance au premier congrès national du châtaigner, en 1935, suivi par la création du syndicat des producteurs de Châtaignes en Ardèche, en 1949, qui vont tout faire pour sauver cet arbre. lien
Les bienfaits du châtaignier sont nombreux : il est appelé « l’arbre à pain » par les cévenols, puisque la châtaigne débarrassée de sa peau, est moulue afin d’en faire de délicieux pains, riches en oligo-éléments, en protides, en calcium, phosphore, mais aussi en potassium, fer, magnésium, vitamines B1, B2 et PP.
Et puis il y a la subtile crème de marron, le fameux miel de châtaigniers, les marrons glacés…et pas que.
Qui connait le soufflé à la liqueur de châtaigne ? Le Petit Cévenol à la Châtaigne ? Les galettes de farine de châtaignes… ? lien
Ajoutons pour la bonne bouche qu’il est utilisé en vannerie, ou pour la fabrication de tonneaux, de meubles, voire de ruches. lien
D’autre part, le Châtaigner, outre les fruits qu’il produit, est un bon bois de construction, grâce au tanin qu’il contient, permettant de faire entre autres des planchers quasi imputrescibles… ce même tanin qui est utilisé pour le traitement des peaux
C’est aussi pour cette raison que l’on fabrique, avec les branches de châtaigniers de très bons piquets, pratiquement indestructibles. lien
Et n’oublions pas les champignons : les bolets, particulièrement liés à la présence des châtaigniers qui disparaitraient rapidement si les châtaigniers étaient détruits. lien
Il existe des essences d’arbre, à croissance rapide, comme le peuplier par exemple, bien plus apte à produire, entre autres, de l’énergie, d’autant qu’une piste manifestement oubliée, aurait du être étudiée de plus près.
Pourquoi ne pas utiliser les déchets ligneux urbains, les résidus de l’abattage des arbres au lieu de s’en prendre aux châtaigniers. ?
Et n’y a-t-il pas mieux à faire pour produire de l’énergie grâce au bois ?
En Espagne, des scientifiques de l’université de Léon vont créer une usine de biomasse forestière afin d’expérimenter la production d’énergie électrique à partir de résidus forestiers des alentours d’Astorga.
Il s’agit de produire un gaz « pauvre », par la gazéification de la biomasse, et de bruler ce gaz dans un moteur, couplé avec un alternateur, afin de produire de l’électricité.
Or c’est justement le peuplier qui est choisi pour ce projet, puisqu’il permet une production rapide de bois sur des cycles de 3 à 5 ans, répondant pour le coup à l’appellation « renouvelable », ce qui n’est pas réellement le cas du châtaignier.
A plein régime, l’usine pourra produire 14 000 mégawatt par heure, répondant aux besoins d’une ville de 10 000 habitants. lien
La cogénération a le double avantage de produire de l’électricité, mais aussi de la chaleur, le rendement est donc bien meilleur, mais ce n’est pas à l’ordre du jour dans le cadre de l’unité thermique de Gardanne.
Pour l’instant, le groupe E.ON, même si le financement de 230 millions n’est pas bouclé, a confirmé son intention de commencer les travaux à Gardanne dès cet été, pour un démarrage de l’unité thermique début 2015, affirmant que « la biomasse issue du secteur forestier local entrera pour près de la moitié dans le mix combustible de Provence 4 (c’est le nom de l’unité) dans la limite des ressources disponibles et sans concurrencer les usages actuels de la forêt ». lien
On voudrait le croire.
Espérons que le bon sens finira par triompher et que les Cévennes garderont encore longtemps, leurs châtaigniers, et leur beauté.
Comme dit mon vieil ami africain : « l’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse ».
L’image illustrant l’article provient de « neo-planete.com »
Merci aux internautes de leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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