Financement du photovoltaïque, le contre-exemple espagnol
A la lecture du récent rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les coûts de l’électricité, un encart interpelle : « les risques d’une politique mal maîtrisée : le cas de l’Espagne ». Pourquoi la politique espagnole est-elle devenue le contre-exemple du soutien au développement des énergies renouvelables ? D’autant que la France a suivi un modèle similaire pendant quelques années.
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Des décideurs publics qui ont sous-estimé l’effet d’aubaine
Entre 2005 et 2010, la capacité de production d’énergie solaire est passée de 40 MW à 3 500 MW en terre ibérique. Au total, nos voisins ont multiplié par presque 90 leur parc photovoltaïque. On saluera le volontarisme politique… excepté que le gouvernement Zapatero n’avait absolument pas anticipé une telle hausse ! Non, celui-ci visait l’objectif bien plus modeste de 400 MW à l’horizon 2010, objectif atteint et dépassé dès 2007.
Comment expliquer un tel succès ? Très simplement : acheter 10 fois plus cher (45 centimes d’euros le kWh) l’électricité photovoltaïque que le prix accordé pour les autres sources de production électrique. L’on a dès lors assisté à une véritable ruée sur ce nouvel Eldorado, d’autant que l’Etat espagnol s’était engagé à maintenir ce niveau de prix pendant 20 ans.
Pour l’année 2009, les producteurs de photovoltaïque ont reçu 2,6 milliards d’euros de l’Etat espagnol bien qu’ils ne représentent que 2% de l’énergie produite. A titre de comparaison, l’éolien atteint 18% du mix énergétique de l’autre côté des Pyrénées mais n’a reçu que 1,6 milliards d’euros.
Un engouement contreproductif
Et pourtant l’idée de départ était bonne : l’Espagne dispose d’un potentiel solaire important (900 000 TWh par an tandis que l’Allemagne ne peut se targuer que de la moitié). C’est la proportion des moyens qui a fait défaut. Au plus fort de la fièvre, les fabricants nationaux de panneaux photovoltaïques, de taille modeste, n’ont pas pu suivre la demande. De fait, ce sont les usines asiatiques qui en ont le plus largement profité, suivies par les Allemands, un temps leaders mondiaux sur ce marché (classement qui a évolué depuis la disparition de Q-Cells en avril).
Face à la charge budgétaire qu’est devenu le soutien financier de l’Etat à ce secteur, la majorité socialiste est revenue sur ses engagements en 2008 puis en 2010. On a dès lors assisté à un plongeon vertigineux du marché. L’entreprise andalouse Isofoton a connu une chute de 83% de ses ventes en 2009. Selon l’ISTAS (Instituto Sindical de Trabajo, Ambiente y Salud) dépendant du syndicat Comisiones Obreras, en 2007 l’on comptait 180.000 emplois dans la filière des énergies renouvelables, et plus que 116.000 en 2010. Aujourd’hui, l’aventure solaire constitue un véritable fardeau pour l’Espagne, déjà en fâcheuse posture, avec une facture de 24 milliards d’euros fin 2011 (2,4% du PIB) auxquels devraient s’ajouter 5 milliards en 2012.
Le retour à l’initiative privée ?
Un nouveau modèle économique pour le photovoltaïque pointe néanmoins à l’horizon, développé par les sociétés allemandes technologiquement les plus avancées. La particularité de ces nouveaux chantiers est qu’ils ne sont absolument pas subventionnés et proposent des ratios coût/production compétitifs par rapport aux autres énergies. Plusieurs centrales de ce type sont en développement dans la péninsule ibérique.
Les généreuses politiques d’aides au développement de l’électricité photovoltaïque à travers l’Europe ont été plus contreproductives que bénéfiques (excepté pour l’industrie chinoise). L’espoir demeure peut-être avec une nouvelle génération de projets, indépendante du financement public.
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