Fukushima : le soufflé médiatique retombe, le danger reste
Tant que les réacteurs de Fukushima explosaient en direct, les médias consacraient une couverture "Live" et des émissions débats truffées d'analyses souvent creuses faute d'information. Mais l'univers médiatique ne sais pas gérer les crises qui durent. Pourtant le paroxysme de la crise de Fukushima est encore devant nous, mais comme ça fait pas un bon plan média on passe à autre chose comme si la crise était finie.
Est-il raisonnable de consacrer une à deux heures de direct à des éléctions cantonales dont on sait qu'elle seront les dernières, réforme territoriale oblige, alors qu'au Japon se déroule un combat pour sauver de la contamination des milieux dont l'étendue, l'envergure et la gravité ne sont tout simplement pas encore determinables tellement ils sont potentiellement titanesques ?
Nous sommes passés d'un discours de minimisation de la crise en totale contradiction avec les images montrant en direct les quatre catastrophes succesives de Fukushima à une situation post-crise fictive sans images alors que rien n'est encore reglé.
Enfin nous avons droit au discours rassurant de et la contamination qui passe bien "comme prévu" sans etre mesurable.
Il est étonnant de voir à quel point la mise en scène de l'information efface toute possibilité de rationnalité et à quel point les présentateurs de nouvelles sont capables de doner du corps à des illusions et des inconsistances pourtant évidentes.
D'abord le mythe du niveau d'une catastrophe moins grave que celle de Tchernobyl qui constitue déjà une négation de l'évidence de ce qui saute aux yeux :
Nous avons tous bien vu 4 catatrophes nucléaires se succéder à Fukushima.
Il n'y a pas besoin d'avoir fait de grandes études pour savoir que 4 > 1
Maintenant pour ceux qui ne sont pas matheux je vais prendre un exemple un peu plus simple : imaginez que vous jouez au foot.
Au lieur de jouer avec un seul ballon l'équipe adverse met en jeu 4 ballons simultanément.
Vous pensez toujours que votre équipe va garder la même cohésion, la même efficacité et la même capacité de se mobiliser ?
Ajoutez à ça que les ballons sont hérissés de pointes très dangereuses et que pendant que vous tentez de prendre le controle d'un de ces ballons vous risquez de croiser un des 3 autres qui ne vous fera pas de bien.
Mais continuons la comparaison avec Tchernobyl.
Fukushima est sur l'ile principale étroite et surpeuplée du Japon à seulement quelques centaines de km de la capitale Tokyo.
Rien à voir avec la vaste URSS.
Le Grand Tokyo est la mégapole la plus peuplée du monde avec 35,676 millions d'habitants répartis sur un espace bâti continu de 7 835 km2.
Cela représente plus du quart de la population totale du Japon (27,9 % en 2007).
En fait la distance qu'on donne entre Fukushima et Tokyo est en général celle du palais de l'empereur. Les limites nord de la mégalopole sont bien plus proches de Fukushima comme le montre cette carte de la densite de population.
http://www.populationdata.net/images/cartes/asie/extreme-orient/japon/japon_densite.gif
Dans un précédent article intitulé Fukushima n'est pas Tchernobyl, j'avais expliqué en quoi les risques des catastrophes de Fukushima sont potentiellement bien plus importants que Tchernobyl.
La présence de combustible MOX, hautement toxique, la proximité de l'océan pacifique, la possibilité d'un futur tsunami, tout cela change dramatiquement la donne et soulèvent d'importantes questions que les médias devraient porter à la connaissance du plublic et exiger que les études sérieuses et des réponses crédibles soient apportées.
En tout premier lieu, quelle est l'ampleur potentielle du désastre que nous encourons si effectivement la situation échappe à tout contrôle et que les quatre coeurs des réacteurs fusiennent totalement ?
Quelle quantité de matériaux risque de se déverser hors des confinements et de quelle nature ?
Quelle serait l'envergure pour l'air et pour la mer d'une telle concentration de polluants ? Mondiale ? Océanique ? Continentale ?
Quelle taille aurait la zone inhabitable ?
Tout le Japon ou une partie de l'ile de Honshu ?
Un certain nombre de voix s'élèvent pour dire qu'un scenario mettant en cause l’intégrité à moyen terme de l’humanité ne peut plus être exclu.
Jacques Attali, sur son Blog, se dit comme moi, principalement concerné par l'état du réacteur n°3, celui qui contient du MOX : "Et même, s’il s’agit de l’enceinte de confinement du troisième réacteur, des quantités considérables de plutonium. Avec, alors, des conséquences certaines sur la contamination d’une partie du Japon, devenant largement inhabitable ; et avec d’autres implications, moins certaines, sur la contamination de la planète entière."
Et d'appeler à une intervention de l'ONU pour "envoyer sur place, par avion, tous les hélicoptères, lances à incendie, robots, bétonneuses, qu’on pourra trouver pour organiser un confinement efficace de ces réacteurs".
Je partage entièrement son avis. Les risques sont partagés par l'humanité toute entière. Nous ne pouvons nous contenter de laisser les Japonais - et l'armée US- se mobiliser seuls contre cette machine infernale.
Alors il faut que les média main-stream se redent compte qu'on n'est pas ici dans une problématique d'affoler ou non les populations.
Il n'est plus temps d'endormir les enfants avec des contes sur cet étange nuage de pollution métaphysique qui est là, on en est sur, mais qui n'est pas mesurable scientifiquement, chose dont on en est encore plus sur.
Il faut se rendre compte que la crise est toujours aussi aigue, qu'au lieu de s'en désinteresser pour des sujets furtiles, il faudrait au contraire creer le choc de consciences qui permetterais de mobilier les ressources pour controler au plus vite les risques considérables qui continuent de peser sur nous tous.
Alors les cantonales, vous m'excuserez.
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