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Accueil du site > Actualités > Environnement > Garonne 2021 : une grande crue. Mais c’était pire avant

Garonne 2021 : une grande crue. Mais c’était pire avant

Sacrée fille, la Garonne. Un tempérament de garçonne quand elle dévale les pentes des Pyrénées. Elle est connue pour ses excès. Et cela ne date pas d’hier. Son nom signifie soit La rivière caillouteuse, soit pour les Celtes La rivière de l’Eau (en tant que divinité). La mère des rivières est aussi l’une des plus dangereuse.

Eau Toulouse !

Par la topographie de la région pyrénéenne et par l’aérologie spécifique qu’on y rencontre (conflits de masses d’air, convections, mousson provençale, etc) la Garonne est le fleuve le plus arrosé de France. Selon Wikipedia :

« ... la Garonne est un fleuve abondant, puissamment alimenté par les fortes précipitations des hauts sommets des Pyrénées centrales, et d’une bonne partie du Massif central. La lame d'eau écoulée dans son bassin versant se monte à 384 millimètres annuellement, ce qui est nettement supérieur à la moyenne d’ensemble de la France tous bassins confondus (320 millimètres par an). »

C’est en débit d’eau moyen le troisième fleuve français. Ses fluctuations sont la conséquence directe de son haut cours, arrosé par les monts les plus élevés des Pyrénées. Il déboule directement sur Toulouse. Ô Toulouse ! Selon le site de la communauté régionale de communes, la pluviosité moyenne sur les hauts de la Garonne est une des plus élevées du pays :

« La répartition des précipitations est conditionnée par l’altitude. Les précipitations moyennes annuelles à 1650 m (altitude médiane du bassin versant de la Pique) sont de 1600 mm. 

 

Tumulte ravageur

La survenance d’évènements naturels est en étroite relation avec des évènements météorologiques excessifs par leur intensité, leur durée et leur répartition spatiale. Or le bassin de la Pique est soumis à la double influence océanique et méditerranéenne dont les excès se caractérisent par des précipitations. »

Ses colères ont laissé de tristes souvenirs. D’ailleurs, aujourd’hui encore on fête l’anniversaire de la grande crue de 1875. C’est dire à quel point cela fait partie de la conscience et du vécu des habitants. 

Les crues dévastatrices marquent l’histoire de la région, plus qu’ailleurs en Europe. Aujourd’hui leurs effets sont aggravées par l’augmentation de la population, l’urbanisme inadapté et la réduction des zones inondables.

Les crues, là-bas, c’est un rythme. Il y a les crues, et entre deux il y a la vie.

 

Selon le journaliste Guillaume Laurens :

« Entre Toulouse et la Garonne, c’est plutôt une longue histoire tumultueuse, jalonnée de crues dévastatrices. Du XIIIe au XIXe siècle, le fleuve est sorti de son lit à près de 50 reprises. Il y a 143 ans jour pour jour, le 23 juin 1875, une crue historique de la Garonne ravageait même toute sa vallée. Et Toulouse faisait l’objet d’une inondation d’une ampleur sans précédent, comme le rapportait Actu Toulouse en 2015, pour les 140 ans de la crue. »

 

Non-record

Ces jours une grande crue gonfle la Garonne. Un courant d’ouest continu et très actif n’est arrêté par aucun anticyclone. Il déverse son eau précipitable en premier lieu sur la France. Le redoux fait également fondre les neiges tombées en abondance. 

C’est la plus forte crue depuis 40 ans avec une hauteur de 4,05 mètres à Tartas dans les Landes. L’ancien record de 4,80 mètres n’a pas été battu. Il date de… janvier 1843. 

Il semble que la répétition à quelques jours ou semaines de plusieurs crues fortes soit exceptionnelle, historique même. C’est possible, bien que j’aie vu ce genre de répétitions mentionné pour d’autres époques également. Mais c’est peut-être la première fois à Tartas, donc c’est localement historique. Et cela n’a rien d’extraordinaire. Il y aura toujours des épisodes historiques.

Comment croit-on que la Garonne a pu creuser autant sa vallée, dans cette haute montagne à la roche dure ? Par des épisodes bien plus extrêmes qu’aujourd’hui, répétés dans le temps selon des cycles météorologiques.

Je lis aussi que la Garonne a atteint une hauteur de 10,20 mètres à Marmande. Mais la crue de référence, celle dont l’anniversaire est célébré, est la crue de 1875. À Marmande le fleuve avait atteint la cote de 11,31 mètres. Du jamais vu depuis.

 

Moissac à sac

Cette crue commence après plusieurs jours de pluies continues. Gonflée et rugissante, la Garonne traverse Toulouse à un train d’enfer, détruisant trois de quatre ponts de l’époque. Un quartier entier de la ville est rayé de la carte, avec plus de mille maisons détruites et des centaines de morts. Imagine-t-on à Genève le quartier de la Jonction rasé par une déferlante ? Les images de Toulouse de l’époque témoignent du désastre sur ce site dont j’ai extrait l’image 3.

ll faut aussi mentionner la grande crue de 1930. Le Tarn, l’Aveyron et la Garonne se sont mises à déborder en mars. « Les inondations survenues du 1er au 4 mars 1930 dans le bassin du Tarn sont la pire catastrophe naturelle que la région a connue. Rien qu’en Tarn-et-Garonne, on dénombre 204 morts. Des survivants livrent leur témoignage. »

À Rabastens le Tarn atteint la cote de 18 mètres. En quelques minutes la ville de Montauban en partie détruite, celle de Moissac est comme mise à sac, rasée aussi sec.

« 120 morts, 644 blessés, 1 400 maisons rasées et 5 896 sans-abri en une nuit - soit 80 % de la population moissagaise de l’époque… (…).

 

Mille eau à Millau

C’est un véritable « tsunami », une vague de plus d’un mètre de haut déferle, peu après 23 heures, lorsque le pont Cacor cède devant l’incroyable amas d’arbres, de boues et de gravats charriés depuis Montauban. 

Le débit du Tarn qui est de 200 m3/seconde en temps normal passe de 8 000 à 8 500 m3/s. L’énorme masse d’eau libérée détruit tout sur son passage… »

Voici également l’avis du géographe Maurice Pardé :

« L’averse de mars 1930 sur le Tarn avant Montauban, si l’on excepte de la comparaison les inimaginables déluges cévenoles, n’a donc d’égal en France que celle de juin 1875 avant Toulouse. Elle dépasse les précipitations pourtant impressionnantes qui assaillent le Rhône supérieur et la Durance. »

À Millau, où le plus beau viaduc d’Europe a été construit, on connaît bien les colères du Tarn et ses crues dramatiques depuis le XVe siècle. Le Tarn-et-Garonne est depuis toujours un département fortement sujet aux inondations (image 5).

 

Oui, 2021 est l’année d’une grande crue de la Garonne et de ses affluents. Mais il y eu pire par le passé.

 


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7 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 6 février 2021 09:55

    Ce n’est pas par hasard si le Pont Neuf de Toulouse (le plus vieux pont de la ville, en fait) est toujours là alors que tous les autres, plus récents ont été emportés l’un après l’autre. Il a été étudié dès le début pour résister aux assauts de la Garonne et à ses crues (en particulier celle du 23 juin 1875) grâce à trois dispositifs :

    • sept arches irrégulières, amples et élevées
    • des piles de pont ouvertes par six dégueuloirs (ou ouïes)
    • des crêtes en avant de chaque pile. Ces piles ont d’ailleurs été renforcées entre 1937 et 1948.

    lien


    • Clark Kent Séraphin Lampion 6 février 2021 10:37

      @Séraphin Lampion

      C’est à l’occasion des crues de la Garonne qui ont fait près de 300 victimes que le président Mac Mahon, en visite dans la région, n’avait rien trouvé d’autre à dire que « Que d’eau ! Que d’eau ! ». Un précurseur !


    • Clark Kent Séraphin Lampion 6 février 2021 10:39

      @Séraphin Lampion

      Mac-Mahon, ça commençait par « Mac » et ça finissait par « on »


    • bestof32 bestof32 6 février 2021 18:42

      @Séraphin Lampion
      A Castelsarrasin pour être plus précis.


    • Clark Kent Séraphin Lampion 7 février 2021 08:57

      @bestof32

      En disant ça, Mac-Mahon aurait coupé la parole au maire de la ville en question, sinistrée, lequel maire faisait un discours interminable, ce qui énervait le président de la république invité à constater les dégâts de la crue de la Garonne. Mais son laconisme se serait retourné contre lui dans l’opinion.

      Il n’est pas le seul président à avoir proféré des banalités qui n’en étaient peut-être pas dans ce genre de circonstances. De Gaulle s’est aussi fait remarquer en la matière :

      « Je salue Fécamp, port de mer et qui entend le rester »

      « Lyon n’a jamais été aussi lyonnaise. »

      « Je puis vous assurer que la Loire continuera à couler dans son lit »

      L’humour n’étant pas la chose la mieux partagée, le second degré a souvent du mal à se laisser percevoir.


    • Gaspard des Montagnes Max31 7 février 2021 06:53

      2 précisions :

      Tartas (évoqué pour sa cote élevée enregistrée récement) ne se trouve ni sur la Garonne, ni un de ses affluents, mais sur l’Adour, fleuve côtier plus au sud qui se jette dans l’océan du coté de cap-Breton.L’Adour partage certaines caractéristiques de la Garonne.

      la particularité du bassin de la Garonne est d’être encadré par 2 massifs montagneux : les Pyrénées (largement évoquées) au sud, et le massif central à l’Est.

      Les crues actuelles en aval de Toulouse, proviennent de la conjonction des précipitations sur ces 2 massifs. En effet les 2 principales rivières Lot et Tarn du massif central rejoignent la Garonne vers Marmande et à Moissac, d’où les crues sur le cours inférieur de la Garonne.

      Pour finir ayant vécu quelques temps à Agen, j’avais noté que la Garonne était appelée Garonne sans le « la » qui précède... les gens en parlait comme d’une personne, avec laquelle ont devait éviter de se fâcher.


      • hommelibre hommelibre 7 février 2021 23:30

        @Max31
        Merci d’avoir précisé, c’est vrai que j’ai englobé pour la région.
        Le bassin est aussi à la conjonction fréquentes des masses d’air humides d’ouest et celles plus chaudes du sud. Ça bouillonne bien.

        Garonne, oui, elle est personnalisée, Nougaro l’a fait dans une chanson relativement peu connue : « C’est une Garonne »

        https://www.youtube.com/watch?v=W94NCsiIIdU

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