Les hydrocarbures ont fait de nous des drogués de l'énergie.
Les Hydrocarbures nous permettent d'avoir une qualité de vie qui, il y a encore 200 Ans, était inimaginable. Cependant, parce que cette ressource demeure relativement limitée et rare, les nations rentrent en concurrence pour s'en préserver des accès privilégiés. Ainsi en moins d'un siècle d'histoire, on ne compte plus les populations qui paient cher notre soif d'énergie : Nigéria, Iran, Irak, Angola, Afghanistan, Géorgie... Partout où les hydrocarbures appellent l'humain, le malheur frappe.
Malgré leurs inconvénients, les hydrocarbures réalisent quasi instantanément tous nos désirs. Cette ressource a inauguré l'ère de l'industrie et de la consommation de masse. Auparavant, la rareté et la faiblesse des énergies disponibles contingentaient la production au plus proche de nos habitats. Aujourd’hui, les hydrocarbures ont non seulement abattus les limites géographiques mais aussi, climatiques. Nous répondons à nos désirs quand bon nous semble, en allant les acquérir là où ils coûtent le moins cher.
En accoutumant l'homme moderne à consommer de tout et en masse, la période des "trente glorieuses" a été un prélude à un œuvre beaucoup plus vaste : La mondialisation des échanges. Marketing et publicité seuls n'auraient pu accomplir ce "miracle". L'augmentation de l'offre marchande, les fabrications "low-cost" et... les délocalisations, n'ont été rendus possibles que grâce à une seule chose : l'énergie de mouvoir des biens d'un bout à l'autre de la planète au gré des caprices - manipulés - des consommateurs. Ainsi, ce qui devait faciliter nos vies quotidiennes est devenu le principal responsable de nos maux, qu'ils soient sociaux, humains et économiques.
Désertification, drames sociaux, pertes des valeurs et du sens, troubles climatiques, crises économiques, pauvreté endémique...Malgré d'évidents stigmates, tels des drogués, nous multiplions les plaisirs éphémères tout en sachant que cela nous mène à une inéluctable perte.
Consommation, compétitivité et Hydrocarbures... des drogues dures.
En remplaçant le besoin par l'envie, nous avons fait du citoyen une machine à consommer. Cette machine a besoin d'énergie : Les hydrocarbures, et de matières premières : les biens. Comme toute machine elle doit fonctionner de façon optimale. Cette optimisation, c'est la compétitivité industrielle. Grâce à elle, il est possible de générer des biens bon marché. En utilisant des biens fabriqués de façon "compétitive", la machine "consommateur" peut fonctionner à plein rendement en utilisant les hydrocarbures.
La compétitivité se manifeste, notamment, par l'optimisation de l'outil de travail : On produit mieux et plus avec moins de ressources tant humaines qu'énergétiques. Les gains de compétitivité bénéficient à la masse salariale restante qui peut ainsi plus consommer. Les salariés exclus de l’outil de travail, bénéficient du crédit et des aides sociales : ils peuvent aussi consommer. Au final, les consommateurs peuvent acquérir plus de produits à meilleur marché. Les quantités livrées augmentant, le besoin énergétique évolue en proportion tandis que, grâce à la compétitivité, le besoin en main d'oeuvre, stagne. L'humain, pour jouer son rôle de consommateur, à besoin de ressources financières. Si le travail se fait rare, alors, l'humain doit s'arranger pour être le moins coûteux possible. La compétitivité se nourrit donc d'un dumping social déployé à une échelle planétaire : Les humains rentrent en concurrence pour obtenir et préserver leur statut de consommateur.
Grâce à l'accès facile aux hydrocarbures, ce cycle infernal est endémique. A cause d'un ticket énergétique faible et une forte demande d'humains conditionnés, la compétitivité et hydrocarbures jouent librement leur rôle destructeur.
Il faut placer l'humanité en cure d'auto-désintoxication.
Parce qu'ils comblent 85 % de nos besoins énergétiques, sans hydrocarbures, pas de consommation de masse, pas de commerce international, ni confort "à l'américaine". Cependant, on voit mal comment tout un peuple accepterait de renoncer à son statut d'exception. Dégrader unilatéralement la qualité de vie peut engendrer de la violence, de graves troubles sociaux et politiques. Par conséquent, tout doit être fait pour que le citoyen consommateur conserve les moyens énergétiques de ses caprices. Ainsi, en France, les manœuvres entourant le gaz de schistes ne constituent en rien une prise de conscience écologique. C'est juste le comportement d'un drogué qui recherche un nouveau dealer, de nouvelles doses, tout en prétendant le contraire.
Il faut créer une alternative satisfaisante et supportable dont une caractéristique principale sera un besoin moindre en énergie. "Empêcher" ne saurait être une réponse satisfaisante au moment où il nous faut au contraire imaginer et concevoir. Le résultat de cette réflexion, quel qu'il soit, ne peut être imposé : Il doit être naturellement accepté. Pour cela, ce modèle doit être suffisamment attractif pour que le citoyen en fasse le choix de lui-même. Ce modèle doit être suffisamment exemplaire pour que toutes les nations s'en emparent et le fasse leurs. Ce modèle doit faire sens pour qu'il constitue une base saine et durable pour les générations futures. La désaffection pour "l'ancien mode de vie" marquera le début d'une l'auto désintoxication dont le citoyen sera le premier moteur.
Comment faire ? Quelques pistes existent.
En modifiant de façon intelligente le fonctionnement de notre société, il est possible d'engendrer de profonds changements qui, en plus d'être rémunérateurs peuvent faire école.
Promouvoir le télétravail est une bonne solution. Le télétravail propose une meilleure qualité de vie et un moindre recours aux transports. Les automobiles qui demeurent au parking allègent la circulation. Il y a moins de véhicules sur les routes et ceux qui y sont peuvent rouler de façon plus optimale, plus sobre.
Disperser en province les grands centres économiques tertiaires est une autre bonne solution. Grâce à l’informatique, la finance et le négoce marchent aussi bien à Paris qu’à Guéret dans la Creuse ! A terme, disperser les consommateurs sur des villes moyennes oblige à rallonger les chaînes logistiques. Des transports plus compliqués, plus longs, plus coûteux, incitent à produire au plus proche des consommateurs. Déporter des fabrications sur des pays lointains deviendra immanquablement moins attractif.
L’éclatement des grands pôles économiques vers la province permet aux citoyens d’accéder à une meilleure qualité de vie sans augmentation notable des salaires. Un marché de l’habitat moins tendu, des distances de circulation raccourcies sont autant de facteurs qui tendent naturellement à faire baisser notre dépendance aux hydrocarbures tout en recréant du lien social ! Enfin, la déconcentration géographique des richesses permet de les répartir de façon plus naturelle sans fiscalité par trop coercitive.
Libérer la créativité technique est une autre bonne méthode. Libéraliser le recours aux carburants alternatifs, au solaire, à la méthanisation des lisiers…Généraliser les configurations hybrides et privilégier les systèmes a hautes efficacité énergétiques. Concevoir des biens réparables et évolutifs...Tout cela amènera un ensemble de créations pouvant aboutir rapidement et concrètement à d’impressionnants résultats.
Le champ des possibles est immense.
Sans nul doute, les hydrocarbures nous ont apportés sur une qualité de vie sans pareille dans l’histoire de l’humanité. Malheureusement, résoudre durablement nos crises et nos errements idéologiques suppose très probablement l’émergence d’un nouveau rapport à l’énergie. Le citoyen doit être incité à concevoir par lui-même son propre avenir. Face à cela, le politique doit créer les conditions d’émergence de cette nouvelle donne en évoluant vers mode de pensée plus global et visionnaire.
Nous avons inventé une société du XXIème siècle, il ne nous reste plus qu’à inventer l’humain qui va avec.