Je roule au bioéthanol, suis-je coupable ou non coupable ?
Est-ce que je participe au déséquilibre alimentaire planétaire en faisant un plein de bioéthanol, ou est-ce que je roule plus écologique et moins coûteux pour mon budget ?
Le bio éthanol de canne à sucre, répond-il au respect écologique, est-il totalement hors de cause dans la crise alimentaire mondiale ?
Enfin, peut-il être étudié et considéré comme un agrocarburant futur ?
Trois questions qu'il s'agit de creuser et décortiquer.
300 millions d'hectares cultivables (contre un peu plus de 26 millions pour la France).
-6 millions d'hectares de terre dédiés à la culture de la canne à sucre (à part égale à destination de la production de sucre alimentaire et d'éthanol) ne représentent ainsi que 2 % du total des terres agricoles existant.
-Un climat très favorable, la richesse du sol, le réseau hydrographique. En effet, le Brésil peut connaître plusieurs récoltes par an, et 90 % de la production de canne à sucre (dans le Sud) n'a pas besoin d'être irriguée, tout en bénéficiant de longues périodes d'ensoleillement et de périodes de production étendues.
Ces atouts ont facilité le développement du bioéthanol issu de la canne à sucre, dans lequel le Brésil a acquis une expertise mondialement reconnue. Les chiffres, tant de production que d'exportation en attestent.
Il s'agirait du biocarburant qui offre le meilleur rendement énergétique :
1 ha de canne à sucre = 7.000 à 9.000 litres/ an
1 ha de betterave = 6.000 à 10.000 litres / an
1 ha de maïs = 3.000 à 4.000 litres / an
1 ha de céréales = 2.000 à 3.000 litres / an
D'après la commission sénatoriale des finances qui s'est rendue au Brésil en 2008, l'éthanol issu de l'exploitation de la canne à sucre ne serait pas en cause dans la crise alimentaire mondiale actuelle, contrairement à la production d'éthanol de maïs américain, qui concourt à l'augmentation non seulement du prix de la matière première mais aussi, par extension, de celui de la viande (le bétail se nourrissant de maïs). Ces analyses, même si elles ne présentent pas de caractère définitif, doivent, à l'évidence, être prises en compte.
La culture de la canne à sucre serait de plus en plus respectueuse de l'environnement. Les entreprises visitées produiraient mieux et plus longtemps.
-la canne peut être cultivée durant cinq années et ne nécessite un replantage qu'au bout de la sixième année, ce qui a pour conséquence une diminution des passages des véhicules agricoles et donc de l'émission de CO². Au bout du compte, les experts estiment qu'il faut une unité d'énergie fossile pour produire huit unités d'éthanol, ce qui paraît constituer un ratio acceptable.
Mieux, des progrès technologiques sont aussi mis en oeuvre dans le sens du développement durable comme l'augmentation de la mécanisation au détriment du brûlage ou l'utilisation de la « bagasse » (le résidu fibreux de la canne à sucre) pour fournir l'électricité nécessaire à la production d'éthanol.
En France, suscitant de fortes attentes, le développement du bioéthanol de 2ème génération progresse rapidement et pourrait devenir une réalité industrielle dès la fin de la présente décennie. Cette filière technologique a l’avantage d’utiliser de nouvelles ressources de la biomasse et de les transformer dans les usines de bioéthanol existantes. Ainsi, les deux générations continueront à exister simultanément.
L'année 2011 a connu l'entrée en matière du "Projet Futurol" dans sa phase « Pilote ». Leur recherche permettra d’évaluer si la fabrication de bioéthanol de seconde génération a véritablement un sens aux plans technique, économique et environnemental. Ce procédé vise une production commercialisable à l'horizon 2015.
Ce procédé vise à utiliser des déchêts forestiers et résidus agricoles, permettant une exploitation s'inscrivant dans le développment durable et respect de l'environnement.
Hélas, et personne ne l'ignore, toute initiative visant à remplacer la dépendance énergétique au pétrole, est forcément sujette à la contre-attaque des lobby pétroliers, et provoquera indéniablement une réaction diplomatique, notamment à l'encontre des pays capables de produire cette nouvelle énergie à l'échelle mondiale, le Brésil et potentiellement l'Afrique.
En 2008, on parlait de Politique de coopération Sud-Sud initiée et promue par Lula, consistant à répliquer à l’Afrique le modèle de développement économique brésilien basé sur la valorisation de cultures industrielles de canne à sucre en bioéthanol pour l’accès à l’indépendance énergétique. Des filières de production industrielle de canne à sucre destinées à la production d’agrocarburants (le bioéthanol) ont été structurées dans un contexte global de développement de l’agro-industrie, permettant au pays d’accéder à la sécurité alimentaire et à l’indépendance énergétique. Depuis 2003 le Brésil a lancé la production à grande échelle du moteur « flex-fuel » fonctionnant aussi bien au bioéthanol qu’à l’essence conventionnelle. La production industrielle de bioéthanol est un succès au Brésil, son coût de production est inférieur à celui de l’essence, et actuellement, plus de 95% des véhicules vendus fonctionnent au biocarburant. Il s’agit d’une véritable révolution énergétique dans ce pays qui vante les mérites de son modèle tant sur les plans économique et social qu’environnemental.
Le bioéthanol de canne est selon les porte-paroles brésiliens le seul agrocarburant de première génération véritablement efficace sur le plan énergétique : une calorie fossile investie dans le cycle de production et de transformation du bioéthanol permet de récupérer entre 8 et 10 calories « renouvelables » de bioéthanol. Par ailleurs, les déchets de production peuvent être valorisés en fertilisants naturels et en électricité « verte » via le processus de cogénération.
Les brésiliens mettent également en avant le fait que, contrairement aux autres agrocarburants, le bioéthanol de canne à sucre n’est pas responsable de la hausse des prix des denrées alimentaires car la production de cannes destinées au bioéthanol est spécifique à cet usage. La canne à sucre à destination énergétique est une matière première non substituable aux matières premières alimentaires dont la spéculation ne serait pas corrélée à la production de canne à sucre énergétique.
La réplication de son modèle en Afrique, dont le potentiel de production agricole est gigantesque, trahirait surtout l'ambition du géant sud-américain de devenir le leader mondial des producteurs de biocarburants et d’acquérir un poids diplomatique considérable dans un monde où le contrôle de l’énergie devient stratégique.
Certains apparatchiks du pétrole imposent une guerre économique sans merci à ceux qui osent proposer un modèle « alternatif » et le Brésil, malgré son poids économique, doit disposer d’appuis diplomatiques puissants pour réussir à créer un marché international du bioéthanol.
Si les dirigeants africains arrivaient à se tenir éloignés des ambitions néo-colonialistes opérées par les puissances étrangères, ce modèle brésilien n’en demeure pas moins potentiellement bénéfique pour les intérêts africains.
En effet le Brésil, qui possède les mêmes conditions écologiques, pédologiques et climatiques qu’un grand nombre de pays africains, a su valoriser ces atouts naturels et baser son développement économique sur l’exploitation durable de ressources renouvelables.
Restent quelques zones d'ombres à régler, et non des moindres, en terme de droit des populations autochtones, encore loin d’être idéales au Brésil où les critères de développement « durable » sont largement perfectibles. Mais au moins, ce modèle a rendu le pays indépendant de la tutelle occidentale et a permis l’atteinte de l’indépendance énergétique et alimentaire.
Cependant, face à tous ces enjeux humains et énergétiques, il est encore évident que l'ombre de certaines multinationales peu soucieuses de l'humain et de l'environnement, à l'origine de nombreux conflits d'influence planétaires, sont capables de déstabiliser l'orientation écologique d'un usage non alimentaire de la biomasse, en poussant vers une productivité intensive non respectueuse.
Il reste à nos dirigeants à évaluer entièrement les processus de production sur la base, notamment, de bilans globaux comparés en termes de valeur ajoutée, d'emplois, et de carbone/GES ; d’analyser le cycle de vie des produits bio-sourcés, et surtout, de mettre en place des systèmes de gouvernance associant organisations professionnelles et autorités administratives pour la définition et le suivi des politiques bio-économiques.
La chemin est encore long. il conviendra donc à chaque individu, utilisateur et maillon important de la demande en bioéthanol, d'observer une certaine retenue, dans l'attente de solutions et recherches effectives en terme de bioéthanol de 2ème génération, conscients que certaines questions fondamentales de respect de la vie et de ses équilibres, ne sont pas encore pleinement prises en comptes à l'échelle industrielle planétaire.
Je reste pour ma part persuadé, de la promotion de la sobriété sous toutes ses formes pour faire évoluer les comportements alimentaires et énergétiques, et de l’utilisation efficace des bio-ressources notamment en luttant contre les diverses pertes et gaspillages.
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