L’Energiewende handicapé par l’absence d’un « Linky » allemand
Souvent cité comme l’exemple à suivre en matière d’énergies renouvelables, l’Allemagne peine à maintenir le cap de sa transition énergétique. Grogne de la population face aux coûts, désintégration progressive des énergéticiens, et recours massif au charbon. Pour limiter la facture (estimée à 350 milliards d’euros entre 1996 et 2014), le gouvernement d’Angela Merkel a décidé de faire l’impasse sur les compteurs communicants (appelés en France : « Linky »). Problème, cette économie à court terme risque de s’avérer coûteuse à plus longue échéance.
Pourquoi l’Allemagne n’installe pas de compteurs communicants ?
Le système électrique outre-Rhin est complexe… très complexe : plus d’un millier de fournisseurs d’énergie (contre une douzaine en France), 800 gestionnaires de réseaux de distribution (ERDF gère 95% du réseau français), quatre transporteurs d’électricité (un seul dans l’Hexagone : RTE). Côté consommateurs, les compteurs sont achetés et détenus par les propriétaires des habitations.
Pour moderniser son secteur électrique, l’Etat fédéral s’est donc trouvé confronté à plusieurs milliers d’entreprises et à des millions de consommateurs-électeurs. En matière d’énergies renouvelables, il est parvenu à ses fins : inciter les professionnels à investir grâce aux subventions. Les capacités de production éolienne et photovoltaïque ont quadruplé entre 2000 et 2015.
Concernant les compteurs communicants, Berlin s’est par contre borné à exiger que les bâtiments neufs et les plus gros consommateurs et producteurs d’électricité s’en équipent. Une étude d’Ernst & Young, en 2013, avait ainsi estimé entre 15 et 20 milliards d’euros le coût d’un déploiement généralisé de nouveaux compteurs outre-Rhin. Le pays ne peut en effet pas compter sur des économies d’échelle comme en France, où ERDF assure la commande massive et standard de nouveaux compteurs, réduisant d’autant les coûts (5 milliards d’euros).
Une mauvaise opération à long terme
L’Allemagne commence toutefois à s’apercevoir qu’elle a négligé un paramètre important : la stabilité du système électrique. La gestion des énergies renouvelables est une vraie gageure. Leur production dépend en effet de la fluctuation du vent et du soleil. Or, pour fonctionner correctement, le réseau doit maintenir une balance parfaite entre production et consommation. C’est justement pour gérer cet équilibre que les compteurs communicants s’avèrent intéressants.
En France, les nouveaux compteurs démontrent leur capacité à réguler l’intermittence des énergies renouvelables en jouant sur la demande plutôt que sur l’offre. Lorsqu’outre-Rhin, on est obligé d’arrêter les éoliennes, car elles produisent plus que ce qui est consommé ; en France, les tarifs de l’électricité sont baissés pour inciter à consommer davantage (déclenchement des ballons d’eau chaude, des lave-linges, etc). Inversement, quand le vent et le soleil se font rares, le suivi de consommation grâce aux compteurs permet d’identifier les sources d’économie ; l’Allemagne, elle, démarre ses centrales à charbon.
Confronté à ces problèmes et au développement plus lent qu’attendu des compteurs communicants, Berlin pourrait revenir sur sa décision de ne pas généraliser son propre « Linky ». En attendant, le secteur allemand de l’électricité s’enfonce dans la crise et les factures des consommateurs augmentent.
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