L’ « (in)soutenable » développement durable
Comment faire en sorte de léguer une terre et une société viables à nos enfants ?
Politiques, citoyens, nous devons tous nous impliquer. Oui, l’enjeu est de taille. Le développement durable est un paradigme sans réel consensus, qui est au coeur des préoccupations du citoyen et du responsable politique. Politiques comme citoyens vont redéfinir un mode et des modalités de vivre autrement. Si les politiques ne savent que vaguement « comment faire », et si les citoyens participaient à la mise en oeuvre du changement ? Comment faire en sorte de léguer une terre et une société viables à nos enfants ?
Une tentative de définition
« Le développement durable n’est pas l’écologie, ni l’économie solidaire ou sociale . Il est une idée en soi d’équilibre entre environnement, enjeux sociaux et économie » (Caline JACONO). En fait, le développement durable est un principe d’action. On le caractérise comme "un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs". Ce concept ne propose que des principes de précaution et d’innovation ne deviennent des principes politiques majeurs. Il place en effet « les notions d’éthique et de responsabilité au cœur d’un projet économique soutenable qui favorise les investissements dont le bénéfice écologique et social est au moins égal au bénéfice économique escompté ». La promotion d’une société écologiquement et humainement soutenable doit être basée sur les valeurs du pacte républicain à commencer par la laïcité, le respect de l’égalité des droits des hommes et des femmes, à continuer par la probité et la morale la plus élémentaire. « En réfléchissant plus loin encore sur cette définition en devenir du développement durable, elle suppose qu’il ne soit pas seulement une idée, mais aussi une façon de regarder le monde, une méthodologie, une attitude face aux interrogations persistantes de nos sociétés modernes pour créer des actions pertinentes » (Caline JACONO).
Un constat sans appel
La Terre supporte de moins en moins l’impact écologique des activités humaines, alors qu’il faut 18 mois à la planète pour régénérer les ressources que l’humanité consomme en un an, selon une étude d’un groupe de recherche privé américain. "Les menaces imminentes auxquelles nous faisons face aujourd’hui, notablement le changement climatique mais aussi la déforestation, la diminution des pêcheries, la sur-utilisation de l’eau douce, sont des symptômes d’une tendance alarmante", écrivent-ils. Depuis dix ans, l’impact de l’homme sur la nature s’est accru de 22% alors que la bio-capacité, quantité de ressources que la nature peut produire, est restée constante et pourrait même avoir diminué, selon Global Footprint Network. Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, nous devons diviser par 4 d’ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre des pays développés. Face à ce terrible constat, une mobilisation sans équivalent est obligatoire.
Une mobilisation politique intense en interaction avec les citoyens
Par ce travail collectif et structuré, il faut approfondir les choix politiques et enrichir le contenu de la délibération publique. Il nous faut des institutions, en lien avec les différents cercles de producteurs et de récepteurs.
Certes, l’audace politique doit accompagner l’évolution des comportements individuels. Or, des voix remettent en cause l’efficacité de nos responsables politiques. La Présidente fondatrice de Planet-D brandit : “Ce qui est désespérant, est de constater qu’aujourd’hui, pour être engagé authentiquement, il ne faut plus être politique. Comme si la politique s’était vidée de son essence même : défendre un sens commun et une vision de long terme pour le bien d’une collectivité.” Elle fait référence à un point névralgique : à savoir les « acteurs ». A mon sens, son point de vue est trop négatif. Je pense aussi que c’est à la société civile organisée d’orienter le responsable politique sur ses choix et de lui indiquer les propositions les plus efficaces. Nos politiques ne sont pas toujours libres d’exprimer ce qu’ils pensent, surtout face à la presse. J’ai observé à titre personnel un décalage troublant entre les apparitions télévisuelles des uns, et les réunions au sein des « milieux autorisés » des autres. Encore ne faut-il pas noircir trop le tableau, et garder son optimisme pas béat mais avec l’esprit critique.
Reste à inventer un modèle de développement
Pour mettre en oeuvre le changement, je me réfère à la pensée de Corinne LEPAGE : « cette innovation démocratique est d’autant plus nécessaire que le modèle autoritaire néo conservateur rogne les libertés publiques fondamentales et assied un contrôle multiforme sur les médias ».
Elle précise : « Il nous faut imaginer le fonctionnement d’une économie réellement soutenable, sobre et reposant sur une création de " mieux-être " et non de " plus-avoir ", dans laquelle la finance retrouve sa fonction originaire de financement de l’économie réelle, et qui repose sur la réduction des besoins en matières premières et énergies non renouvelables et sur un usage économe du sol. Le travail, la ville, l’alimentation, la mobilité, la connaissance trouvent de nouveaux modèles. « Notre génération a la chance historique de pouvoir changer le monde ». Dès lors, la question de la finance est bien le pilier majeur d’une évolution soutenable. Fuite de capitaux, bulles financières, spéculation sur les matières premières et les denrées alimentaires… La financiarisation à outrance de l’économie explique très largement l’échec d’un modèle compatible avec la réalité des ressources et des besoins humains. Un changement s’impose pour un développement durable ».
Mise en oeuvre politique « vertueuse » et « maximaliste »
Plus que jamais, des mots pour remédier à ces maux sont insuffisants, nous voulons des actes ! L’éducation des jeunes et des moins jeunes sera indispensable pour acquérir les bons réflexes. Par exemple, il faut penser à la création à l’école d’une matière « développement soutenable ». Des attitudes, des comportements nouveaux et salutaires à apprendre aux jeunes, tels que faire des économies d’énergie, éviter de gaspiller de l’eau, faire des économies de papier, préférer l’utilisation du réutilisable au jetable, trier les déchets et privilégier les transports propres.
La France regorge d’alternatives concrètes et crédibles, menées par des entrepreneurs et des individus aujourd’hui minoritaires, et qui proposent des solutions pour orienter le pays dans une perspective réellement durable : agriculture biologique, bâtiments autonomes en énergie, énergies renouvelables et non polluantes, modes de transport plus économes, économie sociale et solidaire, commerce éthique et équitable, finance solidaire.
Nos achats doivent observer la « bio-diversité » et ils doivent être socialement et économiquement responsables. Les « villes lièvres » ont un rôle pionnier puisqu’elles adaptent l’habitat, le transport et le mode de vie. L’aménagement du territoire est un enjeu crucial et nécessite une mobilisation forte de tous les acteurs économiques et sociaux.
Pour y parvenir, les scientifiques, les responsables politiques et la société civile organisée, sans oublier les citoyens, devront agir conjointement afin de réconcilier trois univers : l’économie, l’écologie et le social. In fine, l’enjeu principal est la prise en compte du facteur humain. C’est aussi une formidable opportunité pour les technologies propres à condition de donner les moyens nécessaire aux scientifiques. Le but ultime sera atteint, lorsque nous serons certains d’avoir assuré la survie de notre espèce. Assurément, le citoyen et le politique en seront les acteurs déterminants, pour demain, et pour le bien de toutes et de tous.
Pierre-Franck HERBINET
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