L’or payé au prix fort par la planète
Le cours de l'or se porte bien sur les marchés internationaux, avec une multiplication des prix par 5 sur les 10 dernières années. Mais cette augmentation a un impact majeur sur nos forêts, particulièrement en Amazonie. Cette hausse y aurait multiplié par 6 le déboisement résultant de l’orpaillage. Et l'environnement quant à lui souffrira pour longtemps de la pollution causée par l'extraction du métal jaune.
Mais, contrairement à ce qui se passe pour les hydrocarbures - qui suivent la même tendance -, l'activité de l’extraction ne fait pas l'objet de critiques aussi virulentes que celles adressées aux groupes pétroliers. Cependant, "l'or restant à extraire étant généralement microscopique, les mines sont exploitées à un coût environnemental énorme et souvent dans les zones les plus pauvres du monde", observait le New York Times dernièrement, dans un long reportage sur le coût environnemental lié à l'exploitation des mines aurifères.
Cyanure et grandes multinationales
"Les résidus de cette activité, et l'industrie minière en général, est d'ailleurs presque comparable aux déchets nucléaires dont on devra éternellement se préoccuper", s’alarmait encore le New York Times, précisant : "L'extraction dans la roche produit plus de déchets toxiques que n'importe quelle autre industrie, selon l'Agence américaine de protection environnementale".
L’extraction au cyanure n'est pas la seule, poursuivait le quotidien de référence new-yorkais, "(…) mais elle est considérée comme le moyen le moins cher pour récupérer les paillettes microscopiques d'or". Ce procédé d'extraction libère aussi le soufre présent dans la roche, qui se transforme en acide sulfurique à la suite d'une réaction chimique. Laisser de tels produits dans la nature est évidemment catastrophique.
Les accidents impliquant le cyanure illustrent crûment les effets dévastateurs d'une telle substance. En 2000, l’un des pires désastres environnementaux est survenu en Roumanie, lorsque le bassin d'eau cyanurée de la mine Aurul s'est déversé dans un affluent du Danube, tuant une énorme quantité de poissons - plus d'un millier de tonnes ! - et véhiculant du cyanure qui a rejoint la mer Noire.
Donnons-nous quelques ordres de grandeur à partir de l'exemple d'une bague : cette once d'or (31 grammes) est extirpée par les mineurs à partir de 30 tonnes de roche traitée au cyanure pour en extraire le précieux métal. Mais, avant d'en arriver à ce résultat, ils ont déjà remué 500.000 tonnes de terre par jour (!), empilées ensuite en des amoncellements qui rivalisent avec les pyramides d'Egypte. Et le poison vaporisé sur le minerai y demeurera durant des décennies.
Mercure et orpailleurs autonomes
L’extraction de l’or pose non seulement le problème de la pollution des écosystèmes, mais également celui de la déforestation. Entre 2003 et 2011, ce sont près de 20.000 hectares de forêt qui ont ainsi été sacrifiés en Amazonie. Particulièrement concerné, le Pérou, sixième producteur mondial (170 tonnes en 2010), qui voit sa forêt amazonienne menacée d'un "désastre écologique" selon son ministre de l'Environnement, Antonio Brack.
Vue d'avion, la zone de Delta Uno, dans la province de Madre de Dios, à quelque 1.400 kilomètres de Lima, ressemble à une immense zone de bombardement. Là où s'étendait la forêt tropicale auparavant, ne subsiste qu'une succession de cratères d'eau boueuse et de monticules de terre étalés sur des dizaines de kilomètres carrés.
Ici, la majeure partie de cette déforestation est menée par 25.000 orpailleurs artisanaux (au niveau national, ils sont 100.000, suite à l'envolée du prix de l’or). "Il n’y a pas de grandes entreprises à l'oeuvre, il s’agit de mineurs autonomes qui manquent de technologie moderne et s’appuient sur d'anciennes méthodes comme celle de l'amalgamation au mercure pour séparer l’or, ce qui pollue l’environnement et influe sur la santé des mineurs et de leurs familles", déplore Jennifer Swenson, étudiant l’impact de cette chasse à l’or sur la forêt amazonienne. Le mercure utilisé pour l’extraction de l’or est directement rejeté dans la nature, polluant les cours d’eau et contaminant la faune et la flore.
"On est en train de tuer la forêt, plus rien ne peut pousser ici", explique l'un d'eux, Paulino Chavez, qui dit gagner 25 soles (6 euros) par longue journée de travail – ce qui n’est pas négligeable dans un pays où le salaire minimum équivaut à 18 soles / jour, d'autant que les sept enfants de Paulino, tous âgés de moins de 18 ans, travaillent avec lui... Ceux-ci, sur place pendant de longues périodes, se nourrissent essentiellement de ce qu’ils trouvent autour des mines, à savoir d’animaux ou de végétaux qui ont été en contact direct avec le mercure et qui sont donc contaminés, peu ou prou.
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L'AFRIQUE PRODUIT BEAUCOUP D'OR MAIS RESTE PAUVRE.
Les réformes des codes miniers mis en place dans la plupart des pays africains producteurs depuis la fin des années 1980, imposées par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale), ont conduit à privilégier les grandes compagnies, aux dépens des petites sociétés minières d’État et, surtout, des mineurs artisanaux qui pouvaient autrefois justifier de permis d’exploitation. Toutefois, en dépit de ces réformes, le secteur de l’or reste très opaque et la question de la redistribution des revenus se pose plus que jamais, comme l’indique l’ONG Oxfam.
Principaux pays producteurs d’or en Afrique
Il s’agit principalement de l’Afrique du Sud (dont la production est en déclin, avec une moyenne annuelle de 300 tonnes ces dernières années), du Ghana (plus de 75 tonnes), du Mali (plus de 50 tonnes en moyenne), de la Tanzanie (près de 50 tonnes), de la Guinée et du Zimbabwe (de 10 à 20 tonnes selon les années), de la RD Congo… Au total, 34 pays africains produisent annuellement plus de 600 tonnes d’or – soit près du quart de la production annuelle mondiale (2.652 tonnes en 2010).
Les trois plus grandes multinationales de l’or opérant en Afrique
Trois grandes multinationales d’extraction, qui se disputent la première place sur ce marché, sont omniprésentes en Afrique : Newmont Mining (USA), AngloGold (Afrique du Sud) et Barrick Gold (Canada). Ces trois compagnies produisent à elles seules chaque année près de 500 tonnes de tout l’or extrait sur la planète. Elles sont régulièrement dénoncées pour pollution à large échelle et violation des droits de l’homme.
Problèmes posés par l’extraction de l’or
Les communautés villageoises de Sadiola, région aurifère au sud-ouest du Mali, dénoncent depuis dix ans la pollution effroyable causée par l’extraction industrielle de l’or. Déversement des eaux polluées, intoxications au cyanure, normes de sécurité mal appliquées, déplacement des populations locales : les mêmes ravages sociaux et environnementaux sont aussi dénoncés depuis longtemps au Ghana comme en Tanzanie, notamment par l’Organisation de la société civile africaine, une coalition de vingt-neuf ONG représentant quinze pays, travaillant dans le secteur de l’extraction minière ou concernées par ses répercussions.
La somme des dégradations écologiques et sanitaires provoquées par l’exploitation des mines d’or à ciel ouvert – qui sont les plus polluantes – va ruiner les régions productrices pour des générations à venir. Un rapport américain estime qu’il faudrait quelque 16 milliards de dollars pour dépolluer les sites en Afrique.
Extraction et commerce équitable de l'or ?
Quelques organisations, telle l'Alliance for Responsible Mining en collaboration avec le label Fairtade International, accomplissent de notables efforts en vue de définir et promouvoir des méthodes alternatives pour l'extraction et le commerce équitable de l'or. Malheureusement, l'ignorance, le dédain, ou l'hostilité pour de tels standards environnementaux et sociaux clairement définis et acceptés par tous reste la règle générale ! Et la fièvre de l’or se poursuit plus que jamais, au détriment des populations, de la faune et de la flore.
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