L’ours, le loup et le lynx en France
Deux cents loups, une vingtaine d’ours et deux cents lynx, mobilisent une grande partie de la population française : les « pro » et les « anti », les ruraux et les écolos, les élus et les politiques, les syndicats agricoles et les chasseurs, les bergers et les randonneurs… Et du simple promeneur au dernier des électeurs, personne, ou presque, n’y reste indifférent ! Malheureusement, il est curieux qu’en France, lorsqu’on parle de respect de l’environnement, de sauvegarde de la faune, de la flore et de protection des espèces sauvages, une forte clameur d’opposition se fasse entendre. C’est une réaction atypique par rapport à ce qui se passe dans le reste de l’Europe. Il n’y a que dans notre beau pays que l’écologie doive crier très fort son désir de survivre, et qu’elle suscite une telle hostilité chez certaines personnes. Ce qui veut dire que les « contres » seraient pour une planète polluée, aride d’espèces végétales, animales, minérales, ce qui équivaudrait un beau jour à l’éradication de toute vie sur Terre, y compris humaine ! Mais qui donc peut encore croire au grand méchant loup ? Qui donc peut rester insensible à une ourse protégeant ses petits ? Qui donc peut refuser la biodiversité en empoisonnant un lynx coupable de prélever un chevreuil ? Qui donc veut condamner une Nature sauvage où les espèces croissent et se mélangent : mélange de végétaux, de minéraux, d’animaux et d’humains ? Une nature pure et originelle…
Ne pas accepter les « sauvages », les soi-disant nuisibles, c’est interdire la biodiversité et c’est vivre en sursis. C’est comme si demain l’eau courante et l’électricité disparaissaient de notre vie. Quelle déveine ! Pire, quelle catastrophe ! Certes, certains diront encore : « On peut vivre sans les ours, les loups et les lynx… » Bien sûr, on peut toujours vivre sans ces espèces, ou survivre à défaut d’eau potable ! Mais pour combien de temps ? Et surtout, après, quelles autres espèces l’humanité mettrait-elle en danger ? Comment résoudre les dégâts causés par les chiens errants, et comment empêcher ces canins domestiqués de massacrer des milliers de têtes de bétail chaque année en France ? Comment éradiquer la tremblante, la brucellose et la fièvre aphteuse qui tuent chaque année des milliers d’ovins et de caprins, y compris dans des zones montagneuses ? Comment empêcher la foudre de frapper, l’incendie de se propager, ou encore l’inondation de tout emporter ? Comment venir à bout de la crise ovine… de la crise de l’élevage en France ?
Le retour du loup, la sauvegarde de l’ours brun et le maintien du lynx sont une chance pour des régions isolées, perdues, économiquement faibles, en manque d’entreprises, au développement limité. Une Nature riche et variée est un atout majeur dans un monde de plus en plus aseptisé, pollué, urbanisé. C’est la confrontation du « sauvage » et du « domestiqué » ! De l’authentique et du superficiel ! Du naturel et de la « mondialisation ». L’ours, le loup et le lynx ne peuvent être tenus responsables du fait que le monde de l’élevage va mal, que la société défaille.
La culture judéo-chrétienne postule que la faune et la flore n’existeraient que dans le but de pourvoir aux besoins des hommes. Volonté de domination qui s’exprime par un mépris envers les autres vivants. Par contre, les croyances dites primitives, qui sont à l’inverse des religions monothéistes, génèrent le respect envers toutes les espèces et la vie sauvage.
Certains humains considèrent les animaux dépourvus d’âme et de sensations ! Ils veulent dominer la Nature tout entière parce qu’ils la considèrent en ennemie. Ce qui expliquerait pourquoi ils ont fait des animaux leurs esclaves. Lorsque l’homme est devenu sédentaire en cultivant et en élevant, il a détruit ses relations pacifiques avec les autres espèces. Les moutons étaient un enjeu, les « sauvages », symboles du nomadisme, devenaient des marginaux. Le « sauvage » n’est devenu pour l’homme qu’un vieux souvenir.
Espérons que la liberté des autres espèces ne soit pas aussi un jour rien qu’un souvenir ! Que ces originels ne hantent pas uniquement les parcs animaliers ! Depuis une trentaine d’années, un certain engouement pour la Nature renverse peu à peu la tendance. L’avancée des connaissances permet de démystifier les légendes établies. Mais il reste à convaincre, à démontrer aux éleveurs et aux chasseurs hostiles que loups, ours et lynx ne constituent pas une régression de leur profession ou passion ! Que le retour du loup n’est pas synonyme de fin du pastoralisme, que la sauvegarde de l’ours n’est pas la mort des Pyrénées, et que le lynx n’est pas l’ennemi du chasseur, bien au contraire ! Hommes et bêtes, domestiqués comme sauvages, peuvent encore vivre ensemble.
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