L’urgence écologique
"La maison brûle et nous regardons ailleurs", a dit Jacques Chirac. L'excès de nos modèles de croissance, bénéficiant à très peu de personnes, détruit notre maison commune, affirme Stefano Mancuso.
Stefano Mancuso est botaniste, fondateur de la neurobiologie végétale, qu'il enseigne à l'Université de Florence. Il écrit des ouvrages passionnants, dont certains sont traduits en français. Son dernier livre en date s'intitule La Nation des plantes. Il y explique la particulière supériorité des végétaux et l'alarme écologique à laquelle nous devons tous faire face.
Avez-vous déjà réfléchi au fait que les plantes, contrairement aux animaux et donc à nous, n'ont pas besoin de se déplacer pour trouver leur nourriture ? Elles le doivent à leur prodigieuse faculté de photosynthèse. En fait, contrairement à nous, les plantes se nourrissent, croissent, se défendent des prédateurs, éprouvent des émotions, tout en restant sur place. La différence, fondamentale et renversante, vient de la duplication des organes principaux. Quand nous devons faire appel à des organes différents, les plantes utilisent tout leur corps. Cette réalité nous rend fragile. Le dysfonctionnement d'un de nos organes peut mettre notre vie en péril.
Notre fonctionnement est régi par notre cerveau, lui-même dépendant d'une organisation centralisée et verticale. Nous reproduisons d'ailleurs ce schéma pyramidal et hiérarchique dans nos institutions, les écoles, les associations, même dans nos ordinateurs. En revanche, les plantes possèdent une organisation décentralisée et non hiérarchisée, qui leur confère robustesse et liberté.
Il n'empêche que l'homme se considère maître du monde, qu'il dédaigne la Nature, qu'il observe d'un oeil distrait, à travers les documentaires, la disparition d'innombrables espèces, qu'il accorde plus d'importance au PIB et au Nasdaq, bref, qu'il vit totalement en dehors de la Nature. Et cela comporte de nombreux périls.
Les photos de la NASA nous ont habitués à admirer la Terre, bleue et verte, avec les nuages blancs. Le vert constitue quasi la totalité de la vie sur terre. Tous les mammifères en dépendent. Ce sont les plantes, qui produisent l'oxygène libre consommé par tous les êtres vivants. Nous ne pouvns exister qu'en leur compagnie.
La naissance de la vie sur Terre remonte à 3 milliards 800 millions d'années. L'homme est apparu, il y a environ 300000 ans. Mais, il a mis seulement un instant pour mettre sa propre survie en péril. Il n'a rien compris aux règles, qui gouvernent l'existence d'une communauté vivante. Dernier arrivé sur la planète, il se comporte comme si tout lui appartenait.
Aussi, dit Stefano Mancuso, comme d'autres, sommes-nous entrés dans une nouvelle ère géologique, celle de l'anthropocène. Elle est celle de l'homme hyperconsommateur, au point de transformer la planète en profondeur, ce qui aura pour résultat une des plus terribles extinctions de masse de la planète. La Terre en a connues plusieurs. Mais, l'ampleur de celle-ci sera unique. Elle a été estimée par Stuart Pimm, de la Duke University, à 10000 fois plus que la moyenne des autres. Nous méritons bien notre nom de superprédateurs, nous qui puisons insatiablement dans les ressources limitées de la Terre. Les ressources que nous gaspillons ne se régénèrent pas, nous polluons.
A chaque transfert d'énergie du niveau inférieur au niveau directement supérieur de la pyramide écologique, seuls 10 à 12% de cette énergie sont utilisés pour construire de la biomasse. Cette énorme perte a pour résultat de limiter les superprédateurs. Mais, l'homme ne se tracasse pas. Un jour, peut-être, il réfléchira, mais il sera trop tard.
Mancuso Stefano, La Nazione delle piante, Laterza, 2019
Myroise
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