La « contribution carbone » est annulée
Après le Climategate et l’échec de Copenhague, c’est le troisième revers symbolique en quelques semaines pour les tenants de l’origine humaine de l’évolution du climat.
Baptisé « taxe carbone » par une opinion publique qui, selon les sondages, lui a toujours été hostile, le « nouveau monstre fiscal » que dépeignait en septembre le journal La Tribune est donc mort-né, en attendant sa probable résurrection par François Fillon qui a annoncé un texte de remplacement pour le 20 janvier.
La première dénomination officielle de la taxe carbone avait été « contribution climat-énergie », ce qui sonnait comme une provocation pour les climato-sceptiques, pour qui il n’y a pas de lien démontré entre climat et émission de gaz à effet de serre (contrairement à ce qu’affirme la thèse que, par commodité, j’appelle « carbocentriste »). Les sceptiques avaient tout de même beau jeu de moquer les prétentions du législateur à réguler le climat comme on tourne le bouton d’un thermostat. Les déclarations post-Copenhague qui ont doctement affirmé que l’accord finalement conclu allait correspondre à une augmentation de 3°C de la température moyenne de la Terre au lieu des 2°C espérés relèvent d’ailleurs de la même prétention.
Finalement, le nom retenu pour la taxe avait été « contribution carbone ». Ce nom sonne moins comme un engagement en faveur du carbocentrisme que comme tirant son inspiration de la gabelle, ce médiéval impôt sur le sel - une denrée qui, par son caractère central dans la vie quotidienne d’alors, était peut-être un peu l’équivalent du dioxyde de carbone pour l’« utilisation » que nous en avons. Il sera peut-être instructif de s’intéresser à la dénomination qui sera retenue pour la prochaine mouture de la loi.
Après le Climategate et l’échec de Copenhague, voilà donc un nouveau revers pour le carbocentrisme, revers qui n’a certes pas la portée des deux autres mais dont les carbocentristes se seraient bien passés. De toute évidence, l’événement va contribuer encore un peu plus à brouiller leur message. Les attendus de la décision du Conseil devraient en effet donner à réfléchir sur la manière dont la loi a été conçue. Ainsi de ce passage :
« [considérant que] 93 % des émissions de dioxyde de carbone d’origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de contribution carbone ; que les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre ; que la contribution carbone portera essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l’une des sources d’émission de dioxyde de carbone ; que, par leur importance, les régimes d’exemption totale institués par l’article 7 de la loi déférée sont contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu’il s’ensuit que l’article 7 de la loi déférée doit être déclarée contraire à la Constitution (…) ; qu’il en va de même, par voie de conséquence (…), de ses articles 9 et 10 (…)
La défaite des uns n’est toutefois pas synonyme de victoire des autres. Si les climato-sceptiques peuvent se réjouir du symbole (et ironiser sur le fait qu’il s’agit de la première décision du Conseil Constitutionnel s’appuyant sur… la Charte de l’Environnement), il reste que la décision du Conseil ne constitue ni de près ni de loin une caution apportée au scepticisme climatique. Les attendus précisent en effet que
« …c’est en fonction de l’adéquation des dispositions critiquées à cet objectif [ainsi défini : « réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement de la planète »] qu’il convient d’examiner la constitutionnalité de ces dispositions ; »
Les attendus montrent ainsi un Conseil Constitutionnel « carbocentriste par principe » mais qui, à raison, ne se donne pas pour fonction d’exprimer un avis sur la controverse scientifique autour du climat. À cet égard, la décision des Sages peut être rapprochée de celle de l’Ofcom, l’office de régulation britannique des télécommunications, saisi en 2007 après la diffusion sur Channel 4 du fameux documentaire climato-sceptique de Martin Durkin, The Great Global Warming Swindle [« La Grande Fraude du réchauffement climatique »]. Cet équivalent britannique du CSA avait eu grand soin de ne pas déborder de ses attributions, d’en rester à la loi sans prendre parti en faveur de l’un ou l’autre des avis scientifiques sur le climat. (L’Ofcom avait finalement débouté les plaignants de la plupart de leurs plaintes notamment au nom de la nécessité de permettre aux opinions minoritaires de s’exprimer.) La grande différence entre les deux décisions est que celle du Conseil Constitutionnel est très éloignée du débat sur le climat proprement dit, même si elle contribuera sans doute indirectement à l’alimenter.
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