La féminisation du monde
L’avenir appartient probablement aux femmes, mais à savoir si l’avenir ne sera peut-être plus « qu’une femme », osez-vous l’envisager ?
Depuis plus de trente ans, nous assistons à une féminisation de l’ensemble de la faune terrestre, être humain inclus. Les poissons des lacs, des estuaires et des mers où se déversent les polluants se féminisent. Les mouettes mâles couvent les œufs, les ours polaires pourtant loin des zones de rejet n’échappent pas à ces transformations. Mais aussi les alligators dans la mer d’Apopka en Floride, les panthères en Floride, les tortues dans les Grands Lacs, les phénomènes d’imposexe et d’intersexe chez les gastéropodes marins, la féminisation des poissons près des effluents des fabriques de papier, des plates-formes pétrolières off-shore, etc.

Au sein de la toxicologie environnementale, la problématique des perturbateurs endocriniens est le domaine d’étude exigeant de plus en plus d’attention ces dernières années. La propagation globale des perturbations endocriniennes au sein de l’environnement ne cesse d’augmenter alors que les recherches sur le sujet n’en sont qu’à leur début. Cette féminisation de nombreuses espèces - dont nombreuses sont intègres à notre chaîne alimentaire - s’est notamment développée par le raz de marée d’hormones qui se déverse chaque jour dans les eaux du globe. La boucle est bouclée. Ces perturbations endocriniennes, proviennent, entre autres, des femmes sous contraceptifs oraux qui rejettent par leur urine dans les eaux usées des quantités d’hormones monumentales.
On constate aujourd’hui un effet de cause à effet sur les résultats d’études récentes qui démontrent que la qualité des jeunes donneurs de sperme subit une baisse qualitative impressionnante. Ces études démontrent également une baisse générale de la fertilité (diminution de 50 % du nombre de spermatozoïdes actifs en cinquante ans). Aussi, les malformations génitales se multiplient : à Montpellier, le Pr Charles Sultan, pédiatre endocrinologue, estime que le nombre de garçons qui ont un micropénis et d’autres malformations de l’appareil génital comme la descente incomplète des testicules (cryptorchidie) a été multiplié par trois en vingt ans. Le ratio de natalité fille/garçon, traditionnellement favorable aux garçons, s’est inversé. C’est la « débandade ».
Karen Kidd de Pêches et Océans Canada a notamment vérifié ces effets en introduisant des hormones synthétiques dans un lac de 34 hectares dans le nord-ouest de l’Ontario. Cette expérience a démontré qu’un apport d’hormones synthétiques suffisait à provoquer l’apparition d’œufs dans les testicules de certains poissons mâles. Les femelles, quant à elles, stimulées par cet apport d’hormone, se mettent à produire des œufs hors des périodes de reproduction. Bien que les hormones naturelles se retrouvent également dans les eaux usées, la féminisation des poissons est essentiellement provoquée par les œstrogènes synthétiques, et ces dernières résistent très bien ou sont carrément insensibles aux filtres et aux bactéries d’épuration.
Une étude réalisée par des chercheurs de l’Institut Armand-Frappier et un chercheur d’Environnement Canada durant environ cinq ans a révélé quant à elle que les concentrations de substances œstrogènes dans le fleuve du Saint-Laurent (Québec) sont telles que la féminisation de certaines espèces a atteint des proportions de 30 à 50 % et qu’un pourcentage inquiétant des poissons mâles analysés affichent une diminution quasi-totale de leurs fonctions reproductrices.
Afin de compléter ces recherches, ils ont également étudié les répercussions possibles sur l’homme en nourrissant des rats de laboratoire avec l’eau potable de millions de Québécois. Ils ont alors vérifié une baisse de la production de spermatozoïdes chez les rats mâles et une réduction sensible de la motricité de leurs spermatozoïdes. Cette recherche révèle que la bioaccumulation de substances œstrogènes est possible et qu’elle se transfère d’une espèce à l’autre dans la chaîne alimentaire, d’un poisson à un mammifère, et... de moi à toi.
D’autres études ont montré la dévirilisation des crapauds mâles, des alligators, des tortues de Californie, des panthères de Floride et même des ours polaires, ainsi que des mouettes mâles qui se mettent à couver des œufs, en raison du taux quasiment pharmaceutique, dans les eaux de rivières, des œstrogènes hormonaux et médicamenteux, provenant des pilules contraceptives consommées par des dizaines de millions ou peut-être même de centaines de millions de femmes dans le monde, et quotidiennement rejetées via les urines dans les eaux usées des sanitaires et non traitées en stations d’épuration, œstrogènes qui vont se joindre aux actions des composés chimiques mimant les effets des œstrogènes naturels (œstrogène-like) : les pesticides organochlorés, eux-mêmes répandus par milliers de tonnes par an dans le monde, les dioxines, les phtalates (utilisés dans les produits en PVC, sols, jouets, tuiles, dans les colles, les encres, les solvants des cosmétiques et des produits de toilette), les alkyl phénols et leurs dérivés (utilisés comme détergents industriels et incorporés dans certaines peintures et certains plastiques), le bisphénol A utilisé dans les couvercles alimentaires et les bouteilles plastiques en polycarbonate, les hydrocarbures aromatiques, les retardateurs de flamme au brome (BFRs) utilisés dans les tissus d’ameublement, les meubles, les ordinateurs, et certains métaux lourds (cadmium, mercure, plomb), etc.
Des études signalées par l’AFP, conduites dans les eaux de la Seine et du Rhône, et présentées à Lyon lors d’un congrès d’écotoxicologie, montrent comment des polluants œstrogéniques dans les rivières féminisent les poissons (notamment les gardons, dont 40 % sont féminisés, et les truites arc-en-ciel et même les flets pêchés en mer en baie de Seine), avec découverte d’ovocytes dans les testicules des poissons mâles.
L’excrétion d’hormones sexuelles endogènes s’effectue principalement via l’urine et les fèces. Les hormones synthétiques, utilisées entre autres pour la contraception et dans des buts médicaux, sont également éliminées de cette manière. Pour avoir une idée de l’émission totale d’hormones dans l’environnement, une estimation a été faite sur la base des chiffres de la population pour 1998 fournis par l’Institut national des statistiques (INS) et de la taille du cheptel belge. Les données sur la taille du cheptel sont basées sur l’annuaire des Statistiques agricoles 1997. En Belgique, l’émission totale d’œstrogènes naturels dans l’environnement comme conséquence de l’excrétion humaine s’élève environ à 1,3 kg par jour. L’estimation du total des émissions d’œstrogènes pour l’homme et l’animal (y compris bovins, truies et poulets) en Belgique s’élève à quelque 5,7 à 7,7 kilogrammes par jour. Sur un an, cela signifie donc une émission d’œstrogènes de quelque 2,08 à 2,81 tonnes pour la Belgique !
La pollution purement chimique est apparemment le plus grand facteur de la féminisation des poissons. Selon une étude menée par le Cemagref qui dépend du ministère de la Recherche et de l’Agriculture, les études conduites dans les eaux de la Seine et du Rhône, à l’aval de Paris et de Lyon, confirment que certains détergents industriels, plastifiants et surtout les hormones humaines et les rejets médicamenteux dans les eaux et ingérés par les poissons (...) sont à l’origine de cette féminisation. Le Laboratoire d’écotoxicologie de milieux aquatiques (LEMA) du Havre affirme quant à lui que les poissons de l’estuaire de la Seine sont complètement androgynes et impropres à toute consommation, avec des tumeurs du foie extrêmement sévères dues aux nombreux agents mutagènes présents dans l’eau.
Il apparaît clairement que l’industrie pétrochimique est la première responsable de cette dévirilisation du monde. Elle a déversé sur la planète des tonnes d’hydrocarbures aromatiques polycycliques sous des formes que l’on ne soupçonne même pas. Ces hydrocarbures présentent les mêmes propriétés que les œstrogènes des femmes, et les dépassent même en puissance. Il y en a partout : rejets de l’échappement automobile, insecticides et pesticides, matières plastiques, lessives et produits d’entretien, parfums, savons, shampooings, déodorants, crèmes… sans parler des hormones de synthèse que l’on trouve aussi dans tout aliment contenant des produits animaux.
Aux États-Unis, des analyses ont recensé 200 polluants dans le cordon ombilical des nouveaux-nés. Le Dr John Lee résume bien la situation : « Nous sommes noyés dans une mer pétrochimique d’œstrogènes. Les conséquences potentielles de cette surexposition sont bouleversantes, surtout si l’on considère que l’une d’entre elles est la transmission des anomalies du système reproducteur à nos descendants. »
A l’heure actuelle, les mâles qui éviteront ces bouleversements sont déjà très rares. Seule une hygiène de vie draconienne hors des grandes villes (manger bio, éviter la viande, boire de l’eau filtrée, employer des produits de soin et d’entretiens naturels, éliminer les tissus synthétiques, détoxiquer leurs organismes et bannir la télé et les ordinateurs de leur foyer) permet d’éviter cette contamination. Cependant, seuls quelques « extrémistes » sectaires aux yeux du monde peuvent aujourd’hui se targuer d’une telle hygiène de vie - mais là où nous nous moquons, ils se pourraient bien que ces soi-disant fous d’aujourd’hui ne deviennent l’arche de Noé de demain.
Futura-Sciences
Premier plan d’appui scientifique à une politique de développement durable, programme « gestion durable de la mer du Nord »
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