La justice suspend les travaux du Center Parcs de Roybon
Le tribunal administratif de Grenoble a décidé mardi d'interrompre les travaux de défrichement préalables au chantier de ce complexe touristique controversé du groupe Pierre & Vacances.
Ce mardi 23 décembre, le tribunal administratif de Grenoble a décidé d'interrompre les travaux de défrichement préalables au chantier du Center Parcs de Roybon, en Isère, qui doit accueillir en 2017, sur 200 hectares de la forêt de Chambaran, un millier de cottages, des commerces et des restaurants autour de l'« Aquamundo », une bulle transparente maintenue à 29°c, avec piscine, jacuzzi, etc.
Selon le juge des référés, il existait un doute sur la légalité de l’arrêté préfectoral du 3 octobre ayant délivré une autorisation de travaux. Le magistrat argumente ce doute sur « l'absence de saisine de la Commission nationale du débat public sur le projet de ‘Center Parcs', laquelle est obligatoire pour les équipements touristiques dont le coût estimatif excède 300 millions d'euros ». L'investissement global du center parc Roybon est évalué à 387 millions d'euros.
Dans un article de Liebe sur AV le point d’achoppement concerné était je cite :
« LA SOUS-EVALUATION DE LA SURFACE DE LA ZONE HUMIDE DETRUITE, ET, PLUS LARGEMENT, IMPACTEE
Il résulte de tous ces points une évaluation largement sous-estimée de surfaces de zones humides détruites ou fortement altérées, et, plus globalement, impactées3
. Avec le concours de son expert, la commission a pu estimer la surface détruite ou profondément altérée de l’ordre de 90 à 100 ha, soit une surface un peu supérieure à la surface de défrichement.
Au total, en intégrant les pertes de fonctionnalité des portions résiduelles, les surfaces détruites et impactées de zone humide représentent une partie substantielle de la zone d’emprise du projet au sein du périmètre clôturé : environ 110 à 120 ha.
Cette estimation ne tient pas compte de l’altération de la fonctionnalité du restant de la zone humide, qui se trouve au pourtour du site d’emprise, du fait de la rupture de continuité. Le dossier d’enquête ignore son existence, comme si la zone d’emprise du projet pouvait être dissociée des écosystèmes contigus, dont elle dépend pourtant étroitement et auxquels elle contribue à son tour. Il en résulte qu’on ignore les incidences indirectes portées à la zone humide adjacente, tout comme aux espaces fonctionnels qui sont en continuité du site détruit. »
Les opposants au projet, soutenus par Europe Écologie-Les Verts, s'appuient sur le travail de la commission d'enquête publique au titre de la loi sur l'eau, qui avait rendu en juillet un avis unanimement défavorable. Vu l’attendu du dossier, leur plainte est donc fondée. Le maitre d’ouvrage devra (s’il le souhaite) revoir sa copie quant à la suffisance des mesures prévues par l'arrêté pour compenser la destruction de zones humides qu'entraînera la réalisation du projet.
Le juge des référés a en revanche rejeté trois recours visant l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2014, autorisant la destruction d'espèces protégées et de leurs habitats. Il a estimé qu'aucun doute sérieux ne pesait sur sa légalité.
Depuis le début des travaux, 40 hectares de la forêt ont été défriché. Le chantier était bloqué depuis début décembre par des militants « zadistes » qui occupent une maison à proximité du site.
Chez Pierre&Vacances Center Parcs, on reste confiant sur la suite de ce projet. Gérard Brémond, le fondateur du groupe est « confiant, calme et déterminé » sur la poursuite du chantier. « L'opération de Roybon se fera, la seule chose qui peut bouger, c'est le délai de réalisation », affirmait-il alors, estimant disposer de toutes les autorisations administratives et même d'une décision « irrévocable » du Conseil d'État au terme de sept ans de préparation et de procédures.
Les pro-Center Parcs qui vantent les retombées économiques du projet, avec la création notamment de 697 emplois (468 équivalent à temps plein), dans une zone de revitalisation rurale sinistrée en terme d’emploi et désertée par les commerces, industries, médecin etc., espèrent que cette décision ne mettra pas un terme au projet. Les élus locaux de droite font le dos rond avec les pros Center Parcs. Les élus locaux socialistes bien que favorables au projet qu’ils ont initié, font le dos rond. Ils sont en effet pris en otage avec EELV qui pourrait faire cavalier seul aux prochaines élections.
C’est en fait Pierre&Vacances Center Parcs qui a repris la main sur le dossier et qui peut soit faire appel de la décision du tribunal, soit laisser tomber et passer à autre chose. Il ne faut pas croire que Pierre&Vacances Center Parcs n’est pas capable d’abandonner ce projet. Ils l’ont déjà fait ailleurs.
Il y a 10 ans, Center Parcs avait proposé d’installer ses cottages et sa bulle protégée du froid et de la pluie au cœur de la forêt de Trélon dans le Nord, pas très loin du Val Joly. Val Joly est un lac encaissé dans une vallée du Thiérache. C’est un endroit naturel, familial et très populaire pour les Nordistes parce qu’on pouvait y manger tranquillement des frites-mayo au bord du lac et faire du pédalo.
EELV et les écolos du coin se sont opposés au projet prétextant la rareté d’une libellule qu’il fallait absolument protéger. Le conseil général du Nord a saisi l’occasion pour s’allier les écologistes lors des prochaines élections en leur proposant d’éjecter Pierre&Vacances pour construire eux même tout seul une nouvelle station touristique plus en rapport avec les valeurs écologiques. Le conseil général en métamorphosant le Val Joly en place-to-be huppée, rêvait de transformer le petit lac « en turbine économique de l’Avesnois » dixit Bernard Derosier. L’objectif des promoteurs du projet (dont le Conseil général et son président Bernard Derosier) étant d’attirer une clientèle plus « select », avec un portefeuille plus garni, exit les frittes mayo, place aux éco-commerces, au centre aquatique de 3000 m2, au parcours aventure dans les arbres, au centre équestre et à l’espace bien-être aux 180 cottages design… loués plus de 500 euros la semaine pour deux personnes en haute saison ! 60 millions d’euros d’investis, dont 36 millions de fonds publics (parmi lesquels les 22 millions du conseil général du Nord, soit le prix de la construction d’un collège) pour « réhabiliter » le Val Joly :
La somme est coquette. Mais ce n’est pas tout ! Il faut aussi calculer ce que coûte le fonctionnement de la structure, qui emploie une soixantaine de salariés au total par l’intermédiaire d’un syndicat mixte. Le budget étant largement déficitaire de quelques centaines de milliers d’euros chaque année (comme par exemple une perte de 250 000 euros rien qu’en 2010, avec une subvention du conseil général de 2,5 millions d’euros), voire cette année carrément un déficit de deux millions d’euros.
Cette station touristique voulue par le Conseil Général du Nord qui devait rayonner, que dis-je, irradier tout le Nord de la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Angleterre, doit enregistrer 500 000 entrées par an pour trouver son rythme de croisière. Elle a accueilli 160 000 personnes l’année dernière. C’est raté et les couacs continuent : l’an dernier, la base a eu le droit à une vacance au poste de directeur de juillet à novembre, un appel d’offre est lancé pour rénover les cottages qui après cinq ans se dégradent par manque d’entretien… Aujourd’hui, un appel d’offres a été lancé pour rajeunir la communication, notamment à destination des Anglais et des Néerlandais…
Pendant ce temps Center Parcs a planté sa verrière à 80 km de Val Joly au Parc de l’Ailette dans l’Aisne, qui a accueilli le projet à bras ouverts et pour cause : l’investissement totalise 220 millions d’euros, dont 32 millions d’euros de fonds publics. Les résultats sont au rendez-vous : 650 emplois ont été créés (85 % du personnel a été recruté localement et 66 % était inscrits auprès de Pôle Emploi). Le parc est composé de 861 cottages est accueille 950 000 touristes par an. Les touristes ne restent pas cantonnés à center Parc. Ils sortent et l’impact touristique sur la région (Reims, Laon) est estimé à 4.7 millions d’euro dont 3 millions pour l’Aisne. Si l’on ajoute les répercussions liées à ces nouveaux flux financiers sur le territoire (nouveaux courants d’affaires, nouvelles productions de richesses ou de revenus) on peut estimer que l’ensemble des dépenses s’élève à 7 millions d’euros, dont 4,5 millions uniquement dans le département de l’Aisne, sans compter les retombés médiatiques.
Les opposants au Center Parc de Roybon proposent aussi, avec l’aide du département et de la région de créer une zone de loisir, où ils pourront faire la même chose « en participant aux associations locales et en faisant travailler les centres d’équitation, les moniteurs, les instructeurs de chaque sport » en utilisant « à proximité, une belle piscine qui permet de faire la natation » et même « arpenter les Chambaran et la Bièvre à vélo… ». Mais pour créer de l’emploi, ils devront réaliser un complexe comme celui qu’a réalisé le Conseil Général du Nord. L’expérience a démontré que ce n’est pas sans risque pour les finances du département.
Center Parc a un projet dans le Jura et un autre en Saône et Loire. Un de ces deux projets ne se fera pas. Ou peut-être les deux se feront su Roybon ne se fait pas.
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON