Le pétrole, ça pollue, ça tue et ça rend fou...
Dans les étangs fadasses de l’information surnagent parfois des pépites d’ironie subtile et acide. Tel m’apparu sous la plume de George Monbiot, l’article du Guardian paru le 27 mai, : “We have gone mad, Your Majesty, and only you can cure our affliction”- c’est à dire en français :
« Nous sommes devenus fous, votre Majesté, et vous seul pouvez guérir notre affliction » ;
il s’agit ici d’une « lettre ouverte au dirigeant du plus gros producteur de pétrole de l’OPEP , le seul homme qui puisse forcer l’Angleterre à réduire ses émissions de carbone »
Weblecteur, mon semblable, mon frère, si je me permets d’attirer ton attention sur cet opuscule, c’est un peu parce qu’à l’heure où j’écris ce papier fleurissent chez les européens le plus râleurs les actions revendicatives des travailleurs indépendants énervés et angoissés par le dernier( ?) choc pétrolier, pendant qu’ici le « Grenelle de l’environnement » ressemble de plus en plus à ce qu’il est, une opération de com’ pour noyer le poisson, se donner le temps de voir d’où vient le vent, et boucler les gros contrats tant que le bizness peut rester as usual, mais beaucoup parce que, l’air de rien mais avec une lucidité certaine, le chroniqueur y lève quelques lièvres bien dodus, mais peu courus.
Par exemple le fait que les clés du futur sont en train de lentement glisser des poches de l’axe USA-Europe dans celles de certaines nations d’Asie, du Moyen-Orient et d’Amérique du Sud. Que l’occident riche et auto-proclamé démocrate est de plus en plus clairement du côté des problèmes plutôt que de celui des solutions, empêtré dans ses contradictions idéologiques et par le manque de fiabilité, pour rester courtois, des « élites » décisionnaires ( ?) que produisent les auto-proclamées « grandes et vieilles démocraties ». Que ces dernières pourraient bien se voir reprocher à juste titre, un jour lointain par l’histoire, ou bien qui sait un jour prochain par leurs citoyens, leur impéritie funeste et leur aveuglement face aux problèmes réels de notre époque.
Comme le pointe Philippe Grasset dans l’article de son excellent site dedefensa.org,
On ne voudrait pas plomber l’ambiance, donc on en restera là pour le fond, pour revenir à la forme : du style, pas de graisse, du punch, de l’humour, de l’ironie : la fausse ingénuité vacharde des humoristes de talent qui ont quelque chose entre les oreilles ; voix précieuses, bien isolées, que celles qui possèdent tout à la fois l’accès au « grand public » et une réelle lucidité politique, les Coluche, les Bruno Gaccio et quelques autres - humour, politesse du désespoir ?
Lecteur, que tu sois bobo anglophone par réaloprofessionalisme où franco-rétif à la langue de Shakespeare, je ne résiste pas au plaisir de te faire partager le mien : ci-après, je te livre une version traduite par mes soins dudit article – tu me pardonneras ses imperfections, car tu tiendras compte du fait que j’ ai tenté de livrer un texte en bon français, pas un de ses infâmes goulbi-goulba juste copié/collé d’un traducteur automatique.
Nous sommes devenus fous, votre Majesté, et vous seul pouvez guérir notre affliction
Une lettre ouverte au dirigeant du plus gros producteur de pétrole de l’OPEP , le seul homme qui puisse forcer l’Angleterre à réduire ses émissions de carbone.
A Sa Majesté le Roi d’Arabie Saoudite
Votre Majesté,
Parmi bien d’autres dirigeants de nations européennes, notre Premier Ministre vous mets en demeure d’augmenter votre production de pétrole. Je vous écris afin de vous demander de n’en rien faire. A l’instar des autres dirigeants il délire, et n’est plus compétent pour prendre des décisions.
Vous et moi savons qu’il y a plusieurs raisons au niveau élevé des prix du pétrole. Au début de la décennie, les prix bas alors pratiqués ont découragé les compagnies pétrolières d’investir pour développer de nouvelles capacités de productions ; il existe par ailleurs une pénurie globale de travailleurs qualifiés, d’acier et d’équipements ; la faiblesse du dollar induit un prix du pétrole plus élevé que si celui-ci était libellé dans une autre monnaie. Alors que votre gouvernement indique que la spéculation joue un rôle important, la Bank of England assure le contraire, je ne sais donc qui croire sur ce sujet. Egalement, les gros producteurs sont devenus aussi de gros consommateurs, et dans certains cas leurs exportations ont chuté même quand leur production a augmenté, car ils consomment davantage que cet excédent de production.
Mais ce que vous savez et que j’ignore, c’est dans quelle mesure le prix du pétrole reflète une réelle pénurie au niveau des réserves mondiales. Vous et vos conseillers sont peut-être les seules personnes au monde qui détiennent la réponse à cette question. Vos réserves annoncées sont, bien sûr, un pur artefact politique déconnecté de toute réalité géologique. Les quotas de productions assignés à ses membres par l’OPEP sont modelés selon la taille de leurs réserves revendiquées, ce qui incite à exagérer celles-ci. Comment expliquer autrement le fait que, en dépit de deux décennies de pompage déchaîné, votre royaume revendique les mêmes réserves que celles annoncées en 1988 ?
Vous dites que vous épargnez votre pétrole au profit des générations futures. Si c’est vrai, c’est une décision économique sensée : du pétrole enterré semble un meilleur investissement que de l’argent à la banque. Mais, bien que répugnant à mettre en question les assertions de Votre Majesté, je dois vous rappeler que quelques experts du pétrole se demandent maintenant si cette belle prudence n’est pas une fiction commode. Limitez-vous l’approvisionnement parce que vous voulez conserver des stocks et maintenir un prix élevé, ou ne pouvez vous augmenter la production parce que votre fabuleuse capacité disponible n’existe pas réellement ?
Je ne m’attends pas à une réponse. Je sais que l’état réel de vos réserves est un secret tellement bien gardé que les analystes recourent maintenant à des satellites espions pour essayer d’estimer la vitesse de l’affaissement du sol au-dessus de vos gisements de pétrole, car ils n’ont aucun autre moyen de deviner à quelle vitesse vos réserves se vident.
Ce que je sais, et que vous ignorez peut-être, c’est que le prix élevé du pétrole est actuellement le seul facteur permettant la mise en application de la politique du gouvernement britannique. Le gouvernement prétend qu’il cherche à réduire les émissions de CO2, en encourageant les gens à moins employer de combustible fossile. Aujourd’hui, et pour la première fois depuis des années, son souhait est devenu réalité : les gens conduisent moins et prennent moins l’avion. L’Automobile Association relève que environ un cinquième des conducteurs achètent moins de carburant. Une étude récente du Worldwide Fund for Nature montre que les entreprises encouragent leurs cadres à employer la téléconférence au lieu de l’avion. Une des plus grosse industrie consommatrice de carburant de toutes, celle spécialisée dans les vols d’affaire, s’est complètement effondrée.
En d’autres termes, vos restrictions à l’approvisionnement - volontaire ou non - aident le gouvernement à atteindre ses objectifs de réduction du taux de carbone. Et comment réagit-il ? En exigeant avec colère que vous les fassiez sauter, de sorte que nous puissions continuer à conduire et à prendre l’avion autant que nous l’avons fait jusque là. La semaine dernière, Gordon Brown a affirmé qu’il était « scandaleux que 40% du pétrole soit contrôlé par l’OPEP, que leurs décisions puissent limiter l’approvisionnement en pétrole du reste du monde, et qu’à un moment où les besoins en pétrole sont dramatiquement urgents, et où l’offre devrait augmenter, l’OPEP puisse restreindre l’approvisionnement du marché" . Aux Etats-Unis, les législateurs sont allés plus loin : la Chambre des représentants a voté pour intenter un procès aux états membres de l’OPEP, et les sénateurs démocrates essayent de bloquer les ventes d’armes à votre royaume à moins que vous n’augmentiez la production.
Ceci illustre un des délires de nos dirigeants. Ils prétendent souhaiter limiter la demande de combustibles fossiles, pour agir sur le changement climatique ainsi que sur la sécurité des approvisionnements en énergie. En même temps, pour citer le Britain’s Department for Business, ils cherchent à « maximiser la mise en valeur économique » de leur réserves de pétrole, gaz et charbon. Ils persistent à croire que les deux politiques peuvent être poursuivies en même temps, ignorant apparemment que si des combustibles fossiles sont extraits ils seront consommés, et bien qu’ ils prétendent souhaiter en réduire la consommation. Les seuls qui semblent imposer des restrictions importantes à l’approvisionnement en carburant sont les membres de l’OPEP, au sujet desquels Brown se plaint si amèrement. Votre majesté, nous sommes devenus fous, et vous seul pouvez traiter notre affliction, en maintenant vos robinets fermés.
Nos chefs, bien qu’ils ne possèdent pas la moindre idée de la persistance des approvisionnements en pétrole nécessaires pour la soutenir, programme également une expansion rapide de nos infrastructures de transport. Au Royaume Uni, nous bâtissons ou améliorons des milliers de miles de routes et sommes en train de doubler la capacité de nos aéroports, en supposant qu’il n’y aura aucune restriction dans l’approvisionnement en carburant. Les prévisions du gouvernement pour le prix à long terme du baril se situe à $70.
Au cours des derniers mois, j’ai essayé de découvrir sur quoi le gouvernement fonde cette vue optimiste. En réponse à une question au parlement, il indique que sa projection est basée sur " l’évaluation faite par L’Agence Internationale de l’Energie dans ses Perspectives mondiales pour l’énergie 2007 ". Hé bien, la semaine dernière le Wall Street Journal a indiqué que « l’AIE prépare une révision en forte baisse de ses prévisions sur l’approvisionnement en pétrole » Son rapport final ne sera publié qu’en novembre, mais il a déjà conclu que « les futurs approvisionnements en brut pourraient être bien plus restreints qu’on ne le pensait précédemment " Ses estimations précédentes sur la production globale étaient fausses pour une raison simple et choquante : elle les avait basées sur la demande prévue, plutôt que sur l’offre prévue. Elle a résolu la question de l’approvisionnement en supposant qu’elle se mettrait automatiquement au niveau nécessaire pour satisfaire la demande, comme si elle n’était sujette à aucune contrainte inhérente.
Notre gouvernement aurait du être au courant, mais il a refusé d’effectuer sa propre analyse des réserves globales de pétrole. Ne serait ce que pour évaluer de possibles menaces pour l’économie et la sécurité nationale, il n’a commandé aucune recherche de cette sorte sur la question. Ainsi, au début de cette année, j’ai demandé au Department for Business quels plans d’urgence il possède pour faire face à l’éventualité que les évaluations de l’IEA soient erronées, et que l’approvisionnement global en pétrole atteigne son pic dans un avenir proche. « Le gouvernement », m’a-t-on répondu, « ne ressent pas la nécessité d’établir éventuellement de tels plans. » Je suis sûr que je n’ai pas besoin de clarifier les implications au cas où les prévisions s’avèreraient être complètement fausses.
Votre majesté, je reconnais que ce n’est pas parmi vos attributions habituelles en tant que souverain de l’Arabie Saoudite, mais je vous prie avec respect de nous sauver de nous-mêmes.
Bien à vous,
George Monbiot
Traduit en français par todoynada, todoynada chez neuf.fr, le 27 mai 2008.
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