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Accueil du site > Actualités > Environnement > Le « rêve de glace » de Georges Mougin

Le « rêve de glace » de Georges Mougin

Vendredi 4 mars dernier, sur France 3, le magazine Thalassa a rassemblé plus de 10% de part d’audience notamment grâce à son reportage « Rêve de glace ». Documentaire fascinant de 52 minutes racontant le projet fou d’un homme qui veut déplacer des icebergs…

C’est le projet de toute une vie. Celui qu’il « aimerait évidemment voir aboutir ». Georges Mougin, ingénieur français né à St Malo, diplomé des Arts et Métiers, travaille depuis plus de quarante ans sur la possibilité de tracter des icebergs depuis l’Atlantique Nord pour alimenter en eau potable les régions les plus chaudes du globe. 

En l’occurrence, il s’agirait d’aller chercher un bloc de glace aux larges de Terre-Neuve pour l’acheminer par bateau jusqu’aux îles Canaries ! Le choix s'est porté sur les côtes canadiennes car il « suffit » d'y attendre les immenses morceaux de glace détachés du Groenland qui, poussés par le courant du Labrador, dérivent naturellement d'ouest en est.

Acheminer sept millions de tonnes de glace à travers l’Atlantique nord, défi raisonnable ?

Georges Mougin en est convaincu. Il n’en est pas à son coup d’essai. Ami de longue date de feu Paul-Emile Victor (1907-1995) il a travaillé avec le célèbre explorateur polaire pour le prince saoudien Mohamed al-Fayçal de 1976 à 1981. Ce dernier avait déjà eu l’idée de faire venir un iceberg le long de ses côtes afin de s’en servir comme réservoir d’eau douce, et avait contacté les scientifiques français pour cela. Il avait même créé pour cela la société Iceberg Transport International (ITI). Faute de moyens financiers, et surtout techniques, le projet était tombé à l’eau. Mais pas l’idée, qui va germer dans l’esprit de Mougin et des ses collaborateurs...

Relancé en 2002 par Dassault Systèmes, il voit l’opération prendre forme à partir de 2009 grâce à une équipe de chercheurs déterminés emmenée par le bras droit de Mougin, l’ingénieur François Mauviel. Spécialisée dans l’édition de logiciels, cette société permet au projet de prendre vie grâce à la modélisation en 3D d’un iceberg, de son environnement naturel, et surtout de sa partie immergée qui, comme chacun le sait, est beaucoup plus importante (90% du volume). Une avancée technologique incomparable qui renvoie les maquettes d'il y a quarante ans au rang de jouer et permet d’étudier dans ses moindres aspects l’iceberg en question - on parle de « profiler » l’iceberg.

La société Dassault Systèmes ne travaille pas seule et fait appel aux meilleurs spécialistes, notamment Ralf Bachmayer et son robot sous-marin, pour déterminer les caractéristiques physiques de l’iceberg.

A partir de là, tout un cheminement se met en place : il faut choisir le bon candidat, celui dont la forme sera la plus facilement transportable. Il s’avère que l’iceberg tabulaire a la forme idoine. Doté d’une surface plane pouvant aller jusqu’à 300 mètres de long, il est plus stable, donc moins enclin à rouler sur lui-même, à se fracturer durant le voyage et à causer des dégâts irréversibles tant sur le plan technique qu’humain.

Il faut ensuite « habiller » l’iceberg. Là encore, des avancées technologiques inexistantes au départ donnent enfin vie au projet. A l’aide d’un matériau dit « géotextile », les chercheurs ont élaboré une sorte de « jupe » qui enveloppe la partie immergée de l’iceberg. Entre cette jupe et la glace, un matelas d’eau permet de limiter la fonte durant le voyage. Pour finir, un bateau remorqueur standard, comme ceux déjà utilisés par les plate-formes pétrolières, capture le bloc à l’aide d’un gigantesque filet et commence le remorquage. Mais la question de l'énergie nécessaire à un tel travail de titan se pose alors : que serait ce projet novateur s'il se faisait aux dépens de l'écologie ?

La technologie vient une nouvelle fois à la rescousse : d'abord, une voile géante de 300 m², déployée au bout d’un bras hydraulique réglable, permet de profiter des vents marins et de limiter la consommation du remorqueur. Ensuite, une parfaite connaissance des courants marins de l'Atlantique permettent de procéder à une « dérive assistée » de l'iceberg. Il s'agit de le guider à travers ces courants favorables plutôt que de procéder à son remorquage pur et dur.

Tout cela n'est pour l'instant que pure théorie, mais matérialisée par les puissants logiciels de simulation 3D de Dassault, elle prend vie peu à peu. Le voyage devrait durer 141 jours et se faire à la vitesse moyenne de 1,5 km/h. Tout a été prévu, même une tempête en pleine mer qui provoquerait la fracture totale de l'iceberg et ses conséquences. Toujours d'après les calculs, l'iceberg une fois arrivé à destination n'aurait perdu que 38% de sa masse (4 millions de tonnes au lieu des 7 originels) et fait dépenser que 4 000 tonnes de fioul au bateau. Le projet est donc réalisable sur ordinateur, reste à savoir s'il le sera en réalité... Georges Mougin veut concrétiser son rêve et se rendre à Terre-Neuve dès le début de l'année 2012. A suivre.

Mais ce défi de taille soulève également des questions d'ordre écologique. Si ce projet farfelu qui ne l'est plus tellement ne récolte pour l'instant que des échos favorables dans le monde scientifique, il n'empêche pas le scepticisme. Quelles vont être les conséquences de la présence d'un iceberg dans des régions chaudes ? A l'heure du réchauffement climatique et de la perturbation des courants marins, un tel phénomène ne ferait-il pas qu'accélérer le processus de dérèglement de la planète ? L'homme peut-il à ce point aller à l'encontre de la nature ? Que se passera t-il également lorsque cette nouvelle ressource naturelle aura été épuisée ? Autant de questions encore en suspend...


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8 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 7 mars 2011 10:40

    « Que se passera t-il également lorsque cette nouvelle ressource naturelle aura été épuisée ? »
    on sera noyer


    • armand 7 mars 2011 10:42

      Je me demande s’il ne faut pas un gros grain de folie pour songer à faire une chose pareil...


      • bart153 bart153 7 mars 2011 13:21

        Il faut savoir que chaque année des milliers d’Iceberg se décrochent et partent à la dérive, fondant peu à peu. Difficile d’imaginer que l’on puisse donc causer un dérèglement sur la planète.

        La question que je me pose concerne plus le but même du projet, que je n’ai toujours pas saisi : est-il purement économique ? C-a-d que cette eau douce serait moins couteuse que de l’eau déssalée ? Ou alors est-ce là un projet qui doit concrétiser le rêve d’un homme, tout en misant sur la montée des prix de l’eau, ce qui fera de cette voie quelque chose de très rentable dans 30 ans ?

        J’ai entendu maintes fois cette histoire, mais je ne sais toujours pas quel est son but profond...


        • armand 7 mars 2011 14:27

          Oui Bart, je sais bien qu’il y a en permance des blocs se détachants (de plus en plus d’ailleurs) mais ce sera ceux-ci plus ces mega blocs.
          Ce qui m’interroge (l’auteur aussi) c’est le déplacement de masses froides considérables


        • Caracalla 7 mars 2011 21:01

          Tout à fait, d’autant plus que les blocs qui se détachent ne dérivent pas naturellement jusqu’aux Canaries...


        • easy easy 7 mars 2011 13:38

          La quantité d’eau totale sur Terre est constante, à quelques hydrolyses près.
          Le problème c’est que seule l’eau douce et propre nous intéresse alors que nous polluons de plus en plus celle disponible à nos pieds. 

          Dès que se présente une possibilité de prélever de l’eau douce et propre restant disponible ailleurs, soit plus profond soit plus loin, on saute sur l’idée par réflexe prométhéen et de conquête. C’est l’exploit qui esthétise et sublime toute action (alors qu’il est surtout criminel de tuer un Achille, un minotaure, un dragon, un puma, un tigre ou un lion, ça ressort beau parce que c’est présenté par le biais de l’exploit)

          Il vaudrait mieux se concentrer sur « moins polluer » d’abord et sur « dépolluer » ensuite. Car là encore, dès qu’il apparaît une solution de dépollution, on ouvre les vannes de la pollution.


          Etant donné que, pour l’homme, le rôle urgentissime de l’eau est de l’abreuver et que ce besoin ne représente pas grand chose en volume. Etant donné que le rôle de seconde urgence de l’eau est d’hydrater les plantes et animaux dont il se nourrit et que ce rôle ne représente toujours pas grand chose en volume, il reste à reconsidérer les autres utilisations de l’eau. Et en particulier celle où elle subit les plus lourdes pollutions : l’industrie.


          Ni la récupération d’iceberg ou la désalinisation ne devraient ressortir comme panacée car ça nous conduirait à négliger de traiter les pollutions et à reconsidérer nos industries.


          Une fois ramené à bon port, la récupération de l’eau d’un iceberg capturé reste une grande affaire. Et très périlleuse car quand on le gratte en un endroit, on change sa forme et il change automatiquement de position, parfois fortement et brutalement. Et le temps de traiter cet iceberg à quai, il aura encore perdu en volume car il faudra peut-être plus de temps pour le traiter à quai que pour l’y avoir amené.

          Des haveuses à glace posées sur le sol ferme de l’Antarctique ou le Groenland ça peut sembler plus régulier et infiniment moins dangereux comme travail mais on se retrouve avec de la glace en petits blocs, ce qui n’est pas facile à faire passer dans des pipes marins. On en viendra alors à placer ces glaçons de haveuse dans des poches ou containers profilés qu’on remorquera. On n’aura aucune perte d’eau ni pendant le transport (infiniment moins problématique) ni à quai. 

          L’autre étape consistera à treuiller des conteneurs avec un méga câble depuis le quai de destination (un câble très long s’il n’est pas flotté par des bouées soit rapprochées soit écartées, va à toucher le fond de la mer. Il n’empêchera donc pas la navigation) 

          Mais au lieu de gratter les anciennes neiges, on en viendra peut-être d’abord à poser des conteneurs ouverts sur les terres pluvieuses ou neigeuses, surtout sur les océans. La quantité d’eau douce et propre qui tombe là, au bord de la France, en pleine mer est considérable. 


          • D'oeuf rance D’oeuf rance 7 mars 2011 20:22

            « La quantité d’eau totale sur Terre est constante, à quelques hydrolyses près. 
            Le problème c’est que seule l’eau douce et propre nous intéresse alors que nous polluons de plus en plus celle disponible à nos pieds. » 

            Polluons et GASPILLIONS (genre culture de maïs, gas-pillages domestiques, etc.)

            La stupidité règne en maître quand on a perdu tout bon-sens et toute logique. 
            Par exemple, séparer les eaux potables des autres par des canalisations appropriées aurait été des plus judicieux ; quand on songe à la folie d’envoyer des litres d’eau potables se noyer dans les immondices via une chasse de w.c, où quand on demande à un parisien s’il ne s’offusque pas de voir des m3 se perdre le long des rues pour finir aux égouts, afin de « nettoyer » les bords des routes... 
            pour ne citer que ces deux aberrations.... 

            • Caracalla 7 mars 2011 20:58

              Je pense en effet que l’on peut parler de fuite en avant. Cette idée fait réagir car elle est spectaculaire mais ce n’est évidemment pas une solution pérenne...

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