Le secteur de l’hydraulique fait sa mue technologique
Deuxième source d'électricité en France, la filière hydraulique est actuellement en plein bouleversement suite au projet d'ouverture à la concurrence et au faible niveau de pluie en 2017. Dans ces conditions, le secteur mise sur la rénovation du parc et l'innovation technologique afin de rester compétitif.
Des bouleversements climatiques et conjoncturels
Avec 25,5 GW de puissance installée sur le territoire français, la filière hydraulique est la première source d'électricité renouvelable du pays, loin devant l'éolien (13,6 GW), le solaire (7,7 GW) et les bioénergies (1,9 GW). En 2017, l'hydroélectricité a couvert 10,1 % de l'électricité consommée en France, contre 5 % pour l'éolien, 2 % pour le solaire et 1,5 % pour les bioénergies. C'est moins qu'à l'échelle de l'Europe, où le secteur pourvoit à 16,6 % des besoins électriques. Si l'Hexagone possède une marge de progression, les acteurs du domaine doivent actuellement faire avec plusieurs obstacles afin de juguler le ralentissement de la production nationale. L'an dernier, la production hydraulique renouvelable (48,6 TWh) a chuté de 18 % par rapport à 2016, principalement en raison d'un déficit en eau supérieur à 10 % en moyenne sur le territoire français. Selon Météo France, l'année 2017 a en effet été l'une des plus sèches des 50 dernières années. En comparaison, le volume d'électricité produit par l'éolien et le solaire a respectivement progressé de 14,8 % et de 9,2 % par rapport à l'année précédente. Les nouveaux projets hydrauliques n'ont apporté que 301 MW de puissance installée supplémentaire, soit à peine 1 %, contre 1 797 MW pour le parc éolien (+ 15,3 %) et 887 MW pour l'énergie photovoltaïque (+13,1 %).
Le manque de pluie constaté l'an dernier n'explique pas entièrement la chute de la production nationale. Les principaux représentants du secteur (RTE, Enedis, EDF et entreprises locales de distribution) dénoncent la baisse du prix de l'électricité ainsi que la pression accrue de la fiscalité et des normes environnementales. Conformément aux dispositions européennes, la protection des cours d'eau classés en liste 1 fait que « deux tiers du potentiel [hydroélectrique] est bloqué par ces réglementations environnementales », explique Anne Penalba, présidente du syndical professionnel France Hydro Électricité. La filière subit également depuis plusieurs années la hausse des taxes locales, qui ont grimpé d'environ 10 euros par MWh, soit un tiers du prix de vente, tandis que le prix de l'électricité a chuté de 30 % depuis 2010. Appelant à « une meilleure cohérence » alors même que l'État affirme vouloir développer le secteur, ses acteurs se lèvent aussi contre l'ouverture prochaine à la concurrence des concessions hydrauliques, fruit de la transposition dans le droit français d'une disposition européenne. L'article 29 du projet de loi de transition énergétique prévoit en effet la fin du service public à travers la mise en place de sociétés mixtes, dans lesquelles l'État, les collectivités locales et les partenaires publics pourront ne détenir que 34 % du capital. Le 13 février 2018, les syndicats de l'énergie ont lancé un appel à la grève pour refuser de « brader aux premiers investisseurs venus le patrimoine énergétique français ». « Il a été indiqué [lors de la réunion avec le Premier ministre le 7 février 2018] que la concurrence serait organisée par "paquets" et que même si EDF présentait la meilleure offre, elle ne pourrait remporter l'intégralité des concessions hydrauliques au sein de chaque paquet. [...] Disqualifier la meilleur offre, est-ce vraiment l'esprit de la concurrence libre et non faussée dans l'intérêt des Français ? », déplorent-ils à l'unisson.
Transformation numérique du secteur hydraulique
Pour remédier à ces difficultés, les acteurs du secteur hydraulique redoublent d'efforts et d'innovations. Plusieurs projets de construction et de rénovation d'envergure sont en cours sur le territoire français pour développer le parc hydroélectrique français, dont le gigantesque chantier de Romanche-Gavet, lancé en 2011 en Isère par EDF. Ouvrage le plus important en France, il remplacera à lui seul six centrales et cinq barrages par une usine souterraine au fil de l'eau d'une puissance totale installée de 92 MW, capable de produire 560 GWh par an. Un gain de production qui correspond à la consommation d'une ville de 230.000 foyers.
D'autres projets de rénovation sont actuellement menés à La Bathie en Savoie (gain espéré de 48 MW), à La Rance en Ille-et-Vilaine (40 % de l'électricité produite en Bretagne), à Aston en Ariège ou encore à Basse-Maulde en Haute-Vienne. Depuis 2011, EDF a ainsi investi plus de 2 milliards d'euros pour moderniser ses équipements et 450 millions d'euros dans de nouveaux projets de développement labellisés durables. Pour rester leader de la production hydraulique en Europe, le groupe français intègre désormais dans ses installations des technologies numériques comme l'utilisation de systèmes électro-hydrauliques, de micro-capteurs ou le recours à l'impression 3D, qui permettent d'améliorer le fonctionnement des centrales. La filière tend également vers une exploitation optimale des ressources pour mieux s'adapter au volume de consommation et limiter les pertes. Cette démarche se traduit par l'implantation de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), qui offrent la possibilité de stocker l'électricité et de la restituer en fonction de la demande, ainsi que de centres de conduite hydraulique (CCH) à Toulouse, Lyon, Sainte-Tulle (Alpes-de-Haute-Provence) et Kembs (Haut-Rhin), qui ont pour mission d'adapter la production aux fluctuations de la demande. Il serait ainsi possible d'agir, à tout instant, sur une centaine d'aménagements hydroélectriques pour libérer une puissance totale de 15 GW, soit 70 % du parc de production hydraulique d'EDF.
Comme d'autres secteurs, les métiers de l'hydraulique évoluent vers des compétences technologiques de plus en plus prégnantes. C'est pourquoi un tout nouveau campus EDF a été inauguré le 1er février 2018 à Toulouse pour former les ingénieurs et techniciens de demain à la construction et à l'entretien des barrages. Près de 2 000 « stagiaires » y peaufineront leur savoir-faire au contact des enseignants de l'École nationale supérieure d'électrotechnique, d'électronique, d'hydraulique et des télécommunication (ENSEEIHT). D'autres établissement existent à Grenoble, Roanne (Loire), Bois-le-Roi (Seine-et-Marne) ou encore Orvault (Loire-Atlantique) pour former les quelque 12 000 professionnels d'un secteur irrémédiablement appelé à croître. D'ici 2030, 40 % de la production d'électricité nationale devra être de source renouvelable.
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