Les alternatives et le nucléaire, ou David contre Goliath
Vous êtes convaincu que le monde ne peut se passer du nucléaire civil. Dans l’immédiat, cette affirmation est incontestable. En revanche, elle l’est moins à moyen terme. Certes, aujourd’hui, les énergies renouvelables ne permettent pas de répondre à la demande. Cependant, ces énergies sont sous-développées. Elles sont loin d’arriver à la hauteur du développement technologique du nucléaire. L’effort devrait pourtant être transposé sur leur essor, notamment pour répondre aux directives européennes en matière de protection de l’environnement. La France n’en prend pas le chemin.
Pour les prochaines décennies, le bilan de la quantité énergétique dont nous aurons besoin est ahurissant. Ces estimations doivent être relativisées car nous sommes loin de l’efficacité énergétique. D’ailleurs, le débat énergétique français porte essentiellement sur la production, alors que le principal problème est celui de la consommation. La France est un des pays développés qui a fait le moins d’efforts. Pourtant, des économies, tant en terme de kilowatt/heure qu’en terme financier, pourraient être réalisées. Nous devons repenser nos façons d’envisager individuellement ou collectivement nos logements, nos modes de transports et de productions. C’est là que se situent les marges de manœuvre principales d’une politique énergétique intelligente. Il faut une maîtrise de la demande énergétique et une diversification des sources d’énergie, en particulier, renouvelable. Selon le scénario Négawatt, les énergies renouvelables pourraient fournir dix fois plus d’énergie en 2050 qu’aujourd’hui. Elles représenteraient alors 59 % de la production totale d’énergie. La dépendance très forte de la France à l’égard du gaz et du pétrole importés se réduirait d’autant.
Les 3 milliards d’êtres humains supplémentaires qui peupleront notre globe terrestre d’ici quelques dizaines d’années posent d’autres problèmes. Si nous continuons à poursuivre ce modèle de croissance, qui a été mis en oeuvre avec succès dans les « sociétés développées », l’homme court à sa propre catastrophe. Si certains sont toujours gagnants et d’autres toujours perdants, c’est peut-être que les règles du jeu ne sont pas bonnes, ou que certains pays, certaines populations ne veulent pas jouer à ce jeu. Soutenir un autre modèle de développement et promouvoir d’autres formes d’énergie ne veut pas dire revenir à la lampe à pétrole et à la bicyclette. Cette vision me semble un peu simpliste.
Le rôle de l’AIEA dans la non-prolifération nucléaire a été conforté par le traité de non-prolifération (TNP). Pourtant, si le TNP a eu le mérite de permettre d’initier une démarche de limitation de la prolifération nucléaire, il s’avère maintenant incapable de remplir son objectif. Il suffit pour s’en convaincre de lire l’article 4 du traité. Il expose un “droit inaliénable de toutes les parties au traité de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques”. Mais surtout, les pays développés sur le plan nucléaire s’engagent à aider au développement de l’énergie nucléaire : “Les parties au traité en mesure de le faire devront aussi coopérer en contribuant, à titre individuel ou conjointement avec d’autres États ou des organisations internationales, au développement plus poussé des applications de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, en particulier sur les territoires des États non dotés d’armes nucléaires qui sont parties au traité...”. Or on sait maintenant de façon indubitable qu’un pays peut arriver par la maîtrise des technologies civiles à la capacité militaire nucléaire. Un pays peut ensuite sortir du TNP dès qu’il dispose de l’arme nucléaire. Le cas de l’Iran est exemplaire en ce sens. Si le nucléaire civil se développait à grande échelle dans le monde, le problème de la prolifération s’amplifierait. De plus, n’oublions pas que l’activité de l’AIEA ne porte que sur les matières nucléaires déclarées dans les installations nucléaires déclarées. Elle n’est pas toujours en mesure de détecter d’éventuelles activités clandestines ou matières nucléaires non déclarées.
De fait, le nucléaire est risqué. Risques liés à la gestion des déchets, à la prolifération et aux accidents. Il ne faut pas oublier l’incertitude sur les coûts liés au démantèlement des centrales. Ces points justifient le développement des énergies renouvelables.
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