Les dérives de la Bio industrielle
Peut-on produire "bio" à n'importe quel coût social et environnemental ?
Devant l'engouement des consommateurs pour les produits bios, les grandes surfaces commencent à garnir leurs gondoles de produits labellisés AB. Revenons deux minutes en arrière : si les consommateurs sont aujourd’hui plus sensibles à la qualité de ce qu’ils bouffent, c’est qu’ils sont inquiets devant le constat des saloperies que produisent l’agriculture chimiques, intensives et l’agro-industrie, qui non seulement transforme cette production agricole en produits de consommation, mais ses principaux acteurs cultivent également le mélange des genres en étant semenciers, vendeurs d’intrants et de pesticides (pour ceux qui ne suivent pas régulièrement ce site, nous vous invitons à lire les résultats stupéfiant d’une étude récente, menée par une association sur les produits toxiques présents dans la bouffe que nous refilons à nos enfants). Et je ne parle pas des dégâts sociaux et environnementaux, directement liés à toutes ces activités criminelles. Tant que l’agriculture sera considérée comme une marchandise et sous l’égide dictatoriale de l’OMC, rien ne changera.
Les consommateurs étant de mieux en mieux informés, ceux qui le veulent et le peuvent, changent donc de plus en plus leur habitudes de consommation et se tournent vers de la nourriture non chimique, c'est-à-dire naturelle. Or le label « bio » a été créé dans cette optique, redonner du sens à la production agricole, revenir à la normale, c'est-à-dire produire sans intrants issus du pétrole ou de la chimie, à partir de semences naturelles (non OGM, non trafiquées). Les grandes surfaces ont d’ailleurs largement boudé, pendant longtemps, les produits bios et ce pour une raison simple : produire bio et de façon massive était impossible. Déjà que les consommateurs préfèrent les produits standardisés, bien propres et d’une apparence irréprochable (des carottes avec de la terre, des pommes de terre trop irrégulières ou une salade non nettoyée à la javel, ça fait dégeulasse !), alors s’il faut en plus faire face à des problèmes d’approvisionnement et ne pas être capable de fournir des tomates au mois de janvier, on comprend aisément que les Leclerc Carrefour et compagnie se soient détourné de cette « niche de marché » trop marginale.
Or devant la demande croissante en produits sains, de plus en plus de consommateurs se sont tournés vers les magasins bios. Et là, la donne change, puisque la grande distribution a vu d’un très mauvais œil cette fuite de clientèle, qui se traduit instantanément par « perte de chiffre d’affaire » et donc « baisse des dividendes » pour les actionnaires. Donc réaction méthode libérale : si le marché ne correspond pas aux critères, il est nécessaire de changer les règles. Pour obtenir un approvisionnement régulier, en termes de quantité, de production linéaire sur l’année et en qualité, les marchés financiers ont mis leur nez dans l’histoire. A titre d’exemple, lorsque la Pologne est rentrée dans la communauté européenne, l’Europe lui à tenu ce langage : puisque nous ne pourronts pas vous verser l’équivalent des subventions que nous avons données à l’Espagne ou au Portugal, utilisez vos avantages : coût de main d’œuvre extrêmement bas et terres agricoles à foison. Vous produirez donc une partie des produits bios dont nous aurons besoin. Comme la Pologne ne suffit pas, on installe des serres en Afrique du Nord, dans lesquelles on produit massivement du « bio ». Plus la demande augmente, plus on trouve de solution pour produire, dans des pays où la main d’œuvre est bon marché et les contraintes législatives en matière de droit du travail inexistantes… Des filières universitaires ont été créées, avec de superbe nom, Sup’bio tech ou encore Agro’bio tech, formant les futurs cadres de la bio industrielle.
Et pour couronner le tout, comme les contraintes européennes en matière de labellisation des produits bios étaient trop contraignantes, on les a revues à la baisse !
Nous sommes donc passé à la « bio industrielle », un oxymore insupportable ! Car si acheter des produits bios constitue un acte de consommation responsable, en termes de Santé et de plaisir (testez la différence de goût entre une tomate produite dans les serres d’Alméria et celle du jardin de votre voisin), cautionner un système qui trimballe les produits d’un bout de la planète à l’autre, standardise et uniformise à outrance, au mépris de l’être humain et de l’environnement est une aberration. Et c’est malheureusement ce que fait aujourd’hui la bio industrielle.
Achetez vos produits à des producteurs locaux, dans la mesure du possible. Les prix sont souvent inférieurs à ceux constatés dans les grandes surfaces. Privilégiez les AMAP ou groupez-vous pour monter un groupement d’achat s’il n’en existe pas près de chez vous. Et si vous ne le pouvez pas, rendez-vous plutôt dans les magasins bios, en apportant une attention toute particulière à la lecture des étiquettes et à la provenance des produits…
Je vous engage à consulter le dossier très complet sur ce sujet, mis en ligne par l’association du Cercle de Gindou, qui comprend une émission diffusée sur France Culture, « Les dérives de la bio », le dossier de la revue Silence « Sortir de la bio industrielle : une urgence sociale » et bien d’autres choses encore.
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