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Accueil du site > Actualités > Environnement > Les enjeux de la dette écologique

Les enjeux de la dette écologique

Bien qu’il y ait un consensus quasiment général sur le principe qu’il existe une dette écologique, il n’en existe pas de définition univoque. Le « qui doit à qui et pourquoi ? » est l’élément complexe, bien plus que le concept lui-même. A ce moment de la réflexion, surgit le problème de rassembler un ensemble d’outils adéquats pour mesurer les impacts « physiques » de cette dette. Dans un second temps, il faut donner une valeur monétaire à ce qui peut être chiffré en évitant de le faire pour ce qui éthiquement ne doit pas l’être. Par exemple : l’extraction minière est chiffrable pour les quantités de minéraux accaparés, tandis qu’il serait aberrant de donner une valeur financière aux morts liés aux conditions extrêmes de cette extraction. Même si cette exploitation humaine est une part de la dette écologique (dans le sens ou les dettes sociales et historiques sont inclues dans le concept de écologique, l’humain étant inclus dans la nature [1]).

 
 
Un concept en cours d’élaboration
 
Le rapport final sur l’élaboration du concept de dette écologique du Centre pour le développement soutenable de l’Université de Ghent [1] propose l’utilisation d’un cadre de travail appelé DPSIR pour le calcul des différents indicateurs dont il faut tenir compte dans cette analyse. D’une part les dégâts écologiques, de l’autre la partie de la dette représentant ce qui a été "utilisé au détriment de". Un concept pertinent puisqu’il fait référence aux populations lésées d’un point de vue tant spatial que temporel.

Par exemple, la gabegie de pétrole utilisé au détriment de, couvre donc autant les pays en développement que les générations futures privées de cette ressource épuisable [2]. Ce double concept (de solidarité et de durée) se retrouve dans le terme soutenable proposé dans le rapport Brundtland [3] (« sustainable » en anglais, devenu à tord « durable » dans sa traduction francophone).

De plus, bien au delà d’un simpliste clivage Nord (industrialisé) / Sud (en développement), il est important de mettre en évidence les clivages existant au cœur même des sociétés. En effet, peut-on réclamer une même dette écologique, à un ouvrier du Nord et au PDG de la multinationale qui l’emploie ? A une militante altermondialiste, végétarienne et cycliste européenne et à un président africain au service de Wall Street et des Institutions financières internationales (IFI’s) ? Poser précisément la question c’est ouvrir des voies nouvelles pour ré-envisager les relations Sud-Nord, revoir les rapports que nous entretenons à l’autorité, imaginer à nouveau les types de développements solidaires que nous pouvons envisager en terme de justice sociale, d’éthique et de droits de la nature.

La partie historique de cette dette a été principalement contractée par les pays industrialisés en termes de dommages infligés aux autres pays où à l’ensemble de la biosphère depuis les pillages sans concession des ressources naturelles et humaines de Christophe Colomb à maintenant. Et se perpétuant de plus belle. La destruction de la nature et des communautés humaines, plutôt que de se réduire en regard de ce qu’on appelle progrès, s’est accélérée au cours des dernières décennies. L’inconsciente puérilité du néo-libéralisme engendre toujours plus d’extractions, de nuisances chimiques, de déplacement de populations, d’accaparement de terres pour toujours plus de monocultures, de réduction de la biodiversité. A un point tel que nous sommes, pour de nombreux scientifiques du vivant, à l’aube de la sixième extinction massive des espèces [4]
...

Voyant que l’avidité n’avait pas de limite, la croissance pas de buts réellement défendables et que les dégâts écologiques s’accumulaient, des ONG écologistes du Sud ont élaboré l’idée de dette écologique... et l’ont opposé à la dette du tiers monde.

Dette du Tiers Monde ?

Les nantis du Nord sont les principaux débiteurs de la dette écologique. Ils sont aussi les principaux responsables de la pauvreté des pays en développement (PED). Nous ne résistons pas ici à vous proposer un extrait du livre "la grande désillusion" de Joseph Stiglitz [5] :

"La responsabilité morale des créanciers est particulièrement nette dans le cas des prêts de la guerre froide. Quand le FMI prêtait de l’argent à Mobutu, le célèbre président du Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo), ils savaient (ou auraient dû savoir) que ces sommes, pour l’essentiel, ne serviraient pas à aider les pauvres de ce pays mais à enrichir Mobutu. On payait ce dirigeant corrompu pour qu’il maintienne son pays fermement aligné sur l’Occident. Beaucoup estiment injuste que les contribuables des pays qui se trouvaient dans cette situation soient tenus de rembourser les prêts consentis à des gouvernants corrompus qui ne les représentaient pas"

Dans le cadre de la dette du Congo, comme dans de très nombreux autres cas de dictatures [6] une majorité des prêts consentis par les IFI’s n’ont pas servi aux populations. Une part de la dette est issue de la colonisation belge et a donc quasiment intégralement servi à enrichir la métropole et les colons. Lorsque l’heure de l’indépendance a sonné, les colons se sont sauvés en laissant le pire poison qu’il était possible de laisser, après la destruction des sociétés indigènes et de la nature : la dette.

Levier hypertrophié qui a permis de prolonger le pillage des ressources du Sud depuis les bureaux feutrés et climatisés de Washington et d’Europe, et passer ainsi d’une domination coloniale à une domination financière, plus perfide et tout aussi meurtrière.

L’annulation pure et simple de la dette du Tiers Monde tant pour des raisons historiques qu’écologiques est dès lors le premier pas nécessaire sur le chemin des réparations.
Responsabilités et réparations

Si chercher à affiner les calculs afin d’être le plus exhaustif possible en regard du bon sens est une démarche empreinte de justice, il est néanmoins nécessaire de commencer sans plus attendre à diffuser largement le concept de dette écologique vers les populations et le personnel politique.

Le Nord, en plus d’annuler la dette du tiers monde, doit commencer un transfert systématique et gratuit des technologies propres, nécessaires et adéquates pour permettre le développement soutenable de l’ensemble de l’humanité. Loin des hypocrites objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et de l’aide publique au développement (APD), une collaboration sans conditionnalités doit émerger devant l’urgence écologique. La compétition (n’étant strictement pas l’ordre naturel des choses [7]) tant prônée par les disciples du désastre actuel, doit disparaître et (re)faire place à l’entraide internationale non marchande, facteur prépondérant de l’évolution des espèces.

Il est indispensable de cesser aujourd’hui le gaspillage des ressources et les productions industrielles polluantes qui ne font qu’augmenter l’accumulation des dettes écologiques futures.

Il faut donc un mouvement mondial et radical des peuples pour la survie des espèces.
 

[1] A découvrir ici : http://www.ecologicaldebt.org/What-is-Ecological-Debt/Elaboration-of-the-concept-of-ecological-debt.html

[2] Pour info, le géant BP a, comme réserves prouvées, 18 Mds de barils. Nous consommons à l’heure actuelle 82 millions de barils/jour. Une simple règle de trois nous permet donc de conclure que BP a théoriquement de quoi subvenir à 219 jours de consommation mondiale. Moins d’un an... Quand on sait que le taux de récupération moyen (c’est à dire ce que l’on va pouvoir réellement extraire) d’un gisement de pétrole est de 30%, on voit plus clairement arriver le célèbre pic pétrolier de Hubbert.

[3] Le Rapport Brundtland a été publié en 1987 par la commission mondiale sur l’environnement et le développement. C’est là qu’apparu pour la première fois le terme de développement soutenable devenu durable. On pourra reprocher à ce document de concevoir l’écologie sous l’angle de la croissance économique. http://www.wikilivres.info/wiki/Rapport_Brundtland

[4] Michel Loreau : « Une extinction massive des espèces est annoncée pour le XXIe siècle » http://www.portaledibioetica.it/documenti/003260/003260.htm

[5] Joseph Stiglitz est Prix Nobel d’économie et ancien économiste en chef de la banque mondiale...

[6] Pas moins de 37 répertoriés dans "Les chiffres de la dette 2009" tiré à part du CADTM- éditions du Cerisier

[7] Lire absolument Marshall Sahlins (professeur honoraire d’anthropologie à l’université de Chicago) dans : « La nature humaine : une illusion occidentale » http://www.lyber-eclat.net/lyber/sahlins/nature1.html


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14 réactions à cet article    


  • silversamourai silversamourai 23 juillet 2010 12:12

    @ pasou ,

    « 2 bras, 2 jambes et une cervelle » !

    Vous avez une bien piètre conception de vous-même !


    • Vladivostok 1919 Vladivostok 1919 23 juillet 2010 13:05

      Pasou semble n’être une bien piètre conception, c’est tout.


    • silversamourai silversamourai 23 juillet 2010 19:32

      Je pensais au libre-arbitre....et je m’aperçois où vous le situez...


    • Vladivostok 1919 Vladivostok 1919 23 juillet 2010 12:52

      @Pasou :

      « il faut donc peut-être se demander si toutes les cervelles se valent. »

      Très bonne question.... En l’occurence savoir si tout ces représentant de la droite « décomplexée » (se sentant des ailes depuis qu’Eric Zemmour est devenu une star) ont bien un lobe temporal.. A la lecture de votre commentaire, j’en doute.

      "Le nord est créatif, inventif, le sud ne l’est pas et vit encore en de nombreux endroits comme nos ancêtres il y a plus de 10000 ans.« 
      La encore vous avez raison... Précison que si le sud est en retard, c’est généralement après avoir été dévasté par un nord si inventif sur le plan militaire, et n’ayant jamais eu aucun scrupule à asservir des peuples à la peau noire ou marron..
      L’Afrique avait les sociétés parmi les plus structurés et les plus florissante avant l’esclavage..
      Les temples d’Angkor rendent derisoire tout Vatican ou Château de Versailles.. Les gens qui y vivaient atteignaient 70, 80 ans sans problème, pour plus d’1 mètre 70, au 12eme siècle, quand l’européen à la même époque avait une taille de gosse, et vivait moitié moins longtemps.
      Les systèmes agricoles les plus productifs et efficaces ont été inventé en Indonésie, Vietnam, Pérou, Mexique, quand l’Européen grâce à sa force d’occupation si inventive n’a fait que détruire tous ces savoirs.
      Vous croyez vraiment que si les USA arrivent à sucer 25% du pétrole mondiale au zone les plus pauvre de la planète, pour moins de 5% de la population, c’est parcequ’ils sont si si futé ??? C’est grâce à leur force militaire, à leur agence de destruction politiques, la CIA, et à leur maitrise de la propagande médiatique.
      Vous êtes passablement inculte, ethnocentrique, raciste.. une vraie plaie de nos sociétés malades et dégénérées.

      @ l’auteur

      le concept d’énergie grise, pas encore très répandu dans le débat français, mais très fréquemment abordé ailleurs sous l’appellation  »embodied energy" semble le plus judicieux pour orienter cette réflexion.
      Le but étant de comptabiliser toutes les externalités, de manière à décider du prix le plus juste au final.
      C’est à ce prix que la mondialisation ne sera plus une colonisation relookée.. Pas sur que l’occident et les neuneux de base du genre Pasou y tiennent vraiment.
       


      • Vladivostok 1919 Vladivostok 1919 23 juillet 2010 15:45

        héhéhé.. ben si ton pote le dis, c’est que ça doit être vrai !!
        ha, mais j’entend un autre spécilaiste très cultivé qui viens remettre ton mon raisonnement à plat..
        http://www.youtube.com/watch?v=2P_LkrvuJ2w

        Bref, dans mon invitation à vous cultiver, j’aurais du préciser.. ouvrir un bouquin d’histoire.
        Vous me rappelez ces vieux légionnaires, au bar de Siem Rep, qui l’an dernier déclarait haut et fort que le Cambodge était encore français..
        Arrff Arff Arfff


      • Eric De Ruest Eric De Ruest 23 juillet 2010 16:10

        Encore et toujours remettre l’ouvrage sur le métier...

        • "blabla...Il est de plus démontré que la colonisation a couté des points de croissance à la France (et probablement à d’autres pays colonisateurs) puisque c’est la France qui a construit les hopitaux, les dipensaires, les routes, les chemin de fer etc...blabla"
        Hopitaux ? des esclaves en bonne santé, c’est important !
        Routes ? sortir les matières premières de l’arrière pays
        Train ? conduire les matière premières vers ;
        Vous avez oublié Ports : export des matières premières pillées.
        Vous avez aussi oublié écoles (primaires) : une main d’oeuvre qualifiée un minimum c’est mieux.

        Toujours le même discours de veaux ignares, incultes et haineux.
        La préhistoire quoi !


      • Eric De Ruest Eric De Ruest 23 juillet 2010 16:39

        Passou c’est :

        2443 commentaires haineux...
        0 articles écrits...

        Whooo en voilà un qui a trouvé son terrain de jeu pour épancher sa haine ordinaire chronique...


      • Walden Walden 23 juillet 2010 13:07

        L’article est intéressant par le problème qu’il soulève, mais il n’est pas certain que le concept de dette soit vraiment approprié pour qualifier le désastre environnemental issu de la surconsommation des pays riches. Il s’agit d’une analyse économiste qui reprend la grille de lecture issue de la gestion d’entreprise, système d’interprétention que l’on cherche abusivement à appliquer de manière hégémonique à l’ensemble des rapports sociaux - non sans ambition idéologiquement totalitaire de la part des fourbisseurs de théorie économiste.

        Or c’est implicitement admettre le bien fondé du système économique actuel que de poser les choses en ces termes. Classiquement, une dette est contractée par un emprunt. Mais peut-on dire qu’à l’occasion de la colonisation des nations ont « emprunté » à d’autres les ressources naturelles qu’elles ont exploité ? Et qui reste débiteur de quoi dès lors que, comme il est justement observé, la domination financière a désormais succédé à la colonisation ?

        Ce qui aujourd’hui doit être mis en question, c’est le principe même que des ressources naturelles, qui n’appartiennent par nature à personne et pourraient bénéficier à tous, qui constituent un patrimoine commun relevant de l’intérêt général, puissent être accaparés par des intérêts privés. C’est donc plus largement le paradigme selon lequel le bien commun puisse être aliéné par des entreprises privées, qui plus est irresponsables de leur gestion (comme on le voit avec la pollution du Golfe du Mexique), mettant gravement en péril l’équilibre écologique, qu’il convient à présent d’abroger. 

        Au delà de ces objections, je rejoins les conclusions de l’auteur sur la nécessité, d’une part d’annuler la dette du tiers-monde, mais pour des raisons simplement politiques, parce qu’elle constitue un racket immoral opéré par les banques occidentales sur des états financièrement vulnérables ; d’autre part de commencer un transfert systématique et gratuit des technologies propres, non pas pour des raisons de devoir de réparation, qui trouveront toujours des contempteurs du complexe de culpabilité occidental, mais au nom d’une indispensable solidarité humaine, pour préserver ce qui peut l’être encore de notre écosystème global, phénomène naturel au regard duquel les frontières nationales comme les titres de propriété ne recouvrent aucune espèce de réalité.


        • Eric De Ruest Eric De Ruest 23 juillet 2010 16:28

          Bonjour Walden, comment va la vie dans les bois ?

          Je comprends votre point de vue que je rejoins sur certains points, mais j’aimerai vous proposer la définition de la dette proposée par wikipédia :

          • Une situation de dette est donc une situation sociale dans laquelle une personne ou un groupe de personnes, ayant reçu quelque chose d’une autre personne ou d’un autre groupe de personnes, a l’obligation ou le sentiment d’obligation de rendre quelque chose de même valeur. Dans la mesure où la notion d’égalité de valeur est subjective, le sentiment de dette est aussi subjectif.

          Cette idée de dette est bien plus ancienne que le système (n)éc(r)onomique actuel. D’ailleurs, je fais explicitement mention à la notion de dette sociale et historique réclamée par de nombreuses populations et associations du Sud.

          Plus dinfos ? http://www.cadtm.org/Dette-ecologique


        • joletaxi 23 juillet 2010 17:03

          Bienvenue à BoBoland...




          • Eric De Ruest Eric De Ruest 23 juillet 2010 17:48

            Joletaxi

            445 commentaires (de cette trempe vacuitique...)
            0 article

            Autant dire : Rien

             


          • joletaxi 23 juillet 2010 18:22

            Aussi nul et sans intérêt que vos incessantes fariboles bien-pensantes qui confrontées à la réalité sont d’un vacuité sans fond


          • Eric De Ruest Eric De Ruest 23 juillet 2010 18:29

            Prétendre à définir la réalité pour l’ensemble de l’humanité...
            Quelle suffisance aurait dit M. Pierre...
            Quelle vacuité me dois-je de répéter...
            Ethnocentrisme et narcissisme.

            Écrivez seulement UN article que nous puissions admirer votre immense sens du réel et du vrai.
            Je sens que nous toucherons au sublime....


          • silversamourai silversamourai 23 juillet 2010 20:58

            Bonjour Eric,

            très bon article qui reprend l’exploitation du filon , que je commençais à croire abandonné,
            qui a produit les travaux du Club de Rome et en France le périodique La Gueule Ouverte.

            Si je peut me permettre un bémol :
            en appeler au mouvement des peuples m’effraie un peu, me souvenant des désastres causés,
            au siècle précédant , par ces mouvements....

            Il est vrai que l’appel lancé, il y plusieurs millénaires, à la responsabilité des personnes a
            été perverti par différents courants prédateurs :
            L’age venant, une interprétation attentive et laïque de Genèse 1 et 2 m’ a fait découvrir
            qu’une conception écologique féconde(c’est mon jugement de votre analyse) est le socle
            d’un questionnement éthique vertueux.

            Les idéaux libertaires sont à brandir haut et fort par les bras et les esprits vigoureux
            d’une nouvelle génération !!!

              

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