Les moutons marocains mangent une montagne patrimoine de l’humanité
Plus de 100 millions d’herbivores « comestibles » (moutons, chèvres, vaches, dromadaires…) ravagent les sols et les écosystèmes du Maroc, avec, semble-t-il, la bénédiction des autorités et des gestionnaires. L’entièreté du pays, par ailleurs plus fragile que d’autres puisque de nature semi-aride en majorité, est l’objet d’un véritable « dépeçage » de ses paysages et de son Vivant par la pression d’un surpâturage à nul autre pareil. On le sait, on le répète, mais c’est pire chaque saison.
Un exemple parmi d’autres est celui que vient de vivre le magnifique Djebel Ayachi qui culmine à 3757 m dans le Haut Atlas oriental. Au fil de ces dernières années, le massif a perdu la totalité de sa couverture végétale et ne montre plus qu’un sol dénudé, scalpé, squelettique. Effrayant, effarant, irréversible.
Les derniers lambeaux de la précieuse cédraie sont moribonds, les genévriers thurifères vétérans sont écimés jusqu’au trognon, la chênaie verte est ravagée, décapitée, abroutie, l’ancien cortège botanique si riche et varié n’est plus, c’est tout le paysage qui dépérit à force d’abus d’usage. Le sol désormais pulvérulent, où plus rien ne pousse et ne poussera plus jamais part en poussière au moindre vent ou se retrouve dramatiquement lessivé lors des pluies.
Voici ce qu’il reste d’un manteau forestier que le premier découvreur, le Marquis de Segonzac, décrivait comme luxuriant et infranchissable en 1905, soit à peine plus d’un siècle !
Quant à la faune climacique (lion, panthère, magot, mouflon, gazelle et même antilope bubale !!) et la faunule endémique (innombrables papillons à valeur biopatrimoniale), il ne reste rien. Toutes les espèces sauvages ont été décimées, victimes de la destruction de leur niche écologique, d’éviction, quand ce n’est pas de persécution imbécile et impitoyable.
Tous sont responsables, du berger au garde forestier, mais sont surtout coupables les propriétaires absents, ces impérieux bourgeois des grandes villes qui confient des effectifs surnuméraires de moutons (oviculture de rente) à des bergers locaux et dont ils profitent des droits séculiers d’usage normalement limités à la charge modeste de troupeaux familiaux. De tels droits devraient être caduques s’ils ne profitaient pas, et ce sans la moindre traçabilité, à des gens bien placés pour réaliser de gros bénéfices sur le dos de la misère et de l’ignorance, et au détriment de ressources légitimes.
Et les pseudo reboisements, les soi-disant périmètres en défens ne sont que des effets d’annonce. L’intitulé de l’administration en charge d’écosystèmes qui ne sont plus que des fabriques de moutons est à revoir : Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à... « la lutte contre la désertification » ne correspond absolument plus à l’objectif qui se révèle inverse à la promesse. Et ce n'est pas la faute de cette administration si le challenge est maintenant perdu d'avance puisqu'elle rencontre une adversité tous azimuts dans ses velléités d'inverser les tendances. Souvenons-nous qu'il n'y a pas si longtemps, le dit intitulé portait encore la formule prometteuse de « conservation des sols »... De quels sols parlent-on désormais ? Il fallut renoncer et se résigner, les sols ne seront pas conservés, ils sont biologiquement morts, on fera ce qu'on peut avec une désertification admise et qui ne semble inquiéter que quelques hurluberlus dans mon genre. Si tel est le désir d'une société qui découvre une démocratie... qui aurait pour finalité de ronger l'avenir, soit ! D'autres pays ont vécu cela, on ne s'inquiète même plus des biocénoses disparues depuis si longtemps dans nos vieilles démocraties européennes démagogues et sans vergogne...
C'est décevant, mais c'est ainsi.
Et pour parler de cette montagne de l’Ayachi, qui sont ces éleveurs de la tribu des Aït-Morrhad qui ont investi la contrée pour en détruire les espaces et les espèces ? Il s’agit de piètres dévastateurs, par ailleurs connus pour leur immense cruauté envers les animaux. De quel laxisme profitent-ils pour pouvoir ainsi se comporter en hors-la-loi ? Sont-ils, eux-aussi, de ces monothéistes qui font des enfants pour les déposséder, les déshériter, leur dérober tout avenir ? Ou s'agit-il tout prosaïquement de pauvres idiots munis d'un droit de vote comportant un blanc-seing porteur de néantisation ?
Ah ! la viande, la viande, la viande… ! Mangez-en donc tous les jours, encore et encore, jusqu’à en crever vous-même et déposséder les générations futures du moindre reste de Nature ! La Nature, quoi qu’en pensent les imbéciles, n’est pas une ressource renouvelable. Seuls les végétariens, voire les végétaliens peuvent désormais se regarder dans l'eau plus trop claire des derniers lacs en voie d’assèchement. Je tente d'en faire autant, mais le reflet me renvoie encore l'image d'un ex-viandard dont j'ai grande honte. Un peu d'efforts, Monsieur, vous n'êtes pas zoophage, il y a des fruits (pesticidés) dans la Vallée du Souss !
Protéger la Nature passe par la colère, par une « bienveillante » dictature (un peu comme le code de la route, non ?) et un certain végétarisme. Pour ne pas demander plus et respecter cette liberté de nuire, de détruire, si chère au vilain cœur de l’homme inhumain. Mais à l’heure d’un écologisme de pacotille parce qu’électoraliste, bonne conscience d’un système corrompu, on ne sait plus rien de l’écologie. Nous vivons dans inconscience. Pour le fric, le fric, le fric, le fric, LE FRIC !!
Il existe, sur les routes des Atlas, quelques auberges aux enseignes évocatrices d’un paradis perdu : « Auberge du dernier lion de l’Atlas », « …de la dernière panthère », « …du dernier singe magot ». Annoncera-t-on les prochaines ouvertures de gîtes ruraux (c’est tendance…) aux appellations probabilistes : « …du dernier cèdre », « …du dernier mouton », « …du dernier touriste », « …du dernier con », « …du dernier homme » !!
Ce texte, déjà désespéré, remonte à plus d’une dizaine d'années. Des derniers indices de vies végétales et animales rapportés, il ne reste maintenant plus rien. Pour être prophète, il suffit d'être pessimiste. Alors, je suis prophète en la matière et, grosso modo, tout doit disparaître, tout va disparaître, l'Ayachi et les autres. Vous voulez des parkings d'hypermarchés, vous aurez des parkings d'hypermarchés.
Addenda : Extrait de mes Carnets de voyages naturalistes au Maroc à propos de la montagne perdue
Le Djebel Ayachi : des neiges aux frontières de l’Aride
Sur la route de Sijilmassa
A l’extrémité nord-orientale des 800 km de la dorsale du Haut Atlas, se dresse la formation calcaire du Mont Ayachi (3747 m), appelé Ari-n-Ayachi (« la hauteur isolée »), dont la beauté des sites paysagers lui confère une indéniable valeur patrimoniale. Un peu plus à l’ouest, le Djebel Masker (3277) lui donne la réplique par une grande similitude géomorphologique et écosystémique, et une durée d’enneigement similaire. C’est durant de longs mois l’ultime barrière nivale du Grand Sud où les sommets immaculés de blanc resplendissent sous l’azur d’un ciel déjà saharien.
L’Ayachi est ainsi le dernier grand relief en proue au-dessus de l’aride vallée du Ziz, dernier havre de fraîcheur aux portes du Tafilalt, de ses palmeraies langoureuses et de la brûlante steppe désertique. Ces montagnes, visibles de loin, servirent longtemps de repère au trafic caravanier en provenance de Sijilmassa (port nord saharien du Tafilalt médiéval) et se dirigeant vers Fès. Les caravanes, chargées de richesses de la route de l’or transsaharienne provenant du Soudan (l’actuel Mali), en redoutaient l’approche car s’y réfugiaient des tribus rebelles. Midelt est la « capitale » du Pays Aït-Ayache, Boumia et Tounfite en sont les plus gros bourgs.
La notoriété touristique de cette montagne est, de longue date, essentiellement due à son célèbre Cirque de Jaffar. Mais la région comporte un immense potentiel de sites d’intérêts dans les domaines des ressources tant naturelles que socio-culturelles. Une meilleure gestion écotouristique de ces valeurs encore dédaignées pourrait assurer le développement qui manque à cette zone, toujours traversée trop rapidement par un tourisme hâtif d’atteindre le « désert et la Mésopotamie » de la région d’Erfoud, promis par les stéréotypes des catalogues. Au lieu d’une intelligente promotion, les richesses de cet extrême du Haut Atlas oriental sont galvaudées.
Un patrimoine qui dort, méconnu, ou pire fossilisé et anéanti, n’est plus un patrimoine.
Ce secteur élevé du Haut Atlas nord-oriental s’avère être d’une forte promiscuité avec le Moyen Atlas, l’écotone se réduisant à quelques cinquante kilomètres entre le versant nord de l’Ayachi et le ressaut méridional du Moyen Atlas central, seulement séparés par le Plateau de l’Arid et la haute vallée de la Moulouya. Tout en conservant des espèces (notamment végétales et entomologiques) propres à l’ensemble de la chaîne du Haut Atlas, dont certaines transfuges du Djebel Toubkal et ici relictuelles en niches exiguës, l’essentiel de la biocénose tient manifestement compte du Moyen Atlas voisin. Les manifestations subspécifiques de l’Ayachi respectent ce modèle et les sous-espèces illustrées ici le sont le plus souvent en résonance avec celles de ce Moyen Atlas dont l’héritage est évident. Le Plateau de l’Arid et la dépression de la Moulouya n’apparaissent donc pas actuellement comme des obstacles susceptibles d’exclusion. Mais l’Ayachi est aussi un front géonémique radical pour un grand nombre d’entités paléarctiques, incapables d’affronter les âpres conditions subsahariennes. Et l’inverse. Passer du monde de la cédraie du versant nord à l’univers aride du versant sud, c’est pour le voyageur comme changer de continent. Cet écotone se caractérise ainsi par un peuplement prenant parfaitement en compte toutes les influences floristiques et faunistiques alentours, mais aussi par l’interface d’une limite commune à deux systèmes nord-sud qu’induit sa situation frontalière.
L’Ayachi aurait été connu des Romains... Durant le Ier siècle, au sud de leur empire, en Afrique occidentale, les armées romaines progressèrent de façon notable au cours d’une poursuite contre les Maures. C’est ainsi que sous Tibère, Cornelius Balbus mène une expédition contre les Garamantes, citée par Pline, et il parcourt à peu près 1300 km. Célèbres pour leur cavalerie, les Garamantes, peut-être les ancêtres des actuels Touareg, étaient un peuple nomade de la Libye intérieure et qui servirent déjà deux siècles av. J.-C dans l'armée d'Hannibal. Les textes mêlent à cette campagne celle suivante de Suétonius Paulinus, qui a décrit la flore de l’Atlas et son sommet enneigé qui, selon les historiens, devait être ceux du Djebel Ayachi. « Suétonius Paulinus a mis la dernière main aux connaissances sur ce sujet, lui qui, le premier et presque le seul, a porté au-delà de l’Atlas les étendards romains. » Plus près de nous, la relation d’un voyage du Marquis René de Segonzac en Haute Moulouya (1899-1901) donne une idée du pays idyllique que pouvait représenter ce massif présentement en processus de désertification.
Une montagne très contrastée
Le versant nord du Haut Atlas oriental s’associe au proche château d’eau du Moyen Atlas en donnant naissance aux grands affluents de l’Oum-er-Rbiâ et notamment aux oueds déversant dans la Moulouya pour ce qui concerne le massif de l’Ayachi. En rebord du Plateau de l’Arid, en appartenance avec l’étage mésoméditerranéen semi-aride, le piémont nord est largement habillé de cette steppe de buissons ligneux blancs argentés qui est celle de l’Armoise blanche (Artemisia herba-alba), mais surtout d’immenses nappes alfatières (Stipa tenacissima), très puissantes par places et infiltrées de planches de Sparte (Lygeum spartum). S’y mêlent des taxons particuliers aux pâturages argileux subdésertiques comme Peganum harmala (harmal), cette Zygophyllacée médicinale traditionnelle de réputation considérable, Hertia maroccana (ziliza), Asteracée endémique, des Résédacées comme Astrocarpus sesamoides (et/ou Randonia africana) et pas mal d’entités saharo-arabes qui se retrouvent ensuite dans toute la Vallée du Ziz. Retama sphaerocarpa y dresse ses buissons inermes en bordure des oueds temporaires, avec Farsetia aegyptiaca et F. hamiltoni, Crucifères spécialisées (chelyat, udl-byed).
C’est le domaine des pasteurs semi-nomades et la nature en porte tous les habituels stigmates. Les crêts sont chétivement boisés de Chênes verts en taillis, de Genévriers et de Thuyas de Barbarie. Le Pin d’Alep se manifeste très localement. En accédant plus haut aux zones bioclimatiques subhumide et humide du supraméditerranéen et du montagnard méditerranéen, s’individualise la forêt à deux strates arborescentes, générée dans le Haut Atlas oriental par de suffisantes précipitations annuelles d’un minimum de 650 mm. Le faciès dominant est celui de la formation à Chêne vert. La chênaie verte fut ici certainement puissante mais, en proie à toutes les pressions usagères possibles, elle ne présente plus qu’une figure en taillis et son recul y est catastrophique. La seconde strate qui la surplombe est mixte Cèdre-Chêne vert. De la cédraie, il ne subsiste que quelques parcelles bénéficiant d’une mise en défends aléatoire et violée avec récidivité par les troupeaux des bergers semi-nomades. Elle offre pourtant et localement quelques bons indices de régénération spontanée. Sur un sol trop érodé, les vétérans s’éteignent les uns après les autres, comme c’est le cas dans tout cet écotone entre les montagnes de Timahdite et celles de Midelt, sous l’emprise d’une désertification galopante. La cédraie mixte de l’Ayachi et ses hauteurs rocheuses à plantes chasmophytiques, abrite encore un remarquable cortège floristique riche en endémiques. On peut prendre connaissance de certains composants de cette phytocénoce en se reportant au chapitre inhérent à cette formation essentielle qu’est la cédraie marocaine.
Citons encore entre chênaie verte et cédraie : Ilex aquifolium (Aquifoliaceae), Centaurea benoistii, Cirsium dyris, Ormenis africana, Phagnalon embergeri (Asteraceae), Berberis hispanica (Berberidaceae), Buxus balearica, B. sempervivens (Buxaceae), Campanula sp. (Campanulaceae), Lonicera arborea, Sambucus nigra (Caprifoliaceae), Silene ayachica (Caryophyllaceae), Astragalus armatus numidicus , A. incanus, A. nemorosus, Coronilla juncea (aux limites du mésoméditerranéen), C. minima, Hedisarum humile, Lotononis tapetiformis (endémique locale), Ononis cristata, Vicia tenuifolia (Fabaceae), Globularia naini (Globulariaceae), Lavandula brevidens, Teucrium mideltense, Teucrium sp., Salvia barrelieri, S. lavandulifolia mesatlantica (Lamiaceae), Avena montana, Piptatherum paradoxum (Poaceae), Ribes alpinum (Saxifragaceae), Viola sp. (Violaceae). Dès le plancher supérieur du montagnard, puis au sein de l’oroméditerranéen extrêmement froid, on rencontre quelques parcelles très dégradées de thuriféraie aux spectres effrayants, puis près du niveau sommital, le plus souvent battu par les vents, se développe la végétation pérenne de la steppe froide et ligneuse à Alyssum spinosum. Quelques pelouses alpines, à base d’hémicryptophytes mésophiles, interviennent en discontinuités avec les éboulis mouvants ou sommitaux.
De grande âpreté et bien contrasté, le versant sud se manifeste dans le bioclimat semi-aride de l’étage mésoméditerranéen. Il alimente l’Oued Ziz, fleuve saharien caractérisé par son cours instable, son débit intermittent, ses crues violentes et la diminution de ses eaux vers l’aval. La configuration est nettement squelettique, avec des façades déchiquetées, des falaises très érodées, au fil d’un continuum d’accès difficile. Aux alentours de 2000 m, quelques Genévriers thurifères, essence assez indifférente à l’exposition, ponctuent cet univers où de vieux Quercus rotundifolia stressés témoignent encore d’une ancienne chênaie verte aux probables futaies, comme très à l’est, sur les revers nord-est du Djebel Ali-ou-Rbeddou. L’essentiel de ces montagnes est l’empire de la steppe à Alfa, investissant des terrains très pentus pour une Graminée habituellement mésétienne. La grande herbe est çà et là relayée par des pans d’Armoise, de Romarin, de Thym et de Buis. Cette monotonie n’est qu’apparente et une discrète biodiversité doit ici beaucoup à l’effet protecteur des grands ravins où, à « l’ombre » tant du vent à l’effet desséchant que des ardeurs solaires, se développent une flore variée d’espèces fines et une faunule très riche et déjà fortement empreinte d’éléments xérophiles saharo-arabiques. Peu après la haute vallée du Ziz et la région de Rich, on pénètre alors dans les divers bioclimats arides des étages thermoméditerranéen et saharien tempéré.
Mammifères en peau de chagrin
La grande faune est en deuil de la Panthère tachetée, ici fréquente jusqu’aux années 50, et dont un dernier représentant donnait encore signe de vie il y a quelques décades dans la région de Tounfite. De maigres indices de présence du Lynx caracal existent encore dans cette même région. Le Renard roux, le Chacal doré et la Genette y sont assez stables et la Loutre est sporadiquement contactée. Le Mouflon à manchettes n’est pas trop difficile à apercevoir tant dans l’Ayachi que plus à l’ouest (Masker, Iouigharacene, Aderdouz, etc.), tandis que la Gazelle de Cuvier, sur le déclin, ne s’y manifeste plus qu’en très petits groupes. Comme partout au Maroc, le Sanglier abonde. Quant au Magot, d’approche très facile dans les forêts du tout proche Moyen Atlas central, il n’est signalé que du bassin de l’Oued Agheddou, très au sud-ouest de l’Ayachi.
Dans les secteurs les plus arides, les anciens vallons d’oueds et les zones à Chénopodiacées des deux versants, les Rongeurs ont pour représentants le Mérione de Shaw (Meriones shawi), le Mérione à queue rouge (Meriones libycus), la Gerbille champêtre (Gerbillus campestris), le Rat de sable diurne (Psammomys obesus), la Grande Gerboise (Jaculus orientalis), et le Goundi d’Afrique du Nord (Ctenodactylus goundi), que viennent compléter chacun dans son type de biotope l’Écureuil de Barbarie (Atlantoxerus getulus), le Lérot (Eliomys quercinus), le Hérisson d’Algérie (Erinaceus algerus), le Rat à trompe (Elephantulus rozeti) et quelques Chiroptères.
Les oiseaux qui y laissent des plumes
Toutes les espèces suivantes de l’avifaune de l’Ayachi sont des nidificatrices résidentes (ou quelque peu erratiques, ou sujets à des mouvements altitudinaux en fonction des conditions hivernales et de l'enneigement éventuel) : Buse féroce (Buteo rufinus cirtensis), Aigle royal (Aquila chrysaetos homeyeri), Aigle de Bonelli (Hieraeetus fasciatus fasciatus), Perdrix gambra (Alectoris barbara barbara), Pigeon colombin (Columba oenas oenas), Pigeon ramier (Columba palumbus palumbus), Chouette hulotte (Strix aluco mauritanica), Pic de Levaillant (Picus vaillantii), Pic épeiche (Dendrocopos major mauritanus), Cochevis de Thekla (Galerida theklae ruficolor), Alouette lulu (Lullula arborea pallida), Alouette hausse-col (Eremophila alpestris atlas), Hirondelle de rochers (Ptyonoprogne rupestris), Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea cinerea), Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes kabylorum), Accenteur alpin (Prunella collaris collaris), Rouge-gorge familier (Erithacus rubecula rubecula), Rouge-queue noir (Phoenicurus ochruros gibraltariensis), Rouge-queue de Moussier (Phoenicurus moussieri), Traquet rieur (Oenanthe leucura syenitica), Monticole bleu (Monticola solitarius solitarius), Grive draine (Turdus viscivorus deichleri), Roitelet triple-bandeau (Regulus ignicapillus balearicus), Mésange noire (Parus ater atlas), Sittelle torchepot (Sitta europaea hispaniensis), Grimpereau des jardins (Certhia brachydactyla mauritanica), Geai des Chênes (Garrulus glandarius minor), Pie bavarde (Pica pica mauritanica), Chocard à bec jaune (Pyrrhocorax graculus graculus), Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax barbarus), Grand Corbeau (Corvus corax tingitanus), Moineau soulcie (Petronia petronia barbara), Bec-croisé des Sapins (Loxia curvirostra poliogyna), Roselin à ailes roses (Rhodopechys sanguinea aliena), Bruant zizi (Emberiza cirlus), Bruant fou (Emberiza cia cia), Bruant striolé (Emberiza striolata sahari).
Ces Oiseaux sont des espèces nidificatrices visiteuses d'été : Aigle botté (Hieraeetus pennatus), Engoulevent d'Europe (Caprimulgus europaeus meridionalis), Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis ruficollis), Hirondelle rousseline (Hirundo daurica rufula), Pipit rousseline (Anthus campestris campestris), Rouge-queue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus phoenicurus), Traquet de Seebohm (Oenanthe oenanthe seebohmi), Monticole de roches (Monticola saxatilis), Fauvette passerinette (Sylvia cantillans inornata), Fauvette orphée (Sylvia hortensis hortensis), Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli bonelli), Gobe-mouches gris (Muscicapa striata striata).
Quant aux Merle à plastron (Turdus torquatus torquatus et Turdus torquatus alpestris), Grive musicienne (Turdus philomelos philomelos), Grive mauvis (Turdus iliacus iliacus), observés dans ce massif, il s’agit d’espèces migratrices et/ou hivernantes européennes strictes.
En septembre, quittant l'auberge de Timnay pour prendre la piste vers l'Ayachi, il m'est arrivé de surprendre une envolée de dizaines de sujets du magnifique Guêpier de Perse.
Qui les cherche les trouve...
Conséquence de la diversité du terrain, la gamme herpétofaunique est très composite. Steppe alfatière, cédraie mixte, xérophytaie, versant humide, versant aride offrent autant de niches aux Reptiles et à quelques Amphibiens, dont on peut citer : Crapaud de Maurétanie (Bufo mauretanicus), Crapaud vert (B. viridis), Rainette méridionale (Hyla meridionalis), Grenouille verte d’Afrique du Nord (Rana saharica), Tortue grecque (ou Tortue mauresque)(Testudo graeca), Émyde lépreuse (Mauremys leprosa), Tarente commune (Tarentola mauritanica), Ptyodactyle d’Oudri (Ptyodactylus oudrii), Caméléon commun (Chamaeleo chamaeleon), Agame de Bibron (Agama impalearis), Lézard ocellé d’Afrique du Nord (Lacerta pater), Lézard du Haut Atlas (Lacerta andreanszkyi), Lézard à lunettes (Scelarcis perspicillata), Lézard hispanique (Podarcis hispanica), Psammodrome algire (Psammodromus algirus), Érémias d’Olivier (Mesalina olivieri), Acanthodactyle commun (Acanthodactylus erythrurus), Acanthodactyle-panthère (A. maculatus), Acanthodactyle rugueux (A. boskianus), Trogonophis jaune (Trogonophis wiegmanni), Couleuvre fer à cheval (Coluber hippocrepis), Couleuvre girondine (Coronella girondica), Couleuvre à capuchon (Macroprotodon cucullatus), Couleuvre vipérine (Natrix maura), Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), Couleuvre de Schokar (Psammophis schokari), Vipère de Maurétanie (Macrovipera mauritanica).
Une nursery de Papillons entre steppe et montagne
Les Papillons diurnes, meilleurs bio-indicateurs du Djebel Ayachi, peuvent être catégorisés en trois groupes d’horizons distincts : les espèces à résonance du Moyen Atlas, qui illustrent parfaitement cet écotone intra-atlasique et qui, pour le Sud-Est marocain, ont cette dorsale comme limite d’expansion méridionale ; celles caractéristiques du Haut Atlas et qui en peuplent l’essentiel des reliefs ; celles enfin venues du sud et qui, sauf exception, ne débordent guère plus au nord.
Dans la gamme des refuges potentiels offerts, chaque espèce est tributaire de la présence de sa plante-hôte et occupe la niche propre aux préférences écologiques du groupe auquel elle appartient. Dans la première catégorie, il convient de ranger : Aporia crataegi, Anthocharis belia, Gonepteryx rhamni, Quercusia quercus, Cigaritis monticola, C. zohra guercifi, Satyrium esculi, Cupido lorquinii, Celastrina argiolus, Glaucopsyche melanops, Plebeius martini, Plebeius martini, Polyommatus atlanticus, Maurus vogelli, Argynnis pandora, A. auresiana, Issoria lathonia, Nymphalis polychloros, Polygonia c-album, Euphydryas desfontainii, Melitaea cinxia, Coenonympha lyllus, C. fettigii, Pyronia bathseba, Melanargia lucasi, M. ines, M. occitanica, Berberia abdelkader, Hipparchia alcyone, H. fidia, H. hansii, Chazara prieuri et quelques autres. Les représentants exclusifs au Haut Atlas ne sont illustrés que par un endémovicariant : Pieris segonzaci, voire aussi par Pseudochazara atlantis si l’on considère comme très partiel son peuplement du Nord marocain. Quant aux Papillons « transfuges du Sud » et ne fréquentant que les secteurs les plus aridifiés du massif, il s’agit de : Papilio saharae, Euchloe falloui, E. charlonia, Colotis evagore et Melitaea deserticola, tous d’origine saharo-arabique.
Quelques autres Rhopalocères, de moindre signification géographique, volent dans l’Ayachi.
On peut imaginer la considérable valeur de ces espèces quand elles s’intègrent à un tel puzzle biogéographique, véritable « gare de triage » de la paléogenèse des peuplements, tout comme la signification de leur présence dans ce laboratoire faunistique de l’axe des migrations nord-sud. Il convient d’être aux aguets de leur moindre recul qui traduirait alors la dégradation de leur habitat et l’extinction de leur plante nourricière. Certains de ces bio-indicateurs sont déjà dans une situation très critique.
(Carnets de voyages naturalistes au Maroc, Michel Tarrier, extrait, 1990-2000).
Michel Tarrier - Écologue, écosophe, essayiste
http://www.facebook.com/micheltarrier
http://www.facebook.com/michel.tarrierecosophie
http://www.facebook.com/groups/ecoresistance/
Derniers ouvrages d'écosophie :
- L'agroterrorisme dans nos assiettes
- Les orphelins de Gaïa
- Dictature verte
- Faire des enfants tue la planète
Derniers ouvrages d'écologie :
- Les Papillons de jour du Maroc
- Un désert plein de vie. Carnets de voyages naturalistes au Maroc saharien
Contact presse : [email protected]
(Article paru initialement sur écopatrie )
87 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON