Les océans acidifiés par le gaz carbonique sont en péril
Révélée l’année dernière et traitée par Science&Vie dans le numéro de juillet 2005, l’information revient à la suite de la publication d’un rapport norvégien sur le thème. Le constat est accablant : l’augmentation du taux de gaz carbonique atmosphérique acidifie (1) l’eau de mer et met en péril l’ensemble de ses écosystèmes.
- Crédit : O. FRIGOUT
Le gaz carbonique, comme tous les gaz atmosphériques, se dissout dans les océans en fonction de sa pression partielle et de sa concentration dans l’eau. En d’autres termes, plus il est présent dans l’air, plus il passe dans l’eau et plus il est concentré dans l’eau, plus il repasse dans l’air. La température des deux milieux joue également un rôle majeur dans ces équilibres entre phases (gazeuses et liquides), ce qui pourrait d’ailleurs participer à un relargage massif de CO2 depuis les océans vers l’atmosphère si la température des océans continue à grimper, le puits à carbone devenant une source. Mais pour le moment, sous l’effet de l’augmentation de sa pression partielle, le gaz carbonique se dissout de plus en plus dans l’océan. Aujourd’hui, 48% du CO2 émis par l’humanité depuis le début de l’ère industrielle a été absorbé et se trouve dans les océans.
Le problème est que ce CO2 dissout interfère (2) dans les processus de calcification qui permettent au phytoplancton, au corail, aux mollusques, et aux échinodermes de construire leur squelette.
- Crédit : O. FRIGOUT
La conséquence est que ces coquilles et squelettes calcaires se forment de plus en plus difficilement et sont susceptibles, si l’acidification continue, d’être attaquées par les protons. Nous avons tous réalisé la fameuse expérience qui nous permet de savoir si nous sommes en présence de calcaire en versant une goutte d’acide chlorhydrique dessus. Le phénomène est le même.
C’est donc toute la chaîne alimentaire dépendant de ces micro-organismes à coquille ou squelette calcaire qui pourrait disparaître à terme. Autant dire que la désertification océanique est en route.
Le réchauffement des océans devrait jouer un rôle car l’augmentation de température contrarie la dissolution des gaz. Tous les aquariophiles le savent, une eau plus chaude est une eau plus pauvre en oxygène comme en gaz carbonique. Mais la libération du CO2 stocké par les masses océaniques n’est pas une bonne nouvelle non plus. Elle ne ferait qu’amplifier l’effet de serre.
Ces nouvelles données alimentent un peu plus la crainte que les rejets de gaz carbonique dont nous sommes collectivement responsables pourraient modifier profondément tous les équilibres de la planète : climatiques, biochimiques, biologiques, écologiques. Entrelacés, ils pourraient tous, en cascade, basculer dans l’inconnu. Un inconnu qui ne garantit nullement un nouvel ordre naturel, mais peut-être un chaos durable impropre à toute forme de vie.
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