Marée noire
Les discours catastrophistes sur les marées noires sont-ils justifiés ?
La marée noire qui frappe les côtes américaines donne lieu à de nombreux commentaires qui révèlent toute l’ambiguïté de notre attitude face aux questions écologiques.
Tout d’abord, il y a cette étrange pratique qui consiste à évaluer en litres par jour le montant des fuites de pétrole. Cela rappelle cette habitude qu’avait un célèbre homme politique français des années 1970 qui aimait, pour impressionner son auditoire, exprimer les grandes fortunes en centimes de francs !
Alors oui, cela fait beaucoup de litres ! 160 000, 800 000 ? On ne sait plus et les chiffres évoluent sans cesse. Mais le litre est-il une unité bien adéquate pour évoquer des grandeurs océanes ? Que penserait-on d’un astronome qui évaluerait la distance des galaxies en millimètres ?
Ce n’est pas être anti-écologique, ni vouloir minimiser les choses que de le rappeler. Utilisons des unités significatives et non pas médiatiques : Pour des rejets dans l’océan, parlons en milliers de tonnes.
La question du bouc émissaire est également passionnante.
Que n’entend-on sur British Petroleum ? De véritables assassins de planète à en croire la majorité des commentaires. Certes, après un accident, on peut toujours montrer que si telle ou telle erreur n’avait pas été commise, la catastrophe eut été évitée et l’exploitant se trouve évidemment le plus souvent à l’origine du problème.
Toutefois, et là bien sûr, sous réserves de ce que montreront les enquêtes, on ne peut s’empêcher de soulever une contradiction.
La sécurité coûte cher et les gains marginaux sont parfois prohibitifs. Or, s’il y a une majorité de gens pour accuser BP on trouve une autre majorité (donc il y a forcément communauté, au moins partielle, de ces deux ensembles) pour hurler au moindre centime de hausse des carburants.
L’humanité ne peut vouloir massivement consommer du pétrole (surtout à moindre coût) et en cas de pollution, en rejeter presque exclusivement la faute sur les exploitants.
Même si cette marée noire s’annonce comme l’une des plus importantes (c’est un réservoir géologique qui se vide et non un simple navire au contenu forcément plus limité), prenons du recul.
Si chaque catastrophe est individuellement évitable, il n’y a rien de surprenant à ce que, dans un monde qui consomme 85 millions de barils de pétrole par jour, soit près de cinq milliards de tonnes par an, il y ait quelques ratés et que plusieurs centaines de milliers ou même quelques millions de tonnes s’échappent du circuit. C’est statistiquement inévitable !
Rassurons-nous, dans quatre ou cinq décennies le problème des marées noires (importantes) sera définitivement réglé faute de combattant. Ce ne sont pas elles qui, à long terme, constituent la plus grave menace pour la biodiversité.
Le pétrole est un produit biodégradable. S’il est aujourd’hui problématique dans le golf du Mexique, dans quelques années tout aura été recyclé par la nature, et ceci d’autant plus rapidement que nous nous trouvons dans une mer chaude où les réactions chimiques sont exacerbées et la vie foisonnante.
Dans un siècle, la situation écologique de la planète ne sera absolument pas différente que nous ayons, d’ici là, connu vingt grandes marées noires ou zéro.
Rappelons aussi, sans malice aucune, que si ce pétrole n’était pas allé salir la mer nous l’aurions brûlé et envoyé polluer l’atmosphère en (presque) toute bonne conscience !
Enfin n’oublions pas que les rejets naturels de pétrole sont nombreux de par le monde et que s’ils sont généralement moins concentrés, ils représentent des quantités significatives, le plus souvent passées sous silence.
Ce n’est pas seulement un jeu intellectuel que de se moquer de ces contradictions. Il y a des conséquences graves à cet aveuglement.
Pendant longtemps on a tant voulu masquer les marées noires, qu’on utilisait des dispersants chimiques qui étaient eux-mêmes aussi polluants, sinon plus, que le pétrole qu’ils étaient censés combattre.
Aujourd’hui encore, on essaye souvent (avec de la craie notamment) de faire couler ce pétrole. Or le faire couler, c’est le précipiter dans des zones froides et sans lumière où le processus de biodégradation sera très fortement ralenti. Ce n’est probablement pas la meilleure solution.
Ces propos constituent une réflexion générale visant à prendre du recul, ils ne nient en aucun cas que localement et temporairement les conséquences soient impressionnantes et graves pour la faune et la flore. Ils n’ignorent pas non plus la peine de ceux qui voient souillé un littoral qu’ils aiment.
Il va de soi également, que la poursuite de forages et d’exploitations en eaux très profondes, sur lesquels il est extrêmement difficile d’intervenir en cas d’accident, n’est pas une pratique à encourager.
Encore une fois, la meilleure prévention ne réside pas dans une avalanche de mesures techniques, mais dans une attitude plus modeste et plus humble envers la planète : Ne consommons pas tout, partout, à toute force.
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