Penly, du feu et des fuites
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Eric Besson n'a pas manqué d’affirmer que la situation est « normalisée » à Penly, qu’il n’y a pas eu de pollution nucléaire, et que tout est sous contrôle, il n’empêche que les citoyens inquiets aimeraient savoir ce qu’il s’est réellement passé le 5 avril 2012.
Rappelons les faits : ce jour là, à 12h20, une alarme incendie s’est déclenchée suivie par « un dégagement de fumée » dans le bâtiment réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Penly, comme on peut le voir sur cette courte vidéo.
La centrale nucléaire Penly, âgée déjà de 20 ans, située à quelques kilomètres de Dieppe, en Seine Maritime, a déjà connu une fuite en 2010, (lien) et c’est sur ce même site qu’est envisagée la construction d’un EPR.
Choix discutable, s’il faut en croire un rédacteur d’Agoravox, (pseudo Buridan) des risques géologiques menaçent cette centrale puisqu’un réseau karstique de galeries souterraines, alimenté par l’eau pluviale, pourrait être déstabilisant pour l’importante masse de béton de cette centrale nucléaire. lien
Mais revenons à l’incendie.
A 13h15, soit presque une heure plus tard, alors que la règlementation veut limiter à 15’ le délai d’intervention, une soixantaine de pompiers, mobilisés avec une vingtaine de véhicules se sont mobilisés pour éteindre les deux départs de feu, mais ce lenteurs en matière d’intervention sont coutumières, (lien) malgré les mesures prises par l’ASN (autorité de sureté nucléaire). lien
En effet, en 2000, l’ASN avait consacré un rapport complet sur le risque incendie, qui serait, d’après elle, insuffisamment pris en compte dans les centrales nucléaires (lien) et 12 ans après, on voit qu’il reste du chemin à faire.
Mais revenons à Penly.
La cause serait « un manque d’huile » provoquant un disfonctionnement d’une pompe du circuit primaire de refroidissement, et entrainant l’arrêt automatique du réacteur. lien
Sur ce lien, une image du schéma de la pompe du circuit primaire.
Ce départ de feu aurait endommagé le joint de l’une des 4 pompes de refroidissement du circuit primaire, provoquant une fuite d’huile, laquelle, comme ont pu le constater les pompiers, et le personnel de la centrale, était en feu. lien
Nous sommes donc devant une évidente contradiction : que le départ de feu soit à l’origine d’une fuite d’huile, suite à la défaillance d’un (ou plusieurs ?) joints, provoquant un problème sur une pompe du circuit primaire de refroidissement, n’explique pas pour autant la raison du feu.
En effet, EDF n’a pu donner aucune explication sur cet incendie, ainsi que l’a constaté Claude Barbay, président de FNE Haute Normandie, et membre de la CLI (commission locale d’information), ajoutant s’inquiéter du fait « qu’on ne sait pas si l’incident est intervenu dans la partie nucléarisée ou autour ».
En fin de soirée du 5 avril, une nouvelle fuite d’eau radioactive était détectée. lien
Evangelia Petit, responsable des relations presse de l’ASN n’a pu indiquer à quel niveau se situait l’incident, précisant qu’elle attendait vendredi une inspection de l’ASN. lien
En tout cas, l’exploitant a assuré qu’il n’y avait pas de blessés, et aucunes conséquences sur l’environnement.
Ce qui n’est pas la vérité, car l’on sait déjà par la voix de Jean Christophe Niel, directeur général de l’ASN, qu’une des 29 personnes qui sont entrées dans le bâtiment réacteur pour éteindre les départs de feu avait été « légèrement brûlée ».
L’ACRO (association pour le contrôle de la radioactivité de l’Ouest) vient de faire des prélèvements à proximité de la centrale a déclaré Yves Blondel, animateur de l’association, regrettant toutefois que l’association ait été empêchée de faire des prélèvements au niveau du parking public de la centrale. lien
Jean Christophe Niel, a signalé que le volume de la fuite était de l’ordre de 2300 litres/heure, et qu’il avait baissé dans la soirée du 5 avril atteignant les 100 litres/heure, ajoutant que de l’eau avait été injectée dans le circuit primaire pour permettre le refroidissement du réacteur. lien
L’eau radioactive qui a fuit aurait été collectée dans un réservoir, et de toute façon, quelques milliers de litres d’eau radioactive qui s’échappent restent relatifs face aux 72 000 milliards de becquerels autorisés par an et déversés dans la Manche. lien
L’évènement a été classé au niveau 1 sur l’échelle INES (échelle qui en compte 7) (échelle internationale des évènements nucléaires).
Cet « incident » a déjà une première répercussion, car à la clôture de la Bourse de Paris, l’action EDF passait à 16,85€, (-2,09%) ce qui représente la plus forte baisse d’un CAC 40 en hausse de 0,19%. lien
Pour comprendre le risque que fait courir une telle fuite à notre environnement, il faut savoir qu’un réacteur qui n’est plus refroidi connait le même risque qu’à Fukushima ou Tchernobyl.
Yannick Rousselet, de Greenpeace, insiste en déclarant : « une fuite de ce circuit, c’est évidemment important » (lien) et demande que soit effectué un contrôle de toutes les pompes du circuit primaire, celle de Penly bien sur, (il y en 4), mais aussi toutes les pompes du même type au niveau national. lien
Le réseau « sortir du nucléaire » à déclaré, dans un communiqué « une fuite du circuit primaire représente une défaillance extrêmement grave » et conteste les « affirmations lénifiantes » d’EDF et de l’ASN. lien
Le réseau a ajouté : « une fuite de liquide du circuit primaire, chargé en radionucléides provenant de l’usure des éléments de combustible, représente une menace potentielle pour l’environnement, ainsi que pour les travailleurs de la centrale, et les pompiers amenés à intervenir sur ce réacteur ». lien
En attendant Laurent Lacroix, directeur délégué de la centrale nucléaire à déclaré : « nous faisons en ce moment un diagnostic de l’état des installations pour établir les causes de cet évènement et pouvoir redémarrer l’installation. Nous sommes en train d’établir les causes de la présence de ces flaques d’huile à cet endroit. Les investigations en cours permettront de déterminer pourquoi elles étaient là et comment elles se sont enflammées ». lien
Vendredi 6 avril, Dominique Minière, directeur du parc nucléaire EDF, a déclaré que le réacteur avait continué a refroidir toute la nuit, et il a assuré : « on ne redémarrera pas avant qu’on ait compris ce qui s’est passé dans le détail ». lien
Le 9 avril, le réacteur est en condition « d’arrêt à froid » et les réparations pourront commencer (lien), la centrale devant être à l’arrêt pendant une dizaine de jour « au maximum », le redémarrage éventuel de la centrale étant soumis à l’autorisation de l’ASN. lien
Est-ce la loi des séries, car le même jour, un incident se produisait à la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-eaux.
Après avoir signalé « qu’un léger dégagement de fumée s’est produit dans un bâtiment administratif vers 13h30 (…) la fumée est sortie d’une grille de ventilation et provenait sans doute d’un ventilateur qui a surchauffé, faisant fondre un peu de plastique » (lien) on apprenait qu’en réalité le réacteur n°2 était arrêté suite « à la défaillance d’un capteur d’eau ». lien
C’est dans cette même centrale que c’est produit l’un des plus graves accidents nucléaire français.
Le 17 octobre 1969, dans le réacteur A1, 5 combustibles sont entrés en fusion, limitant officiellement la pollution aux « frontières du site », la population n’ayant évidemment pas été prévenue, alors que l’accident était classé 4 sur l’échelle INES.
Le réacteur a été mis à l’arrêt pendant un an, et la réparation a couté plus de 3 millions d’euros. lien
Constatant « qu’alors que les pronucléaires nous présentent une technologie high-tech et complètement contrôlée, ces incidents donnent plutôt le sentiment d’une plomberie vétuste », Eva Joly, la candidate écologiste à la présidentielle « attend du gouvernement qu’il garantisse toute la transparence sur les évènements de Penly ». lien
Michelle Rivasi, l’une des fondatrices de la CRIIRAD, et députée européenne, appelle à la vigilance déclarant « le nucléaire, quand il y a un incident, on est toujours très vigilants, car un incident peut conduire à autre chose (…) et il va falloir être hyper vigilants vis-à-vis de cette eau très radioactive ». lien
Sur ce lien, l’avis de Bruno Chareyron, responsable de la Criirad.
En attendant, il n’y a pas qu’en Penly que des fuites se produisent : à Fukushima, elles se multiplient. lien
En effet, le jeudi 5 avril, 12 nouvelles tonnes d’eau radioactive se sont échappées rejoignant pour partie la mer, ainsi que l’a déclaré le porte parole de TEPCO. lien
Mais, comme l’on sait, au Japon, la situation a dépassé en gravité toutes les catastrophes nucléaires que nous avons connues.
L’exploitant va tenter d’ici janvier 2013 de mettre en place une grue géante afin de vider la piscine du réacteur n°4 des 264 tonnes de combustible, sans les exposer à l’air libre, alors que la dite piscine fuit, espérant que rien n’arrivera avant. vidéo
Comme dit mon vieil ami africain : « la gaieté du chien est dans sa queue ».
L’image illustrant l’article provient de « lepetitjournal.com »
Olivier Cabanel
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