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Accueil du site > Actualités > Environnement > Plastiki, sur les traces de l’expédition Sea Dragon ?

Plastiki, sur les traces de l’expédition Sea Dragon ?

C’est en tombant sur un article du San Francisco Chronicle que j’ai pris connaissance de l’expédition Plastiki. Le Plastiki est le nom d’un catamaran de 20 mètres que David de Rothschild, descendant de la branche anglaise de la famille Rothschild, avec cinq autres membres d’équipage naviguera, pour une traversée de l’Océan Pacifique, de San Francisco en Californie jusqu’à Sydney, en Australie. Mais le Plastiki n’est pas un voilier comme un autre...

Sa principale particularité : être fabriqué principalement de bouteilles en plastique recyclées. Toutefois, alors qu’il était prévu initialement de le construire uniquement avec des bouteilles de plastiques recyclées, suite à des problèmes de rigidité, de torsion, il a été décidé de monter une armature squelette sur laquelle viennent se greffer, dans des cloisons prévues à cet effet, des bouteilles en plastique de 2 litres (environ 20 000 en tout), elles-mêmes retenues par des filets. Cette armature est faite d’un mélange de plastique PET renforcé et d’un matériau nouveau, à la pointe de la technologie et mis au point par Comfil, une entreprise danoise. Cependant, la totalité du Plastiski, si l’on met de côté les mâtures, est composée de matériaux recyclés, eux-mêmes recyclables une fois la traversée accomplie.


Modele CAO du Plastiki (Jason Iftakhar/Adventure Ecology)...


Bien que la date de départ soit fixée au 28 Avril 2009, le Plastiki est à l’heure qu’il est toujours au stade actif de développement et de construction, au Pier 31, à San Francisco. Les bouteilles sont fournies par des centres de recyclage locaux mais seulement 20 % de ce qui est amené est sélectionné. En effet, seules les bouteilles translucides sont retenues, pour des raisons esthétiques j’imagine. Il est vrai qu’IWC, la célèbre et mythique manufacture de montres suisse et aussi le principal sponsor de l’expédition verrait d’un mauvais oeil, je pense, son logo appliqué sur un bateau multicolore à l’aspect "trashy".

Ensuite chaque bouteille est nettoyée puis testée et là, le taux de rejet atteint encore 20 %. Enfin, toutes les bouteilles retenues et qui vont donc entrer dans la composition du bateau, sont remplies d’une cuillère de neige carbonique afin de leur donner une pression de 55 psi (livres par pouce carré), soit environ 4 bar.

Un prototype à échelle réduite a bien été réalisé, on peut le voir ici lors d’essais de navigation près d’Alcatraz, ou encore ici, en cale sèche ; malgré cela il est vrai qu’un tel développement au dernier moment pour une telle entreprise peut laisser dubitatif.

David de Rothschild, 30 ans est déjà un aventurier accompli : il est un de nos rares contemporains à avoir atteint et le Pôle Nord et le Pôle Sud. En 2005, il crée Adventure Ecology, une organisation qui communique sur la préservation de l’environnement à travers des aventures. Mais il avoue ne pas avoir le pied marin et même avoir le mal de mer dans une baignoire...

Le Plastiki, si caractéristique et unique, ne sera pas seulement le bateau de l’expédition, mais il servira aussi à véhiculer deux messages, méthaphore de la bouteille à la mer : d’abord faire la promotion de l’usage de matériaux recyclables pour une utilisation a priori inattendue et ensuite sensibiliser à l’existence de la plaque de déchets du Pacifique Nord (Great Pacific Garbage Patch), une zone vaste comme 3 fois la France dans laquelle se trouve emprisonnée, du fait de courants océaniques giratoires, une concentration exceptionnellement élevée de détritus plastiques en suspension, polluant ainsi les eaux entre la Californie et Hawaii.

Dans cette zone la NOAA, l’agence américaine responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère, a mesuré à la surface de 11 sites-échantillons, une concentration de 340 000 pièces par kilomètre carré pour une masse moyenne de 5,1 kg/km². A 10 mètres de profondeur, la concentration diminue de plus de moitié. Elle estime aussi que 80 % des déchets proviennent de sources terrestres, et le reste de bateaux. Le type d’échantillons identifiables et le plus fréquemment rencontrés sont des films plastiques, des fragments de lignes de pêche en polypropylène et des objets divers.


Les différentes étapes du voyage (National Geographic) ;
remarquez sur la carte l’étendue de la
plaque de déchets du Pacifique Nord (Great Pacific Garbage Patch).



Itinéraire et escales prévues : départ, si les délais sont tenus, le 28 Avril 2009 de San Francisco avec passage sous le mythique Golden Gate Bridge. Honolulu, Hawaii  ; les Iles Midway, lieu célèbre de la guerre du Pacifique ; l’atoll de Bikini où se sont déroulés des essais nucléaires américains - Operation Crossroads- en 1946 ; Majuro, capitale de la république des iles Marhsall ; Funafuti, capitale de l’état de Tuvalu, archipel constitué de neuf atolls coralliens qui font partis des iles les plus basses de tout l’Ocean Pacifique et donc sont particulièrement sensibles aux changements du niveau de la mer et aux tempêtes ; Port Vila, capitale de la République de Vanuatu ; Nouméa en Nouvelle-Calédonie et enfin arrivée à Sidney. Distance totale parcourue : 10 000 miles nautiques sur une duree de plus de 100 jours. On le devine sur la carte, les étapes les plus critiques, car situées à "mille milles de toute terre habitée" sont celles qui vont de San Francisco à Honolu, puis de Midway à l’atoll de Bikini.

Quand j’ai pris connaissance de cette expédition j’ai toute de suite fait le parallèle, non pas avec l’expédition du Kon Tiki (partie elle aussi un 28 Avril... 1947), le célèbre radeau de Thor Heyerdahl et auquel, vous l’aurez deviné, le nom Plastiki rend hommage mais avec l’expédition Sea Dragon. J’espère toutefois que cette comparaison ne sera pas de mauvaise augure...

En effet, l’expédition Sea Dragon, montée en 1939 par Richard Halliburton consistait à rallier en jonque Hong Kong à l’exposition universelle qui se déroulait cette année-là à San Francisco. Halliburton, un des plus grands aventuriers du début du XXème siècle, n’en était pas, à 39 ans seulement, à sa première aventure. On peut ainsi citer parmi ses exploits l’ascension du Mont Fujiyama et du Cervin ; le parcours du canal de Panama et la traversée du détroit des Dardanelles tous deux à la nage ; la traversée des Alpes à dos d’éléphant ; ou encore le tour du monde à bord d’un avion biplan, baptisé Tapis Volant, en 1931.

Mais revenons à l’expédition Sea Dragon ; la jonque, construite de toutes pièces précipitamment quelques mois avant le départ s’est révélée, lors de tests préliminaires, mal adaptée à la navigation à cause, entre autres, d’erreurs de conception et de fabrication.


Le Sea Dargon, la jonque de Richard Halliburton,
quelques semaines avant son naufrage en plein Océan Pacifique



Cela n’a pas empêché Halliburton de partir, et après 3 semaines de navigation, le 23 Mars 1939, date de leur dernière transmission radio, la jonque se retrouve en pleine tempête à approximativement 2000km des iles Midway. Malgré des opérations de secours à grande échelle de l’US Navy, Halliburton et tous ses membres d’équipage n’ont jamais été retrouvés. En 1945, soit 6 ans après, quelques morceaux d’épave supposés appartenir à la jonque sans qu’on en ait toutefois les preuves certaines ont été retrouvés échoués sur les côtes de Californie.

Les deux expéditions, Plastiki et Sea Dragon ont, je trouve, bien des points communs : la période de l’année pour entreprendre le voyage, sujette aux tempêtes ; deux aventuriers jeunes et plutôt riches, n’en étant pas à leur coup d’essai mais n’ayant aucune ou peu d’expérience de la navigation ; San Francisco point de départ pour l’une et point d’arrivée pour l’autre ; le côté fabrication des embarcations à la va-vite et au dernier moment ; et traversée du Pacifique comme voyage inaugural.

Espérons bien évidemment que le Plastiki ne subira pas le même destin que le Sea Dragon et je souhaite de tout coeur à David de Rothschild la réussite de son entreprise, exaltante, que je trouve dans la lignée des grands aventures comme celles de Richard Halliburton.

Pour conclure et mettre un peu plus de pression (dans les bouteilles en plastique), un naufrage du Plastiki, en plein Pacifique Nord, outre les conséquences humaines, pourrait paraitre ironique, et allez j’emploie le mot, non pas de manière méchante, mais parce qu’il me parait tout simplement plus juste : ridicule. En effet les milliers de bouteilles qui composent le Plastiki viendraient alors s’ajouter aux quelques millions de celles qui forment la plaque de déchets du Pacifique Nord ; en quelque sorte, une goutte d’eau dans un océan...de plastique.

Liens d’intérêts :

Le site officiel de l’expédition Plastiki, qui sera mis à jour pendant l’expédition.

Le journal de l’expédition.

Chaine officielle Youtube.

Wikipedia, la plaque de déchets du Pacifique Nord (français).

Wikipedia, Great Pacific Garbage Patch (anglais).

Wikipedia, David de Rothschild.

Wikipedia, Richard Halliburton.

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1 réactions à cet article    


  • Cascabel Cascabel 23 mars 2009 23:18

    Il fait rêver votre article. smiley

    Cependant je ne comprends pas l’intérêt de garder les bouteilles entières. Le matériau de celles-ci pouvait être récupéré et transformé sans rie enlever au message écolo.

    Au passage, on fabrique de bonnes polaires à partir de bouteilles en plastique. 
    http://www.ac-grenoble.fr/xmallet/article.php3?id_article=199

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