Pour que la goutte « d’or bleu » ne fasse pas déborder le vase !
Au deuxième Forum mondial de l’eau à La Haye en mars 2000, l’eau a été définie comme un élément « indispensable à la vie et à la santé des hommes et des écosystèmes » et comme « une condition fondamentale au développement des pays ». Depuis ce sommet, huit années se sont écoulées... Alors comment expliquer qu’aujourd’hui encore, plus d’un milliard d’êtres humains n’ont toujours pas accès à l’eau potable ? Où en sont les réserves ?
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- Vous avez dit « réserves en eau potable » ?
Accordons-nous tout d’abord sur le terme ! Contrairement aux autres matières premières, « les ressources en eaux ne sont pas constituées par des stocks, mais par des flux, entretenus par le cycle de l’eau », comme nous le rappelle Jean Margat, vice-président du Plan Bleu.
Le rapport du Centre national de la recherche scientifique évoque que 40 000 km3 d’eau douce s’écoulent chaque année à l’échelle de la planète, soit 5 000 km3 d’eau/an pour chacun des 6 milliards d’individus qui la peuplent ! Sachant que la consommation mondiale moyenne est 3 800 km3/an, les réserves en eau semblent, à première vue, amplement suffisantes !
Cependant, ces ressources sont inégalement réparties dans le monde ! Alors que le Brésil, la Russie, les Etats-Unis, le Canada, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, la Colombie et le Pérou « nagent » dans l’opulence et se partagent 60 % des ressources mondiales d’eau douces, d’autres pays souffrent d’une « pénurie chronique » en eau, et atteignent avec peine le seuil des 1 000 m3 d’eau douce par habitant et par an. C’est le cas de plus de vingt pays, qui s’étendent en triangle, de la Tunisie au Soudan et au Pakistan. Cette situation déplorable s’explique en partie par une répartition différentielle des précipitations selon les pays. Le réchauffement climatique accentue encore plus ces inégalités. Mais elle trouve aussi son origine dans une hausse de la demande moyenne en eau, suite à une démographie galopante, à un essor industriel important et à un développement agricole extensif dans ces pays.
- Pour combattre cette inégalité face à l’accès à l’eau, des solutions massives ont été proposées, mais pas toujours efficaces sur le long terme…
L’enjeu était de développer des infrastructures technologiques, afin de faciliter le transport de l’eau potable vers les habitants. Des efforts ont été réalisés pour détourner l’eau et irriguer des espaces agricoles, transférer de l’eau d’un endroit vers un autre ou créer des barrages pouvant assurer l’alimentation de villes en eau et en électricité. A Los Angeles, par exemple, un aqueduc a été édifié en 1913, afin de transporter les eaux du Colorado jusqu’en Californie, Arizona et Utah. En Libye, un projet de Grande Rivière artificielle a été élaboré en 1983 à partir des sources aquifères du sous-sol désertique afin d’irriguer l’espace agricole et développer l’autosuffisance alimentaire. Ces projets, bien qu’étant avant-gardistes à leurs époques respectives, présentent néanmoins des revers non négligeables. Dans le premier cas, il s’agit de l’assèchement de lacs en Californie, suivi d’une salinisation massive et destructrice. Dans le second cas, l’émergence d’un secteur agroalimentaire à faible valeur ajoutée et non pérenne. Dans les deux cas, les situations mettent en balance d’un côté l’amélioration à court terme des conditions de vie de la population et le développement rapide des pays et, de l’autre côté, les impacts néfastes sur l’environnement et sur l’avenir de ces populations à plus long terme. Ces exemples ne sont pas des cas isolés. En Arabie saoudite, des réserves phréatiques ont été surexploitées si bien que leur épuisement semble à présent très proche…
- A ces problèmes manifestes et récurrents de stratégie de développement à long terme se sont greffés un gaspillage et une pollution inquiétante des ressources en eau mondiales…
L’industrialisation rapide des pays du Sud comme ceux de l’Asie a engendré des catastrophes environnementales de grande ampleur, comme en Egypte actuellement. Ainsi, comme l’indique Khaled Mubarak, spécialiste de l’environnement, « des usines se dressent de toutes parts sans le moindre souci du traitement des déchets ». Ajoutons à cela, le largage par certaines industries des eaux usées en pleine mer, ou la pollution due aux champs pétrolifères, aux pipelines et aux déchets pétroliers nocifs pour la faune et la flore. Sans oublier les bateaux victimes d’accident répandant leur pétrole dans les flots…
- Cette pollution des réserves d’eau douce, véritable catastrophe environnementale, a souvent de lourdes conséquences. Elle touche plus âprement les pays les plus pauvres, pour qui « l’eau potable reste encore un luxe, faute de robinets », comme le souligne Philippe Ortoli, dans Alternatives économiques de mars 2003. Car l’accès à l’eau est avant tout un enjeu financier. L’extraction, le dessalage et l’assainissement de l’eau ont un coût. Des sociétés privées comme Suez-Lyonnaise se sont mises en place afin d’assurer la desserte en eau dans les pays pauvres, devenant ainsi les « seigneurs de l’eau ». Mais ce partenariat public-privé ne suffit pas à financer toutes les infrastructures, et souffre de la dévaluation des monnaies locales. Ainsi, les réseaux d’assainissement de l’eau sont quasi inexistants dans certains pays en voie de développement, faute d’argent. Pour les habitants des bidonvilles, l’eau, quand elle est accessible, reste donc « synonyme de maladie et de mort ». Rappelons tout de même que « l’eau insalubre, colporteuse de choléra, de typhoïde, de diarrhées est la première cause de mortalité dans le monde : entre 5 et 8 millions de décès par an, selon les estimations, dont la moitié d’enfants. » Le Figaro du 19 août 2008 précise aussi que ces catastrophes sanitaires sont aussi amplifiées par les us et coutumes locaux dans les pays du Sud, où les eaux usées des égouts servent aussi aux agriculteurs pour irriguer champs et jardins, faute de mieux…
- Mais tout espoir n’est pas vain ! Car, depuis vingt ans déjà, des rencontres internationales sur l’eau se succèdent, signes d’une prise de conscience collective et politique de l’importance de l’accès à l’eau potable pour tous. La population mondiale grandissant, l’Organisation des Nations unies a fixé à 2025 le seuil d’alerte où les 2/3 de l’humanité devraient se retrouver dans une situation de « stress hydrique » avec moins de 1 700 m3 d’eau douce disponible par habitant et par an. Déjà, dans des pays comme l’Israël, la Syrie et le Liban, des tensions locales pour la quête de l’eau se sont fait sentir en 1967. Il est donc urgent de trouver une stratégie de gestion commune de l’eau, afin d’éviter que celle-ci ne devienne une source de conflits entre les pays. D’où l’importance des Sommets comme celui d’Hokkaido, en juillet 2008, où Ban Ki-Moon a souligné, une fois encore, l’importance de la solidarité internationale envers l’accès à l’eau pour tous, afin que « l’eau potable reste un droit fondamental ». Cependant, si tout le monde s’entend bien sur les objectifs, les décisions qui pourraient mener à un réel changement restent encore parcimonieuses...
La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?
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