Projet « Repcet » ou comment sauver Willy en Méditerranée ?
Peut-être êtes-vous de ceux qui pensent que les grands cétacés ne vivent que dans les vastes étendues océaniques, bien loin de chez nous ? Eh bien c’est perdu ! Et la mer Méditerranée recèle en ce domaine de merveilleuses surprises... mais aussi de grands dangers...
En effet, ce sont quelques 3 500 spécimens de ces géants des mers qui
croiseraient en permanence au large des côtes du pourtour
méditerranéen, essentiellement des rorquals communs mais aussi quelques
centaines de cachalots. Cette densité, bien moindre qu’en milieu
océanique, s’explique du fait que cette mer, quasi fermée, n’est pas
propice au renouvellement des patrimoines génétiques. De plus, la
maturité sexuelle de ces animaux est tardive (7 ans chez le rorqual) et
leur gestation particulièrement longue (11 à 12 mois).
Mais un autre danger les guette car ils ne sont pas les seuls occupants
des lieux et, face à ces géants de chair qui paient chaque année un
lourd tribut, d’autres géants, bien plus gros et bien plus coriaces...
C’est ce dernier aspect qui a décidé Pascal MAYOL, ardent défenseur de la nature et dynamique directeur-fondateur de « Souffleurs d’Ecume
» (Etudes, formations, conservation de l’environnement), à plancher sur
les solutions à mettre en œuvre afin de protéger et sauvegarder ces
populations marines.
La problématique de cet écologue fut de faire converger ce qui, par
nature, diverge. A savoir, la pérennisation des populations des grands
cétacés avec des activités commerciales parfois plus sensibles aux
résultats financiers qu’aux discours de protection de l’environnement.
Fort de sa passion et de sa patience, lentement mais sûrement, Pascal MAYOL
a commencé par observer les problèmes rencontrés par les compagnies
maritimes lors de ces collisions, en chiffrant les coûts de réparations
et les pertes de C.A. associées, en évaluant les risques encourus par
les clients et les personnels de bord et, enfin, en se penchant quant
aux éventuels contrecoups commerciaux défavorables en terme d’image de
marque devant un public sans cesse plus acquis à la cause
environnementale.
Ayant su exprimer les bénéfices que les différents protagonistes pouvaient ainsi tirer à respecter la logique du d’une économie durable, il réussit à les fédérer autour d’une idée originale : organiser et utiliser l’information issue du maillage du flux maritime existant afin d’éviter, à l’avenir, la plus large part de ces accidents de la mer.
Ses tous premiers soutiens lui furent apportés par le Dr Pierre Beaubrun (EPHE) et le commandant Frédéric CAPOULADE, grâce à qui Pascal MAYOL obtint l’autorisation d’embarquer sur les navires de la SNCM afin de s’adonner à l’observation et au repérage des cétacés sur les zones concernées pour en établir des tracés précis.
Voici, exprimées dans leurs grandes lignes, les années de travaux qui débouchent aujourd’hui sur le projet REPCET, sur lequel, "Souffleurs d’Ecume", en collaboration avec le commandant CAPOULADE, forment depuis trois ans le personnel naviguant à l’Ecole de la Marine Marchande de Marseille,
et qui, à ce titre, viennent d’être distinguées par l’un des huit prix
"Micro-Environnement" décernés par le ministère de l’Ecologie et le
National Géographic Channel.
Saluons cette initiative, courageuse, innovante et concrète de cohabitation durable, pour le bonheur de chacun, de tous, mais surtout des baleines, qui vont pouvoir enfin... souffler !
Le contexte :
Le bassin corso-liguro-provençal constitue une région particulièrement propice aux cétacés. En parallèle, ce secteur connaît une activité humaine soutenue qui peut compromettre le fragile équilibre écologique de la zone, lorsqu’elle ne se développe pas de manière durable. Les collisions entre navires de commerce et baleines sont une réalité de nature à porter atteinte à la sécurité du bord et des passagers de certains types d’unités. Cet espace d’eaux internationales (Pelagos - 87 500 km²) est désormais protégé via un Aaccord franco-italo-monégasque récemment entré en vigueur.
Depuis 1999, chercheurs et sociétés de transport maritime ont développé
un programme de limitation des risques de collisions dans lequel
s’inscrit le projet REPCET (Réseau de report des positions de grands céTacés). Profitant de la densité du maillage créé par la navigation en
Méditerranée française, REPCET vise à améliorer la « détectabilité »
des grands cétacés depuis les unités de transports réguliers par le
biais d’un réseau informatisé. Destiné dans un premier temps à la zone
Pelagos, cet outil devrait être étendu à l’ensemble du secteur ACCOBAMS
(Accord sur le conservation des cétacés de mer Noire, de la
Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente, une vingtaine de parties contractantes).
Avec une moyenne annuelle de 140 000 trajets pour plus de 10 000
navires, le sanctuaire Pelagos regroupe deux des huit « nœuds de
concentration du trafic maritime » (Gênes et Marseille) identifiés dans
tout le bassin et quinze liaisons sont assurées par au moins six compagnies
de transport de passagers entre le continent, la Corse et la Sardaigne.
C’est en été que le trafic y est le plus intense avec 700 000 à 900 000
personnes en transit continent-Corse par an. Durant la même période ce
sont plusieurs centaines de gros cétacés qui fréquentent la zone, ce
qui explique les risques élevés de collision. La croissance du trafic
dans la zone, notamment en matière de transport de marchandises
(autoroutes de la mer) appuie la nécessité de développer des mesures
pour limiter ces risques de collisions.
A travers le monde, la littérature scientifique ne mentionne aucun
incident ayant pu mettre en danger les passagers de navires
traditionnels (ferries ou cargos) qui, de par leur faible vitesse, leur
structure renforcée et leur masse imposante, ne ressentent que très
exceptionnellement le choc d’une collision avec un grand cétacé. Les
risques d’enfoncement de tôle suivant l’endroit du choc existent
cependant, mais l’intégrité de la coque n’est pas atteinte. Sur
certains navires, les propulseurs doivent être nettoyés mensuellement
et il peut arriver que l’on y retrouve des morceaux de chair de
diverses espèces de cétacés.
Les aléas relatifs à des collisions impliquant des navires rapides sont
bien plus conséquents puisque, lors d’un heurt à 30 ou 40 nœuds avec
une baleine de 40 à 70 tonnes, des brèches sont parfois ouvertes dans
la coque et une voie d’eau est alors possible. C’est précisément ce qui
s’est produit en août 1998 et 1999 à bord des navires rapides NGV Asco
et NGV Aliso de la SNCM entre la Corse et le continent français. Bien
plus grave, en février 1992, aux îles Canaries, l’un des passagers d’un
jet-foil a été mortellement blessé suite à une violente collision avec
un cachalot.
L’atteinte aux personnes est restée marginale jusqu’à une période
récente (2004 à 2006) où une série de sept collisions impliquant des baleines à bosses et des baleines à bec de Baird ont engendré des
blessures pour plusieurs dizaines de passagers des jet-foils naviguant
dans les eaux japonaises.
Lors d’un heurt avec un grand navire, une baleine peut rester empalée
sur le bulbe d’étrave jusqu’à l’accostage du bateau. En outre, un
animal mort de quarante tonnes doit être éliminé rapidement, aux frais
du port concerné et selon des méthodes très coûteuses : plus de 25 000
€ pour un « pétardage » de l’animal au large.
Communément employée, soulignons que cette méthode est la source de
graves perturbations acoustiques pour les cétacés alentours lors de
l’explosion. D’autres techniques sont parfois essayées.
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