Réflexion sur l’évolution de la politique solaire française
Réflexion sur l’évolution de la politique solaire française, annoncée par voie de presse le 23 août 2010, pour une application au 1er septembre. Le gouvernement applique une baisse de 12% à pratiquement tous les segments de marché, à l’exception du résidentiel. C’est baisse, sera prolongée par une nouvelle baisse de 10% au 1er janvier 2012. Avec le risque d’une éventuelle baisse préalable, si le marché dépassait les 500 MW par an. Cette réforme, annoncée avec tambours et trompettes, ne dit pas tout ce que le gouvernement réserve au secteur solaire, tandis qu’il n’a toujours pas rendu public le rapport Charpin de l’Inspection générale des finances à propos de la politique photovoltaïque française. L’audit et les préconisations de l’honorable institution de Bercy, doivent ils être gardés au secret alors que la réforme des tarifs est dévoilée ? Faut-il passer sous silence, les enjeux en milliards d’euros, pour faire émerger un éco-système industriel solaire français ? Y a-t-on déjà renoncé sans le dire aux français ?
Constatons d’abord que l’annonce de la baisse intervient alors que le prix des modules photovoltaïques et de leurs accessoires sont sur une tendance haussière depuis début 2010. Cette tendance haussière ne devrait pas s’inverser avant 2011, avec le retournement du marché allemand. Remarquons ensuite que la dynamique de nouvelles demandes de raccordement s’essouffle. Celles-ci enregistraient moins 10% au 1er trimestre 2010 par rapport au 4ème trim 09, et moins 30% au 2nd trim 10 / 1er trim 10, pour s’établir respectivement 832 MW et 589 MW selon les chiffres d’ERDF. Le marché était en phase de décélération, le gouvernement appuie sur le frein. Tandis qu’ERDF peine à raccorder 150 MW par trimestre pour rattraper son retard, même avec un taux de transformation des projets en installations relativement faible qui devrait conduire le marché 2010 à moins de 400 MW installés, le gouvernement a peur du solaire. Aussi, il veut mettre un limiteur de marché calé sur 500 MW/an. De quoi atteindre son modeste objectif 2020 de 5,4 GW cumulés décidé lors du Grenelle de l’Environnement en 2007, mais pas assez pour maintenir la France dans la compétitivité mondiale de l’économie solaire… Les allemands installeront entre 2 et 3 GW de solaire / an d’ici 2020, avec une pointe à 5 GW installés en 2010. La parité réseau (compétitivité du solaire sur la boucle locale d’électricité) interviendra avant 2020 dans une grande partie de l’Europe, aux USA, au Japon, … Et le gouvernement Sarkozy, dans un grand excès de sagesse - faut préserver le grisbi pour le nucléaire et les poches des actionnaires d’EdF !!! - limite les ambitions solaires du pays…
Et quand le politique français a peur du solaire alors que depuis 30 ans l’administration et les entreprises d’électricité ont été biberonnée à l’atom’cratie, le pays du centralisme devient un comble d’absurdité avec une prime à la créativité administrative contre le solaire. Ainsi, au lieu de simplifier les procédures pour réduire les coûts supportés par ailleurs par un prélèvement parafiscal pour améliorer le rendement de l’incitation, on charge la barque de complexité supplémentaire.
L’exemple de cette perversité nous vient du Comité d’Evaluation de l’Intégration au Bâti (CEIAB), organisme administratif sans réel forme légale, présidé par la Direction Générale de l’Energie et du Climat, avec comme experts l’Ademe et le CSTB, qui doit statuer sur l’éligibilité des procédés BIPV au plus généreux tarif d’achat du monde. Ce CEIAB a été créé avec la réforme de janvier 2010, tant il est difficile d’appliquer la notion d’intégration au bâti « à la française ». Et bien pour clarifier les choses, ce CEIAB invente ses propres règles. Il introduit la notion d’épaisseur dans l’exigence d’être dans le plan de toiture pour bénéficier du tarif intégré au bâti, ce qui est à la fois une innovation juridique non bordée, mais aussi une condition supplétive jamais introduite par le texte officiel. L’affaire n’est pas mince, car si l’on parle de millimètres de dépassement du bord de la tuile ou de l’ardoise, alors le tarif pourra en fonction de la réponse, varier de 58 à 37 c€/kWh à partir du 1er janvier 2011. Et si l’on ajoute que cette notion d’épaisseur a été officialisée fin juillet 2010, c’est à pleurer de honte pour la conduite d’une politique industrielle responsable… En fait, plus que la baisse du tarif du 1er septembre, c’est ce genre de pratiques qui vise à vider le tarif intégré au bâti de sa substance, qui insécurise l’industrie solaire française. Cumulées avec l’introduction d’un cap de marché par an, qui pourrait favoriser les centrales au sol au détriment des solutions sur bâtiment, c’est à désespérer de développer une industrie solaire en France.
Concrètement, en dehors du résidentiel individuel qui va encore subir le coup de rabot sur le crédit d’impôt (suppression, maintien partiel ?), les autres segments de marché du photovoltaïque intégré au bâti devraient très fortement ralentir leur développement d’ici fin 2011. La décélération risque d’être meurtrière pour nombre de PME, si l’on ne sort pas honorablement de la créativité du CEIAB. Les grands gagnants de la réforme annoncée sont EDF EN et GDFSuez, ainsi que quelques autres grands de l’énergie qui développent des centrales au sol. Ceux qui vont trinquer sont les PME et PMI, qui sont ailleurs qu’en France, le ferment de la croissance verte.
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