Transition énergétique : un acteur eurasien s’engage
Le 21ème siècle sera-t-il le siècle de la transition énergétique ? Un modèle énergétique décarboné saura-t-il s’imposer ? La démission de Nicolas Hulot du gouvernement d’Edouard Philippe le 27 août 2018 laisse perplexe. Cette même transition énergétique ne pourra s’accomplir à l’échelle d’un seul Etat, alors que le clivage pays développés vs pays émergents n’est pas ici opérant. Différents événements survenus dans l’aire politique et culturelle eurasienne méritent notre attention.
Le Kazakhstan qui est le 2ème fournisseur de pétrole brut de la France a lancé des initiatives de grande ampleur, afin de réussir sa transition énergétique. Une visite présidentielle d’Emmanuel Macron y est prévue d’ici fin 2018, qui répond à l’invitation de Noursultan Nazarbaïev, les échanges entre ces 2 pays se développant. Ainsi que me l’a énoncé à l’OCDE en décembre 2017, Akhmetzhan Essimov, Président de la société d’Etat Astana EXPO -2017, qui organisait l’exposition internationale Astana 2017 : Energie du futur, le Kazakhstan affirme une forte volonté politique de diversification économique dont la France, nul n’en doute, pourrait être partie prenante du fait de sa maîtrise des technologies énergétiques vertes.
Le Kazakhstan, laboratoire de la transition énergétique en Asie centrale
Situé sur la route la soie, le Kazakhstan unit l’Asie, notamment la Chine à l’Europe à travers le Caucase. Alors qu’il n’est pas membre de l’OPEP, il a le potentiel pour devenir le 3ème producteur mondial de pétrole grâce à l’exploitation des gisements de Kashagan et de Tengiz. Selon la Banque mondiale, son sous-sol renferme 2% des réserves mondiales de pétrole. Il est également doté d’autres ressources gazières et de vastes ressources minières : uranium, charbon, titane et or. Pourtant, entre champs pétrolifères off-shore de la mer Caspienne et fermes photovoltaïques en bordure de la steppe, ce pays se veut acteur d’un écosystème énergétique durable et planétaire dans un monde en lutte contre le réchauffement climatique. Vaste comme six fois la France, puissance pétrolifère et minière, le Kazakhstan tourne-t-il parfois son regard vers la France ? Le 28 mai 2018, le premier forum d’investissements Franco-Kazakh s’ouvrait à Paris à l’occasion du 10ème anniversaire du partenariat Franco-Kazakh. Dans le cadre de la stratégie Kazakhstan 2050 qui vise à faire de ce pays l’une des 30 nations les plus développées du monde, les énergies renouvelables (ENR) sont l’un des axes majeurs de cette diversification. Aussi la première exposition internationale jamais organisée en Asie centrale a-t-elle été dédiée aux ENR.
Le 11 novembre 2017, plusieurs installations de l'EXPO-2017 ont à nouveau ouvert leurs portes. La sphère du Musée du futur (Nur Alem), l’aire des bonnes pratiques énergétiques, deux pavillons thématiques, ainsi que le Centre de l’énergie créative (Centre d'art) sont opérationnels. Le site de l'exposition accueillera également le nouveau Centre financier international d’Astana, ainsi que des installations éducatives, un parc d’exposition, un parc technologique international pour les start-up énergétiques et enfin, le Centre international pour le développement des technologies vertes et des projets d'investissement sous l’égide des Nations-Unies. Lors de l’Assemblée générale du Bureau international des expositions (BIE) (OCDE décembre 2017) Vincente Loscertales, Secrétaire général du BIE a été décoré de l’ordre du Dostyk. Au cours de cette cérémonie, Akhmetzhan Essimov a dit l’objectif de mise en œuvre du développement durable au Kazakhstan, auquel l’exposition avait contribué.
Un smart grid entre la France et le Kazakhstan : du pétrole à l’énergie solaire
Présente au Kazakhstan, la France est le 3ème investisseur direct étranger ; en 2016, selon la CNUCED (conférence des nations unies pour le commerce et le développement), le volume des investissements directs étrangers (IDE) français au Kazakhstan s’élevaient à 12,8 milliards d’USD. Les Pays-Bas (60,8 milliards USD) sont les 1ers, suivis par les Etats-Unis (23 milliards d'USD). Selon Akhmetzhan Essimov, le ministère Kazakh de l’Energie, qui encadre l’industrie pétrolière et gazière a lancé 160 projets dans le cadre de l’EXPO- 2017 et plusieurs start-up énergétiques ont été créées. L’idée est ici d’attirer des investisseurs étrangers, afin de procéder à un transfert de technologie verte. Bon nombre de projets sont portés par des régions, notamment celles d’Akmola et d’Aktioubinsk au nord du pays. Dans le cadre du projet horizon 2020, l’union européenne (UE) n’est pas en reste qui lance plusieurs des appels d’offres, autour des start-up énergétiques innovantes.
France et Kazakhstan pourraient ainsi s’unir dans l’édification d’un smart grid mondial. La plus grande centrale solaire jamais construite en Asie centrale d’une capacité de 100 MW est en cours de construction dans la région d’Akmola au nord du pays. Selon l’Akim (Gouverneur) local, ceci œuvrera grandement au développement durable du pays. La cartographie des ressources solaires a été réalisée ; d’ici fin 2018, la production d’électricité issue de l’énergie renouvelable devrait atteindre 460 MW. La France a originellement investi dans la filière solaire kazakhe, ne serait-ce qu’au travers du partenariat entre Areva et KazakToProm (opérateur nucléaire Kazakh). Astana solar produit ainsi de panneaux photovoltaïques à base de silicium local. D’autres projets autour des cellules photovoltaïques proposés par Engie ou de capteurs solaires hybrides sont escomptés. Urbasolar est la première société française qui livrera une centrale solaire en Asie centrale d’une capacité de 14 MW dans la région de Chymkent au sud pays. La compagnie française EMC Technologie associée à un partenaire chinois s’apprête à construire une centrale solaire de 12 MW dans la région de Mangystau dans le sud-ouest du Kazakhstan.
La France fera-t-elle acte de présence au Kazakhstan, à la hauteur des enjeux et de ses capacités ? Dans la négative, nul ne doute que la perspective, selon laquelle le Kazakhstan devienne un partenaire privilégié de la Chine dans le cadre des nouvelles routes de la soie s’accomplira, en douceur et sans coup férir. Nous assisterons à l’émergence d’un plan beaucoup plus conventionnel de développement d’infrastructures lourdes, en particulier pour le transport et la logistique. Et le Kazakhstan se sera engagé vis-à-vis de la Chine sur une pente glissante eu égard à sa souveraineté. Espérant que la France sera présente, elle aura alors saisi une belle occasion de propulser la cause de la transition énergétique. L’énergie solaire se lève aussi à l’Est.
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