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Trop de tourisme tue le tourisme

J’éprouve toujours de la nostalgie à la vue des derniers jardins qui ont jusqu’ici échappé au phénomène d’urbanisation du littoral Hammamétois. Ils constituent les rares fenêtres vertes ouvrant sur le golfe de Hammamet et manifestent une sorte de présence anachronique d’un passé révolu, à quelques centaines de mètres seulement des plages bondées et du «  mur de béton  », symboles de l’incroyable touristification de la ville. Ou encore en retrouvant quelques-unes de ces villas de maître, elles-aussi miraculeusement rescapées, jadis baignant dans la verdure, aujourd’hui noyées au milieu des immeubles et infrastructures modernes qui courent le long du littoral pratiquement sans discontinuer de Nabeul à Hammamet.

Et pourtant, à la réflexion, les villégiateurs fortunés comme Jean Henson ou Georges Sébastian qui ont aménagé ces jardins ou bâti ces villas représentaient déjà l’avant-garde de nos touristes d’aujourd’hui. Ils contribuèrent de cette manière à la renommée, puis à la future image touristique internationale de Hammamet. Globalement, l’environnement naturel n’eut guère à souffrir de la présence et du séjour de ces touristes de la première heure fort soucieux de la qualité du cadre et des sites d’accueil. On peut même affirmer que les choix fonciers et architecturaux datant de cette « belle époque » ont plutôt contribué à valoriser l’environnement.

Mais passé le temps de la villégiature, l’ « explosion » du tourisme de masse à Hammamet au cours de la seconde moitié du XXème siècle a fonctionné comme une sorte de rouleau compresseur, tant par les flux et le nombre de touristes que par les impacts environnementaux engendrés. Hammamet comptait, en 1970, 18 unités hôtelières. Elle en compte aujourd’hui 128 en exploitation pour une capacité de 52 000 lits. A l’exception de quelques hôtels situés en deuxième zone, toutes les autres implantations s’alignent le long du littoral formant un cordon urbain d’unités hôtelières situés en front de mer. Très vite, et de proche en proche, cette marée de constructions a fini par transformer la quasi-totalité du littoral en une énorme dalle de béton.

De même, la multiplication des résidences secondaires individuelles a aussi contribué à « consommer le foncier » et occulter le paysage. Cela s’est vérifié et se vérifie encore autour de la station touristique de Yasmine Hammamet où le phénomène de « mitage » se poursuit à un rythme endiablé et de façon totalement incontrôlée. Le résultat est une véritable anarchie spatiale qui a entraîné la quasi-disparition de la flore endémique, remplacée ici et là par du gazon ou des palmiers transplantés de Tozeur ou Nefta, propices à la naissance artificielle d’un nouveau site décor. En plusieurs endroits, à la périphérie de la ville, faune et flore, qui contribuaient à l’équilibre général de l’environnement, ont quasiment disparu, cédant la place à des espaces stériles parfois réaménagés en terrains de golf, lesquels nécessitent une consommation d’eau en complète contradiction avec nos réserves hydriques en voie de régression.

Et il suffit d’une petite balade au centre d’Hammamet pour se rendre compte de l’incohérence des aménagements entrepris : des parkings ont été aménagés au pied du fort et des remparts ; la médina ( bledd), le cœur historique de la ville des jasmins, est quant à lui en voie de « bazarisation » ; les lampadaires de la place 7 novembre, les enseignes lumineuses et autres panneaux publicitaires -véritable hymne à la laideur- finissent par produire chez le visiteur une impression de désordre inesthétique. Pourtant ces lieux chargés d’histoire recèlent une force culturelle qui pourraient constituer un des leviers fondamentaux du développement local à Hammamet. Mais pour cela, il nous faut passer d’une culture de consommation à une consommation culturelle.

Ce ne sont là que quelques exemples de l’impact environnemental de la « déferlante » hôtelière à Hammamet. Notre propos ici n’est pas d’en rajouter ni de les minimiser, mais plutôt de pousser les responsables, institutionnels et professionnels, à prendre davantage conscience de l’interaction du tourisme et de l’environnement. Car il devient à mon sens urgent de se poser les bonnes questions en la matière : toujours plus de touristes, est-ce encore possible ? les « murs de béton », jusqu’où ? quelles conséquences pour l’environnement ?

Il s’agit de questions clés pour l’avenir des pratiques touristiques dans notre pays, et elles dépendent d’abord du bilan, positif ou négatif, que l’on peut aujourd’hui dresser de leur impact, notamment au niveau des grands équilibres écologiques. Aucune réponse valable n’est possible sans la prise de conscience, par tous les acteurs du tourisme – et pas seulement par eux -, que pratiques touristiques et enjeux environnementaux sont intimement liés.

En effet, la croissance touristique n’est jamais quelque chose de neutre ni d’innocent, et il nous plait à ce titre de rappeler les propos, ô combien actuels, du sociologue anglo-saxon Maurice Fox : " Le tourisme est comme le feu. Il peut faire bouillir votre marmite ou incendier votre maison ".

Salem SAHLI
Hammamet (Tunisie)


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8 réactions à cet article    


  • Cug Cug 9 août 2008 11:03

    Je conseille de vous inspirer du modèle corse, quoi que la corse est un cas particulier, si il n’est pas déjà trop tard, car une fois que l’engrenage c’est mise en route ...
    www.agoravox.fr/article.php3


    • Lisa SION 2 Lisa SION 9 août 2008 11:35

      "...la médina ( bledd), le cœur historique de la ville des jasmins, est quant à lui en voie de « bazarisation  » ..." avez vous écrit, vous avez raison de vous offusquer, car un jour, vous serez contraint de détruire l’insalubre "soukh" pour un projet salutaire de centre de galeries commerciales flambant neuves...Et pour en revenir à votre citation, je vous propose celle-çi d’André Prévot : Le pompier, c’est celui qui détruit avec de l’eau tout ce qui est épargné par le feu .

      @ Cug, le modèle corse, ceux qui font sauter toutes les résidences, villas, batiments, à coup d’explosif... ?


      • Cug Cug 9 août 2008 14:45

        Sion je reconnais que ce modèle est difficelement exportable !

        Sinon, je me souviens d’une petite plage tout au Sud ... fréquentée par quelques vieux corses qui me racontaient pourquoi l’hotel (intégré au paysage) en haut était eventré avant son ouverture en son milieu et désormais en partie recouvert par la végétation. Classe et magnifique, calme et sauvage.
        Je te laisse imaginer ou demander à l’auteur de cet article ce qu’il en pense.


      • wesson wesson 9 août 2008 12:15

        Bonjour l’auteur,

        pour être allé plusieurs fois hors saison à yasmine hammamet, je confirme totalement ce que vous dites. Toute la côte s’urbanise avec des trucs tous plus kitsch les un que les autre. Des palaces aux entrées délirantes, des casinos ou seul les touristes ont le droit de jouer, des parcs à thèmes mélant un peu toutes les architectures sous un prétexte culturel grotesque, ... Un immense plouc-land à ciel ouvert pour occidentaux, où tout est fait pour que les touristes et la population locale ne se rencontre que au strict minimum nécéssaire. Les accès sont gardés jour et nuit par la police locale qui ne laissent passer que les véhicules contenant des touristes (plaques étrangères ou d’une couleur différente) ou le personnel des palaces.


        Je n’ai pas la prétention de savoir ce qu’était hammamet authentique, ce que j’y ai vu est comparable en tout point à la côte cannoise/niçoise.


        • Parpaillot Parpaillot 9 août 2008 23:30

          J’ai connu Hammamet en 1966, il y a donc 42 ans déjà ... Que le temps passe vite et l’évocation de ces souvenirs ne me rajeunit pas ...

          Je me souviens que nous résidions dans un hôtel situé sur le front de mer, à quelques trois à quatre kilomètres de la médina. Nous pouvions nous y rendre à pieds. L’hôtel en question, dont j’ai oublié le nom, était constitué de petits bungalows blancs accolés les uns aux autres. Chacun d’eux possédait un petit jardinet sur le devant, lequel était équipé d’une table et de deux chaises, formant un endroit agréable pour prendre le petit déjeuner. Seules la réception, la salle à manger et quelques boutiques, dont une de tapis, formait la partie principale de l’hôtel.

          Les alentours de l’hôtel étaient cultivés, il y avait là des citronniers, des champs de maïs aussi je crois et la route qui cheminait vers la médina était presque déserte. On y croisait parfois un paysan ou des enfants chevauchant un âne. Cette route était bordée de haies formées d’agaves et de figuiers de barbarie. On y respirait l’odeur du jasmin ...

          Je ne suis jamais retourné à Hammamet et à lire l’auteur, je pense que je n’y retournerai plus jamais, tant j’ai horreur du tourisme de masse et de la description qu’il fait des lieux !

          Le tourisme est une industrie qui fait entrer des devises, ce qui est important pour l’économie d’un pays. Pour la Tunisie j’ignore ce que le tourisme représente en terme de part de PIB dans l’économie du pays, mais cela doit être très important. Par ailleurs, l’augmentation importante des cours du pétrole met à mal les vols « low cost » et risque de porter atteinte à ce tourisme de masse qui privilégie les destinations méditerranéennes accessibles par avion. Ainsi, c’est peut-être bien la récession économique annoncée en Europe qui risquera de sauver (provisoirement ?) ce que les responsables politiques n’ont pu, su, ou voulu faire.

          Oui, l’auteur a raison d’écrire que « trop de tourisme tue le tourisme », et cette affirmation se vérifie ailleurs qu’à Hammamet, et pas uniquement sur le littoral maritime. Le tourisme estival n’est pas seul en cause, on peut aussi le constater dans certaines stations de ski dans les Alpes …

          Merci à l’auteur pour son article !

          Cordialement !


          • Idaho Idaho 9 août 2008 23:36

            Comme je suis tout à fait du métier (le tourisme mais pas de masse), je sais que c’est une activité délicate. Il y a un dicton du Pacifique, je crois, qui dit : "le tourisme c’est comme le feu, ça peut aussi bien faire cuire des aliments que faire bruler la case".

            Mais il ne faut pas oublier qu’il y a des justifications très importantes au tourisme, comme le fait d’appréhender d’autres gens, d’autres cultures.

            Bref, il faut y croire.


            • Noureddine SAHLI 10 août 2008 01:36

              Salut l’artiste,

              J’ai quitté Hammamet en 1976, ça passe trop vite, bcp trop vite.

              Pour retrouver les miens, je rentrais auparavant en voiture via Marseille ou Gênes ;

              Un jour, je voulais me garer près du cimetière afin de me recueillir sur la tombe de mes parents. Ma stupéfaction FUT GRANDE quand un employé m’avait demandé de payer des frais de Parking sans quoi, je devais faire marche arrière etc...

              Depuis ce temps là, j’ai opté pour l’avion.

              Aujourd’hui, plus vrai que jamais, au lieu d’avoir ma dose biologique d’oligo-élément, je suis servi en abondance de monoxyde de carbone et pour me baigner, il faudrait éviter les plages privées de plus en plus nombreuses, etc...

              Quant à la non discontinuité dont tu parlais, celle-ci a bien gagné du terrain puisqu’il n’y en a plus entre Hammamet et berraket essahet tout comme entre Hammamet et Bir bouregba.

              Morale de l’histoire et sauf obligation, je ne rentre plus durant la saison estivale et préfère le calme et la rérénité de mon Hammamet les trois autres saisons. POURVU QUE CA DURE ...

              Merci pour ton article Cher Salem.
               


              • CamsCoums 16 octobre 2009 22:27

                Je vous conseille un livre très intéressant sur l’écotourisme. Il s’appelle « Le chemin vers l’écotourisme » de J.-P. Lozato-Giotart. Mais peut-être l’avez-vous déjà lu ? Qui sait ? Votre article me rappelle étrangement cet ouvrage. Bizare, non ?

                Bref tout ça pour dire que tout le monde est capable de faire du copier-coller. C’est plutôt immature comme attitude.

                A moins que vous me prouviez que vous avez écrit votre texte avant 2006 ? Etrange qu’il ait été posté en 2008 alors, vous ne trouvez pas ?

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