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Accueil du site > Actualités > Environnement > Va-t-on vers une guerre de l’eau ?

Va-t-on vers une guerre de l’eau ?

Comment et pourquoi les problèmes liés à l’eau risquent de redessiner la carte du monde dans les prochaines années ? Quels sont les risques ? Quelles sont les forces en jeu ? Quelles sont les solutions ? Voici le compte-rendu d’une conférence donnée au Club IES, et animée par Jean-François Donzier, directeur général de l’Office international de l’eau.

Jean-François Donzier commence son allocution par cette formule lapidaire, qui résume bien son propos : « Ca ne va pas bien ! Et cela ne va pas s’arranger dans de nombreux pays du monde ! » Explications...

L’eau est une ressource qui est - en dehors de quelques idées reçues - mal connue de la population

En effet, en dehors du fait que l’on sache qu’il y a de vastes parties de la planète qui sont en manque d’eau, nous véhiculons pas mal d’idées préconçues sur cette ressource.

Par exemple, on pourrait penser l’Angleterre à l’abri du stress hydrique ! Et pourtant notre voisin d’outre-Manche connaît des sécheresses estivales ! Certains départements en France connaissent des situations complexes : le Gard connaît 11 mois par an une pénurie d’eau, et le 12e mois subit des crues incontrôlables.

Si l’eau est présente partout sur Terre, elle est à 95 % salée, donc impropre à la consommation, sauf à faire des traitements appropriés qui sont à l’heure actuelle encore très onéreux. L’essentiel de l’eau douce est gelée dans les glaciers, une infime partie du total est liquide (1 %), et est essentiellement souterraine.

Pour aborder ce sujet, en réalité très complexe, il faut donc commencer par se défaire de ce que l’on croit savoir.

L’eau est un problème crucial pour l’être humain

Quelques chiffres permettent de mesurer la multipolarité du problème de l’eau dans le monde :

- l’eau (son absence ou sa pollution) est la première cause mondiale de mortalité. Trois millions d’enfants meurent chaque année d’un manque d’accès à l’eau potable ;

- un quart de la population mondiale n’a pas accès à de l’eau potable ;

- un quart de la population mondiale n’a pas accès à l’assainissement basique (par exemple, avoir des toilettes) ;

- 85 % des eaux anthropiques (utilisées par les hommes) retournent dans les milieux naturels sans aucun traitement. Ce problème vient surtout des grandes mégalopoles. Le cas de Mexico est emblématique. Ses 22 millions d’habitants (soit 1/3 de la population française !!) rejettent leurs égouts dans la nature sans traitement.

Non seulement l’eau se fait rare du fait de l’augmentation très rapide de la consommation, mais le gaspillage est énorme. Ainsi il est estimé que deux tiers de l’eau d’irrigation est perdu par infiltration durant son transport (par exemple due à des fuites de canalisation) ou par évaporation dans les systèmes traditionnels.

La population mondiale a triplé sur le dernier siècle, et la consommation d’eau a été multipliée par six sur la même période.

L’impact des changements climatiques

Facteur aggravant, les changements climatiques vont renforcer les problèmes de gestion de l’eau ! On risque de voir une accélération des « phénomènes extrêmes » : d’un côté il y aurait une augmentation de la fréquence et de l’ampleur des inondations ; de l’autre, certaines régions du monde, comme les pourtours de la Méditerranée risquent de connaître une diminution de 25 % des précipitations estivales.

Le phénomène engendrera forcément des destructions des terres agricoles : que ce soit dû à la sécheresse, aux inondations, à l’érosion, à la remontée des eaux salées... Cela pourrait engendrer une perte de 20 % de la productivité agricole dans l’Europe du Sud. Dans une phase critique où il est estimé que la population mondiale va grossir de 50 %, pour passer de 6 à 9 milliards, nous allons assister à un véritable « effet ciseau » avec d’un côté une diminution des terres cultivables pour une population à nourrir augmentant. Sachant que de nombreuses révolutions ont eu pour but une plus juste répartition des terres ou des famines, on peut imaginer les implications sociales que cela pourrait engendrer.

Un autre élément des plus inquiétants est la perspective d’une augmentation de 50 centimètres du niveau de la mer qui pourrait faire déplacer des millions de personnes sur les côtes et les deltas ! Sans même parler du drame humain que cela va entraîner, on mesure mal à quel point ces « réfugiés écologiques » vont être facteur de déstabilisation des Etats touchés. Et, encore une fois, l’idée que cela ne concernerait que des pays lointains est fallacieuse. Une bonne partie du territoire de nos voisins hollandais est sous le niveau de la mer, certes protégé par des puissantes digues, mais bien sûr les modèles de prévision ne sont que des estimations statistiques ! Des pays non côtiers, comme la Hongrie, ont aussi une bonne partie de leur territoire (40 % dans le cas du pays Magyar) soumis à des risques graves d’inondation du Danube ou de la Tizsa.

Volonté politique

Il y a donc une obligation de changer les pratiques pour éviter des catastrophes, qui si elles ne sont pas certaines (nous sommes dans la prospective) n’en restent pas moins très probables ! Est-ce que parier que cela n’arrivera pas est la bonne attitude ?

Or, pour l’essentiel, ce n’est pas un problème de technicité, mais un problème de volonté politique et d’organisation. Volonté politique d’une part. Volonté de la société civile d’autre part. Quant aux organes de presse et télévisuels, Jean-François Donzier déplore que la préoccupation sur l’eau « ne fait pas assez partie de la culture médiatique ».

Mais cela pourrait changer car des conflits ont déjà eu lieu ayant pour enjeux l’or bleu. La captation des eaux du Jourdain entre Israël et la Jordanie en est un exemple parmi d’autres, heureusement très rare comparé aux disputes locales pour l’accès à l’eau. L’eau ne connaît pas les frontières, mais les hommes si ! Quelques exemples : à l’échelle planétaire, 263 fleuves et des centaines d’aquifères sont partagés entre au moins deux pays. Les deux cinquièmes de la population mondiale dépendent des eaux partagées. 15 % des pays dépendent à plus de 50 % de ressources de pays d’amont. Cette interpénétration est autant un risque qu’une chance. Elle peut être le ciment d’une politique de coopération et de partage des bénéfices, d’une vision commune partagée. Comme elle peut être le ferment, de conflits à venir, entre pays « dépendants » à l’aval et pays « ressources » en amont des grands fleuves.

Le besoin d’une action à l’échelle mondiale

L’intervenant esquisse quelques axes sur lesquels une volonté politique doit permettre d’aboutir à des décisions, comme sur la tarification de l’eau. Là encore les injustices sont criantes puisque ce sont les plus pauvres qui payent l’eau la plus chère. Actuellement l’investissement total est de 75 milliards de dollars par an dans les pays en développement. On estime qu’il devrait être de 180 milliards de dollars pendant au moins vingt-cinq ans pour avoir les moyens de contrôler les problèmes à venir, pour éviter une crise mondiale de l’eau douce, et faire reculer la pauvreté. Et plus nous attendons, plus la facture sera... « salée ».

Il semble indispensable d’assurer à l’échelle mondiale :

- un suivi de l’impact des activités humaines sur l’environnement et sur les ressources en eau en particulier ;

- des efforts colossaux pour le traitement de la pollution anthropique ;

- l’évaluation des moyens financiers nécessaires et des conditions et mécanismes de leur mobilisation ;

- la fixation de normes d’efficacité des dispositifs à mettre en œuvre ;

- la définition des conditions pour garantir l’exploitation, la maintenance et le renouvellement des installations, afin d’assurer le bon fonctionnement des investissements réalisés ;

Conclusion

Jean-François Donzier conclut sa brillante présentation en nous rappelant qu’en France « nous râlons » souvent sur le goût et le coût de l’eau qui sort de notre robinet, mais qu’il ne faut pas oublier que nous sommes des « archi-privilégiés » au niveau mondial. Ce qui ne doit pas nous empêcher d’œuvrer à tous les niveaux pour participer à une meilleure gestion globale du problème.

De l’eau douce dépendra très certainement l’avenir de la société des hommes : soit ils s’entendent, et cela permettra une meilleure gestion de l’eau. Soit ils ne s’entendent pas, et nous assisterons alors à de fortes tensions entre les Etats et les groupes sociaux pour accéder aux ressources indispensables à la vie et au développement économique !

Jérôme Bondu

Président du Club IES - Intelligence économique et stratégique

http://www.inter-ligere.net/pages/Comptes_rendus_du_Club_IES-49866.html

Compte-rendu de la conférence du 10 avril 2008.

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Autres billets relatifs au sujet :

Pour une Communauté mondiale de l’eau

http://www.inter-ligere.net/article-17913844.html

Une bêtise exemplaire

http://www.inter-ligere.net/article-17713215.html

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Présentation de l’intervenant :

Jean-François Donzier est directeur général de l’Office international de l’eau (OIEau) et secrétaire technique permanent du Réseau international des organismes de bassin (RIOB).

Ingénieur général du Génie rural des Eaux et des forêts, et ingénieur agronome de l’Institut national agronomique de Paris, M. Donzier a de nombreux mandats internationaux : il est vice-président du Centre mexicain de formation à l’eau et à l’assainissement (CEMCAS - Mexique), Administrateur du Global Water Partnership, de la Fondation des eaux de Gdansk (GWF - Pologne) et du Secrétariat international de l’eau (SIE - Canada), du Centre international des technologies de l’environnement du PNUE à Osaka, membre de l’Académie de l’eau de Norvège, ainsi que de la Commission française pour l’Unesco et expert auprès de la ville de Paris pour les services des eaux.

L’OIEau est une structure internationale qui emploie une centaine de salariés permanents. L’OIEau apporte ses compétences dans les systèmes d’information, la formation professionnelle, et la coopération institutionnelle.

Le site www.oieau.org reçoit plus de 5,6 millions de visiteurs par an.


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7 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 23 avril 2008 10:33

    Voila l’exemple classique de la désinformation qui consiste à lancer des rumeurs infondées qui seront forcément reprises par des tocards se réclamants "journalistes" sur des chaines de TV pour produire et "vendre" en tant que société de production des idées comme celle ci

    Derrière ce discours ce cache une réthorique qui n’est développé que pour justifier des augmentations de prix

     


    • Zalka Zalka 23 avril 2008 11:20

      vivivi... Et puis c’est du TSS aussi, tant qu’on y est...


    • fiftyone 23 avril 2008 16:53

      Ouais ouais, et en tant que redacteur, il a quand même voté pour la parution de cet article


    • gecko gecko 23 avril 2008 10:33

      avant la guerre y aura le commerce de l’eau... (déjà fortement développé aujourd hui mais a mon avis ca va « prendre de la valeur »)


      • Pierre Boisjoli Pierre Boisjoli 24 avril 2008 23:55

        Il n’y a pas de ressources plus mal distribuées que l’eau à part peut-être le pétrole. Il est inévitable que cette situation en vienne à créer des frictions.


        • J-M Hauth J-M Hauth 17 mai 2008 12:53

          Il existe une solution pour répartir l’eau sur terre.

          Cela s’appelle la gestion globale de l’eau

          Cela consiste à couvrir chaque bassin versant de la planète d’un réseau de canaux complémentaires aux cours d’eau afin de permettre de prélever une partir des écoulements excédentaires des ruissellements pour les réinfiltrer sur tout le territoire dans les réserves souterraines.

          pagesperso-orange.fr/biefs.dupilat/images/projetbiefgier.jpg

          Association des biefs du Pilat

          Si la guerre de l’eau a lieu c’est que vous n’avez pas fait passé ce message.

           

           


          • AurélieF 20 mai 2008 15:19

             

            Sur notre blog http://info-eau.blogspot.com/ , nous essayons de rendre compte de l’importance de l’eau, de faciliter la veille que l’on peut faire sur ce sujet essentiel. En effet, Jean-François Donzier a raison : « Ca ne va pas bien ! Et cela ne va pas s’arranger dans de nombreux pays du monde ! » Et les médias, dans leur ensemble, couvrent assez peu ce sujet.

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