A l’heure de l’austérité le Danemark choisit la relance
Le nouveau gouvernement danois de gauche et centre-gauche, entré en fonction début octobre, a présenté hier, après trois semaines de tractations politiques avec son principal parti de soutien l'Alliance Rouge-Verte, son projet budgétaire pour 2012. Il sera maintenant débattu au Parlement.
La campagne pour les élections législatives du 15 septembre 2011 s'était majoritairement concentrée sur les propositions économiques faites par les différents partis politiques pour sortir le Danemark d'une crise économique matérialisée par une croissance faible voire négative, un déficit public croissant et un chômage anormalement haut (il reste néanmoins en dessous de 5%, soit à un niveau de plein-emploi). Dans ce contexte, le projet de budget de la nouvelle coalition gouvernementale, dirigée par la sociale-démocrate Helle Thorning Schmidt, mais qui comprend également les radicaux de gauche et le parti populaire socialiste, était très attendu. A l'heure où de nombreux pays européens ont choisi la voix de l'austérité, le Danemark cherchera à lui à relancer la machine économique par l'investissement public.
Un projet axé sur la relance de l'économie :
A l'heure de son entrée en fonction, Helle Thorning Schmidt avait affirmé sa volonté de mettre en œuvre le plan de relance de l'économie présenté durant sa campagne, basé sur un investissement public de 10 milliards de couronnes, soit 1,35 milliards d'euros, et un recentrage de la fiscalité, sur le capital. Ce plan devrait à terme créer 20 000 nouveaux emplois selon la Première Ministre, et ramener le déficit public au dessous de la barre des 3% préconisée par le Pacte Européen de Stabilité et de Croissance d'ici 2013 grâce à une stimulation de l'activité économique.
Le budget final, dévoilé dimanche,s'inscrit dans cette optique. Il comprend des dépenses publiques importantes, concentrées dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et de l'environnement. Pour le financer, une augmentation de la taxation des grandes entreprises a été décrétée, ainsi qu'une augmentation de la TVA sur l'alcool, les sodas, et les graisses. Ce budget est même plus à gauche qu'attendu au départ, et ce en raison du rôle clé joué par l'Alliance Rouge-Verte dans les négociations.
Un budget influencé par l'Alliance Rouge-Verte :
Au pays des gouvernements minoritaires, le rôle joué par les partis d'opposition au Parlement dans la politique du gouvernement est important. Les trois partis de la coalition actuelle ne possède que 77 sièges au Folketing, loin des 90 requis pour obtenir une majorité simple. Dans cette optique, le soutien de l'Alliance Rouge-Verte et ses 12 sièges est essentielle dans le but d'espérer obtenir une majorité (le vote restant sera aisément obtenu parmi les 4 parlementaires représentant les Iles Féroé et le Groënland, administrés de façon indépendante mais qui appartiennent toujours au royaume danois). Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle l'a négocié au prix fort, et ce d'autant plus que le Parti Libéral, autre soutien potentiel, a montré son agacement au cours des négociations et menacé de ne pas voter un budget taxant de façon excessive les entreprises. « Pour que nous votions le budget, il devra être beaucoup plus social et écologique qu'il ne l'est aujourd'hui. Nous serons constructifs mais également très fermes au cours des négociations. », avait confié la porte-parole du parti, Johanne Schmidt-Nielsen au journal Politiken, à l'amorce des tractations début novembre. Force est de constater qu'elle a été entendue, puisque la majorité des revendications de l'Alliance ont été reprises.
Au niveau de l'éducation, la diminution de la taille des classes dans l'enseignement secondaire était un cheval de bataille du parti. Le budget proposé lui consacre la moitié des 240 millions de couronnes (32,5 millions d'euros) dédiés à l'éducation. L'autre moitié sera destinée à l'enseignement professionnel, à la création de 1500 nouveaux postes de professeurs et à l'augmentation du montant des aides aux étudiants.
L'Alliance Rouge-Verte est également en faveur d'une forte politique de protection et de réinsertion des chômeurs, qui se font de plus en plus nombreux dans le pays. Le projet budgétaire fait la part belle aux demandeurs d'emplois, en attribuant 200 millions de couronnes (soit 27 milliards d'euros) à la formation professionnelle des chômeurs, quel que soit leur niveau de qualification, et en prolongeant la période d'obtention des allocations chômage de six mois.
Sur le plan fiscal ce parti socialiste-écologiste s'est toujours opposé à une forte taxation du bénéfice des entreprises. L'augmentation de l'impôt sur les bénéfices mise en place par ce plan budgétaire, et qui devrait rapporter, selon le gouvernement, 652 millions de couronnes (84 millions d'euros) est la mesure phare d'une politique fiscale axée sur la taxation du capital. Le dumping social exercé par des multinationales étrangères, contournant le paiement d'impôts sur les bénéfices, sera férocement combattu. En effet, comme souhaité par l'Alliance Rouge-Verte, une unité spéciale rattachée à l'inspection du travail sera créée afin de repérer et sanctionner les entreprises étrangères ne respectant pas la législation danoise en termes de fiscalité et de droit du travail.
Enfin, la forte sensibilité écologique du parti de Johanne Schmidt-Nielsen semble avoir imprégné le projet budgétaire qui prévoit des dépenses de 40 millions de couronnes (5,4 millions d'euros), destinées à assurer l'assainissement de l'eau. Copenhague avait, rappelons-le, souffert à l'automne dernier d'un manque d'eau potable suite à la contamination d'une partie du réseau d'eau de la ville par la bactérie E-Coli, certainement due aux graves inondations subies en juillet. En outre, un plan de 500 millions de couronnes annuels (67,4 millions d'euros) sur deux ans, prévoit la rénovation de nombreux logements, rendus plus écologiques.
Un budget très critiqué :
Alors qu'il a longtemps été de coutume pour l'opposition de valider le budget de la majorité, le plan a, cette fois-ci, été très critiqué par la droite. Celle-ci a d'abord fustigé des dépenses irresponsables en temps de hausse du déficit public, oubliant un peu vite que le plan de « Croissance durable » proposé lors de la campagne par le premier ministre libéral sortant Lars Lokke Rasmussen prévoyait un montant identique de dépenses publiques.
Mais c'est contre la suppression des déductions fiscales pour les retraites privées, et surtout la taxe sur les graisses, que se sont insurgés les partis d'opposition. Alors que les exportations du pays sont en baisse en raison de la mauvaise passe économique traversée par ses partenaires commerciaux européens, le fait de pénaliser encore plus un pouvoir d'achat qui a déjà diminué de 0,8% depuis le début de l'année 2011 inquiète. « Il sera plus cher d'être un danois au quotidien. Les mesures prises par le gouvernement ne permettront pas de stimuler la consommation privée, dont le faible niveau actuel est un problème majeur pour notre pays. », a confié dimanche au Politiken, Peter Christensen, porte-parole du comité des finances du groupe parlementaire du Parti Libéral. Sur ce point, une étude menée par la banque Nordea a révélé que la taxe sur les graisses pourrait coûter chaque année 450 couronnes (soit 60 euros) aux ménages danois allouant un budget annuel de 32000 couronnes (4000 euros) à l'alimentation.
Loin de faire consensus, aussi bien au sein de la classe politique que du peuple danois, le budget devrait néanmoins être adopté par le Folketing grâce à l'assurance du soutien de l'alliance Rouge-Verte. Ce sera alors l'occasion pour un gouvernment déjà de plus en plus impopulaire de lancer pour de bon sa politique gouvernementale. C'est le point positif retenu dimanche par le ministre des finances Bjarne Corydon, qui soulignait un pas important réalisé dans l'accomplissement du programme gouvernemental.
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