Belgique : le boomerang flamand
Alors que les Wallons gardent à la bouche la même détermination à rester unis, la Flandre demeure emmêlée dans les avis divergeants.
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Souvenez-vous de cette marche à Bruxelles qui réunit le 18 novembre plus de 35 000 personnes principalement francophones, pourtant nuancée par quelques Flamands courageux. Si tout le monde s’extasie devant cette Wallonie bien représentée ce jour-là, le côté purement populaire de la manifestation ou la leader du mouvement, Marie-Claire Houard, il est aussi judicieux d’observer à quel point le nombre de Flamands du côté des francophones est plus important que les séparatistes Wallons.
En effet, si les extrémistes Flamands se manifestent à tout va, le ras-le-bol du peuple néerlandophone commence à se libérer du diktat de l’orgueil. En Wallonie, l’opinion ressortie des élections de juin ne semble pas varier sur la question. Pour rappel, le RWF (Rassemblement Wallonie France) n’a eu que 0,4 % des voix, c’est-à-dire à peine deux dixièmes de plus que le Parti du Travail de Belgique (parti d’extrême gauche).
Nous revenons aux gros clichés nationaux de la Wallonie paisible, accueillante et pas économiste pour un sou, face à une Flandre prônant le progrès, valorisant le travail et plutôt froide devant de nouvelles têtes. Mais nous ne pourrions nous permettre, même en période de crise, de considérer cette différence, plus prononcée que jamais, comme une généralité. Il existe une part de Wallons très libéraux (constatons une petite montée du MR face à une perte du PS en juin) et des Flamands tout à fait unionistes.
Il faut également remarquer qu’il plane en Flandre un état de "faux témoignages" qu’on pourrait gentillement qualifier de suivisme invétéré. A la question "Etes-vous pour la scission de la Belgique ?", l’enquête dévoilée par la RTBF aux environs des cent jours sans gouvernement dénonce que trois Flamands sur quatre répondent "oui". Cependant, quand on demande, même en néerlandais, pourquoi ils veulent la scission, la réponse est quasi identique à chaque coup : les politiciens savent sûrement ce qu’ils font. Autrement dit, le peuple flamand est loin de connaître le fond de cette pensée séparatiste, qui semble un peu surréaliste. Peut-on dire alors que c’est un avis personnel et valable ?
Surréaliste car la soi-disante croissance économique promise suite à une scission sera bien difficile à prouver. D’un point de vue géographique et social, on ne peut pas dire que l’avantage soit à la Flandre. Pour sûr, la Wallonie n’aurait plus accès à la mer du Nord et les Pays-Bas seraient un bon allié maritime, mais ce marché n’est plus aujourd’hui le plus important. Le Luxembourg, allié économique très puissant, ne serait plus attaché qu’à la Wallonie, sans compter l’avantage linguistique (veuillez y croire !) dont elle tirerait parti auprès de la France et l’Allemagne, pays pesant toujours assez lourds sur les décisions économiques de l’Europe.
Yves Leterme fut surnommé l’"Homme au 800 000 voix", il est aujourd’hui plus connu sous le nom de "formateur incompétent" et là-dessus, Flamands et Wallons du peuple belge sont bien d’accord. D’ailleurs, le peuple n’a jamais eu de réelle discorde, elle n’est qu’une conséquence de la médiatisation et des exigeances exubérantes de Bart De Wever, président de la N-VA. Il suffit de réécouter les témoignages des habitants de Bruxelles-Hal-Vilvorde pour comprendre à quel point cette situation politique est un jeu de pouvoir plus qu’une parole du peuple. Les francophones avaient ainsi eu 13 sièges contre 9 flamands en 2003, ce qui n’a pas empêché une bonne entente entre communautés.
Il va sans dire que BHV en soi n’est pas un problème, et que le jeu consiste à englober Bruxelles. Déjà en 1963, le débat sur BHV faisait rage, modifiant au final la région bruxelloise et les communes à facilités. Nul doute que ceci est lié à un complexe d’infériorité inscrit dans la mémoire collective du peuple flamand, dû à une force colossale du français qui avait dominé pendant des décennies l’économie flamande, qu’ils cherchent aujourd’hui à "faire payer" par le rapt de la capitale européenne. Ainsi Di roupo conseille à présent de mettre en priorité l’accord d’un accès Wallonie-Bruxelles directe, révélant les murmures des "chefs" actuels.
La Flandre semble oublier que la Wallonie l’a aidée bien longtemps grâce à son développement industriel florissant, dont on garde aujourd’hui encore la trace en conservant depuis cette époque une des positions dominantes dans le marché mondial. Ce n’est pas pour rien que Bruxelles est la capitale de l’Europe, à savoir que la forme primaire de cette union gigantesque vient d’une alliance entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg (Bénélux) dans le seul but à l’époque d’ouvrir les marchés, surtout dans des domaines majeurs de la Wallonie tels que le charbon et la métallurgie.
Tout cela amène à ce que les Belges ont pu sentir ce jour même ; une discorde au sein de la politique flamande. Alors que la Wallonie conserve une droitesse et une patience dont elle est passée maître, la Flandre ne tient plus en place devant ce refus de soumission tant espérée par une poignée de dirigeants esseulés. Même un "oui" de Joëlle Milquet, présidente du CDH surnommée "Mevrouw nee" dans la presse flamande, n’a pas contenté l’appétit et l’esprit de vengeance déraisonnés de Bart De Wever. En effet, il a dû sentir que le craquèlement ne tarderait pas si les partis francophones n’adhéraient pas à ses désirs. Même son complice du CD&V semblait prêt à répondre positivement au dossier suggéré hier sur le fameux problème communautaire qui n’en est pas un.
Une dernière remarque est à faire : si CD&V et N-VA ne se suivent plus, à qui reviendront les 800 000 voix de Leterme ? Rappelons qu’Yves Leterme est issu du CD&V... Aurons-nous une élection rouge en 2011, suite à cette orange bleue de droite qui agace de plus en plus ?
Ce n’est plus apparemment qu’une question de temps avant que le peuple flamand ne mette son passé de côté, tandis que la Wallonie résiste sous ses termes invariables et respectueux "paix" et "l’union fait la force" face au vote non démocratique de la scission BHV.
Comme le dit la Bible en laquelle la Flandre croit bien plus que la Wallonie, "si on te gifle, tends l’autre joue"...
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