Chassez le Rom, il reviendra au galop
Qu’est ce qui caractérise un Rom de Roumanie face à un roumain qui ne fait pas partie de cette ethnie ?
-un très grand taux de chômage, des familles nombreuses, et en corollaire l’absorption d’une grande part des aides sociales de l’Etat ;
-un très fort absentéisme scolaire et en corollaire un fort taux d’analphabètes ;
-un rapport différent à la mendicité et en corollaire des rentrées quotidiennes liées à cette pratique de l’ordre de 150 euros par jour par mendiant (150 euros nets d’impôts) dans un pays où cette somme représente le salaire mensuel brut minimum ;
-de fortes traditions héritées de leur origine (Inde, Pakistan) et en corollaire des vêtements aux couleurs chatoyantes, jupes longues et châles, des maisons aux formes complexes ;
-une volonté de ne pas perdre ses valeurs et ses traditions, avec son propre Roi et en corollaire des jeunes filles mariées dès leurs premières règles, une justice parallèle, des règlements de comptes entre familles ;
-des métiers liés au nomadisme comme la vente itinérante de bois, la récupération de la ferraille, la vente à la sauvette, et en corollaire une notion extrêmement particulière de la propriété privée ;
-une tradition d’indépendance dans les décisions et les actes et en corollaire des maisons construites sans permis de construire, des fêtes où les chanteurs sont payés en liquide, le travail au noir.
Globalement cela décrit une communauté qui peut recevoir des subsides de l’Etat sans pour autant chercher à s’intégrer, dont le nombre augmente en exponentielle (on parlait en 1990 de 3% de Roms en Roumanie, désormais on parle d’au moins 10%), et dont la majeure partie ne paye pas d’impôts.
Alors que la Roumanie ne cherche pas à les retenir et profite des failles du système européen, quelle surprise !
Et en plus ils sont dangereux ces Roms, ils volent à la tire, ils mendient, ils chantent dans le métro, bref des voleurs de poule, c’est insupportable … alors que nos délinquants « bien de chez nous » brûlent des voitures, tirent sur la Police, violent en réunion, attaquent des vieilles, c’est quand même plus respectable !
Dans les années 1990 un ami diplomate hongrois m’avait dit avec un grand sourire que l’ouverture de leur frontière vers l’ouest ne leur poserait pas de problème de fuite des cerveaux mais poserait un problème majeur à l’Occident, à savoir la venue sur son sol des déshérités et des groupes sociaux non intégrés, quitte à ce que ces « marginaux » transitent par la Hongrie, provenant de pays plus à l’est. Si cela était déjà mentalisé en Europe de l’est, ce devait bien l’être aussi en Occident.
Mais parlons de ce système européen et notamment de l’entrée de la Roumanie dans l’U.E.
Tous les gens qui, comme moi, ont vécu en Roumanie dans les années précédant 2007 savent très bien que ce pays n’était pas aux normes, qu’il aurait de grandes difficultés à s’y mettre notamment sur les dossiers justice, police et corruption. Mais d’autres éléments et intérêts sont venus parasiter ce dossier d’intégration et accélérer le processus de décision :
-en faveur de la Roumanie :
-une volonté historique pour l’Europe de réparer sa trahison de Yalta. Rappelons nous, la Grèce a un mouvement de résistance communiste extrêmement fort, elle a posé de sérieux problèmes aux allemands et à leurs alliés, Staline veut ce pays qui a une porte sur la méditerranée. La Roumanie a une tradition libérale, chrétienne, mais elle a soutenu le régime nazi jusqu’en 1944. Dans la balance une stratégie de blocs, c’est plus simple pour tout le monde que la Roumanie soit dans le giron du grand frère russe.
-en faveur de l’Europe et des USA :
-une main d’œuvre très bon marché, en 2010 le salaire brut minimum est de 150 euros mensuels. Quelle aubaine pour des sociétés comme Renault que d’y transférer leur production, donc rester dans l’Union, tout en donnant des salaires misérables. Quel capitaliste refuserait une telle aubaine ? Prolétaires de tous les pays, volez vous les uns les autres, si ce ne sont pas les salaires que vous vous disputez, ce sont les lieux de travail au rabais. A l’ère de la mécanisation, l’homme est devenu la bête de somme, au service d’un petit nombre d’individus qui concentrent le pouvoir économique et donnent des ordres à leurs féaux que sont les hommes politiques ;
-un fort potentiel agricole avec environ 50% de la population vivant dans le monde rural, des terres riches avec un haut rendement potentiel, des produits de saison dont les prix défient toute concurrence. Durant l’été 2010 la tomate se trouve sur les marchés au prix de 3,5 Lei le kilo (soit 0,8 euros), la pastèque est à 0,9 Lei le kilo (soit 0,2 euros). Bien sur la Roumanie n’est pas l’immense grenier a blé de l’Europe tel que peut le représenter la Turquie, mais c’est une terre chrétienne.
-un désert juridique où ont pu s’installer des banques et des compagnies d’assurance toutes puissantes qui n’hésitent pas pour les premières à faire payer des taux usuraires pour les transferts de fonds (5% de la somme transférée au lieu de 0,5% en Occident) et pour les secondes a offrir des polices d’assurance entre 3 et 4 fois plus chères qu’en Occident, à véhicule identique.
-en faveur du FMI et de l’OTAN :
Il n’y a plus aucun intérêt à dissocier ces deux organismes colonisateurs. Alors que les Etats d’Amérique du Sud se sont démarqués du premier, c’est au tour des pays d’Europe de l’est d’en être devenu les vassaux. Une politique économique décidée par l’UE les a jetés dans les bras du FMI, ils vont en ressortir sinon exsangues, du moins dépendants économiques et financiers. C’est le prix à pays à la fois pour l’affranchissement du joug soviétique et l’entrée dans le monde prétendu « libre ».
En parallèle, pour se sentir en sécurité ces mêmes pays dits de l’Est se sont battus pour entrer dans l’OTAN, la condition étant de participer à l’effort de guerre de ce bras armé des USA contre ceux qui ne lui plaisent pas. De l’Irak de Saddam Hussein, qui avait décidé de vendre son pétrole en Euros et non plus en dollars, à la Yougoslavie de Milosevic qui ne voulait pas de bases américaines sur son sol, les USA ont besoin de forces vives, de supplétifs qui resteront à la charge de leurs pays respectifs en fin de mission. Car ce ne sont ni les USA ni l’OTAN qui vont payer les retraites de ces militaires bon marché, mais bien ces mêmes pays qui empruntent au FMI pour respecter les normes budgétaires européennes (le paiement des retraites en Roumanie est l’objet d’un tel emprunt) et qui, en même temps, financent l’effort de guerre d’un pays tiers.
Et les Rom, dans tout cela :
Le risque de voir cette minorité ethnique franchir les frontières a pesé bien peu face au marché que l’Europe de l’Est représentait pour le capitalisme et aux intérêts militaires des USA. La Roumanie est simplement entrée dans l’U.E. « sponsorisée » par les USA et le grand capital, qui y ont vu chacun leur intérêt.
Et si nous synthétisons ces deux façades d’un même problème, ne devrions nous pas en conclure que ces tsiganes (qu’ils soient roumains, bulgares, tchèques, hongrois,..) représentent le dernier carré de résistance au capitalisme, essayant encore et toujours de vivre en « Hommes libres », (c’est-à-dire en Rom au sens initial du mot), et que donc au lieu de leur jeter l’opprobre nous devrions les regarder par deux fois. Et pourquoi ne pas faire comme eux en ce qui concerne l’indépendance vis-à-vis des Etats, des taxes et des impôts ! Car au final c’est aussi avec mes impôts que l’Etat français indemnise les familles des militaires français morts en participant à l’expédition coloniale en Afghanistan, expédition dont le seul résultat remarquable est qu’elle a laissé passer la production d’opium de 185 tonnes en 2001 à 6.900 tonnes en 2009, et a permis à celle de cannabis de dépasser le Maroc avec 24.000 hectares de terres cultivées.
Gérard Luçon
Ancien Directeur au Ministère français de la Justice
Officier de l’Ordre National « Etoile de Roumanie »
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