De quelle Europe voulons-nous ?
Depuis sa création au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la communauté européenne (l’Union européenne depuis Maastricht) n’a cessé de se chercher, tant au niveau de ses compétences que de son fonctionnement, ou même de ses frontières. Il est d’ailleurs à noter qu’un an après le cinquantenaire de la signature du Traité de Rome, ces questions restent encore très prégnantes dans le débat européen, et constituent, à n’en pas manquer, les enjeux futurs de l’Union européenne. Dans le contexte d’évolution institutionnelle, avec la probable entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, prévue pour le 1er janvier 2009, si le processus de ratification suit son cours sans heurt, il me semble pertinent de nous interroger sur l’Europe de demain, celle que nous voulons voir perdurer. Comme le soulignait Jacques Delors à la commission, « l’Europe c’est comme une bicyclette, quand elle n’avance pas, elle tombe ». Mais dans quelle direction la faire avancer ?
En proclamant la prochaine présidence française du Conseil comme « citoyenne », le gouvernement français apparaît quelque peu lucide sur la situation actuelle (ne revenons pas sur la procédure de ratification du traité modificatif, peu citoyenne celle-là il est vrai, mais peut-on dénoncer notre système représentatif ?). L’Europe est en perte de vitesse en France et dans une grande partie des pays de l’UE, comme le souligne l’Eurobaromètre, trop peu cité et pourtant réel indicateur du moral des citoyens européens. L’Europe n’est pas le grand projet fédérateur qu’on se plairait à voir déplacer les foules. Les élections européennes sont peu plébiscitées et les médias ne se mobilisent que trop peu souvent pour informer sur le thème de l’Europe et, malheureusement, lorsqu’ils le font, c’est seulement pour dénoncer l’arrivée d’un « plombier polonais » ou rappeler les contraintes des quotas européens. Bref, passons.
Ainsi, la vision historique des Schuman, Monnet, de Gasperi ou autres Adenauer va-t-elle s’éteindre face à cette réalité pessimiste ? Le désir d’Europe va-t-il bientôt fondre comme neige au soleil, jusqu’à disparaître ? « La bicyclette » de Delors va-t-elle tomber pour de bon ? Attention ne dramatisons pas ! Certes, une part croissante des citoyens européens tend à se désintéresser de l’idée européenne, mais n’oublions pas que l’Europe avance à petits pas, jamais sans difficulté. Le même Eurobaromètre cité ci-dessus n’est d’ailleurs pas sans montrer le souhait des citoyens de voir de nouvelles compétences attribuées à l’Union, notamment en matière de politique extérieure.
Pour relancer l’Europe, je ne crois pas à un nouveau traité. Celui-ci apparaît nécessaire dans le contexte actuel - notamment dans l’optique d’une démocratisation accrue, avec le développement de la codécision -, mais non suffisant. Faut-il voir du côté de la présidence française de l’UE qui s’annonce la relance de l’Europe ? Il est trop tôt pour le dire... et la réponse s’annonce sûrement négative.
Une Europe des politiques...
Faisons place à la prospective, qui ne se veut pas comme la solution idéale, mais comme de modestes pistes de réflexion. Deux voies pourraient guider les décideurs politiques, afin d’impulser un nouveau souffle à l’Union européenne et son action. Tout d’abord, l’Europe de demain est celle des politiques. L’Europe ne s’est-elle pas créée avec la Ceca, projet concret qui rassembla au-delà des clivages partisans ? Dans cette perspective, le développement de grands projets communs pourrait être fédérateur (tournés notamment sur les objectifs de la stratégie de Lisbonne).
A ce titre, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) est un aspect important à faire évoluer. Le monde est aujourd’hui pris entre les puissances émergentes, Chine, Inde en tête et les Etats-Unis, toujours au premier plan, malgré un déclin relatif sur la scène internationale. L’enjeu pour l’Europe est de se positionner pour tirer son épingle du jeu. Pour cela, il lui faut des instruments adéquats en matière de politique étrangère, afin de faciliter sa lisibilité au niveau international, des instruments que le nouveau traité modificatif s’efforce d’apporter. En outre, le volontarisme de certains pays prêts à modeler l’Europe de la défense, comme la France et l’Allemagne pour ne citer qu’eux, ne devrait pas être freiné par certains autres réticents. Au lieu d’imposer un minimum commun contraignant en la matière, ponctué d’opting-out (clause d’exemption), ne serait-il pas plus pertinent et efficace de laisser se former un « noyau dur », porteur d’une vision stratégique commune - comme cela avait été évoqué lors du sommet dit « du chocolat » en 2003 ? A quand ce nouveau « Schengen de la Défense » ? Gageons que la présidence française se fasse active dans ce domaine, porteur d’avenir certain.
... plus proche de ses citoyens.
La deuxième voie qui me semble être primordiale est la réconciliation de l’Europe avec ses citoyens. L’UE a certes connu une période technocratique, dont la commission représentait le rouage essentiel, mais n’était-ce pas nécessaire afin de mettre en place une législation robuste et viable ? Le vent a néanmoins changé, tout du moins la volonté, même si les actes sont parfois plus discrets. La montée du pouvoir parlementaire (donc démocratique !) est une réalité, et il serait injustifié de dénoncer sa place dans le système institutionnel. Les médias ont un rôle majeur à jouer, tant leur puissance est aujourd’hui indiscutable. Travailler de pair avec les institutions, tel pourrait être un défi intéressant. Le projet de média européen, qui se dessine actuellement, n’est-il pas le signe d’une prise en compte de ce besoin cruel d’information ?
A l’aube du XXIe siècle, les défis restent nombreux pour l’Union européenne. Pour cela, des projets concrets, ainsi qu’un volontarisme des décideurs seront de mise. Réjouissons-nous du moral des Européens, qui se déclarent optimistes à 69 % au sujet de l’avenir de la Communauté européenne (source, Eurobaromètre 2007). Non, décidément, l’Europe et les Européens ne sont pas morts !
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