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#70 des Tendances

Démonétisation : le coup de couteau dans le dos de la zone euro de la BCE

Il y a deux ans et demi, alors que je pointais que plus d’un quart de la dette publique française était détenue par la Banque de France, et un peu la BCE, se posait la question de la continuité, ou non, de ces politiques. Alexandre Lohmann, un économiste, a montré que le bilan de l’eurosystème a reculé de 30% depuis. Un « durcissement quantitatif » monétaire, ou démonétisation, qui va s’accélérer à partir du 1er janvier avec la fin complète des rachats de créances échues, et qui pose un double problème.

 

Contre temps économique et politique

Les faucons de l’eurosystème avaient sans doute beau jeu d’annoncer la fin des programmes de rachat des dettes publiques de la zone euro il y a deux et demi, alors que l’inflation atteignait des sommets inédits depuis longtemps, même s’il était possible de comprendre que le choc était purement conjoncturel. Le rachat de dettes publiques par les banques centrales européennes (principalement nationales, à la requête de Berlin) avait été le moyen pour l’eurosystème de faire baisser les taux auxquels se financent les États, notamment dans les moments de crise, mais aussi, d’une moindre mesure, les entreprises et les banques. Comme le graphe déniché par Alexandre Lohmann le montre bien, cette pratique a été testée pendant la crise de 2008-2009, puis lors de la crise de la zone euro, avant d’être systématisée après la crise grecque, jusqu’en 2019, avant d’être réutilisée pendant la crise sanitaire de 2020.

C’est ce qui a permis aux Etats, aux entreprises et aux particuliers d’emprunter à des taux historiquement bas, facilitant le financement des déficits et diminuant le coût du financement de la dette. Bien sûr, cette pratique a l’inconvénient de nourrir des bulles en facilitant le financement de tous les projets, même les plus extravagants. Mais dans un pays comme le Japon, elle a permis une monétisation de plus de la moitié de la dette publique, sans créer d’excès d’inflation. Dans une zone euro dogmatiquement hostile à l’inflation, le rebond inflationniste post crise sanitaire, comme on pouvait le craindre, a provoqué un abandon des politiques de monétisation, autrement appelée « assouplissement quantitatif ». Dans un premier temps, à échéance des titres rachetés, les banques centrales en achètent moins, diminuant la taille de leur bilan. En janvier, nous devrions entrer dans une nouvelle phase, sans le moindre rachat à échéance.

Autant dire que dans le contexte actuel, il s’agit d’une faute économique majeure de l’eurosystème. L’inflation est revenue à un niveau acceptable et surtout, la croissance de la zone euro s’est effondrée et les deux premières économies de la zone euro montrent des signes de faiblesse très préoccupants. Aujourd’hui n’est vraiment pas le moment, même pour les faucons monétaristes les plus obtus, de réduire l’intervention des banques centrales sur le marché des dettes publiques de la zone euro. Comme le pointe Alexandre Lohmann, cela va provoquer une hausse des taux et des écarts de taux entre pays qui risque d’accentuer la crise économique actuelle, sans qu’il y ait la moindre justification pour le faire. Cela est particulièrement inquiétant pour un pays comme le nôtre, où l’austérité budgétaire se met en place. Ce faisant, l’action de l’eurosystème va accentuer un ralentissement économique déjà très fort.

Outre une faute majeure de politique économique, cela pose clairement la question de la responsabilité politique d’une telle décision. Ces choix sont trop importants pour nos économies pour qu’ils soient confiés à l’appréciation de technocrates, dont même les partisans reconnaissent les terribles biais. La monétisation des dettes publiques devrait être un choix politique, qui pourrait être discuté, et même éventuellement voté au Parlement dans une démocratie qui fonctionnerait bien. Sortir cet instrument majeur de politique économique du champ démocratique est profondément choquant démocratiquement. Et cela l’est d’autant plus quand les technocrates qui nous dirigent prennent d’aussi mauvaises décisions qui vont accentuer notre crise économique sans la moindre justification. Comme au Japon, un tel choix devrait revenir au gouvernement, et la banque centrale devrait se limiter à exécuter ses choix.

Ce faisant, ce choix effarant de l’eurosytème pose à nouveau la question de la sortie de l’euro. Libre à un pays de vouloir démonétiser sa dette, et à d’autres de suivre un autre chemin : nous verrions bien quel choix est le plus pertinent. La monnaie unique impose une politique taille unique, particulièrement mauvaise pour la France et pour couronner le tout, cette politique est décidée par des technocrates irresponsables.


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8 réactions à cet article    


  • lecoindubonsens lecoindubonsens 28 décembre 2024 13:11

    Les comptables nous poussent finalement hors de la réalité !

    Si nous les écoutons, la France doit plus de 3000 milliards, le monde est endetté entre 100 000 et 300 000 milliards selon les sources (on n’est plus à cette petite différence près smiley

    Quelle est la réalité ?

    Au niveau de la terre, nous ne pouvons consommer plus que ce que nous produisons. Bon an, mal an, la terre consomme ce qu’elle produit.

    Avoir une dette au niveau d’un ménage, s’endetter jeune pare que l’on n’a pas encore produit/gagner assez pour payer son logement, puis rembourser progressivement, cela se comprend.

    Mais au niveau global de la Terre, quelle est le sens d’une dette aussi considérable ? augmentant sans cesse dans le temps ?

    Totalement impossible que les terriens consomment en permanence plus qu’ils ne produisent. Donc faux problème. C’est crier au loup pour affoler et cacher autre chose.

    Et n’oublions pas que la dette des uns est un placement pour d’autres.

    Le débat est donc « simplement » : comment répartir la richesse entre humains.

    Et pour en revenir au début de l’article, si les humains biens réels doivent se priver pour rembourser la BdF, être virtuel qui ne ressent rien, est-ce bien raisonnable ?

    OUI aux annulations de dettes, simples écritures virtuelles (mais bien sûr,pas celles qui concernent le remboursement de votre logement)


    • sylvain sylvain 29 décembre 2024 17:51

      @lecoindubonsens
      La raison de cette dette, c’est qu’elle correspond precisemment a la quantite d’argent en circulation, puisque avec l’argent dette, toute creation d’argent est une creation de dette.

      Quand au sens, c’est autre chose. L’argent dette est un transfert du pouvoir de la politique vers la finance. En pratique on voit bien que depuis sa creation, toutes les politiques economiques sont gouvernes par la question de la dette, et donc par les possesseurs de ladite dette, a savoir les banques, la finance.


    • lecoindubonsens lecoindubonsens 30 décembre 2024 08:18

      @sylvain
      il me semble que l’argent en circulation est TRES largement supérieur au montant de la dette (rien que pour la France 3Mad de dette d’état et 6Mad pour les seuls livrets A liquides (qui sont eux mêmes une toute petite partie de l’argent).
      Mai ok avec vous pour trouver anormal le transfert de la politique (en démocratie le pouvoir du peuple) vers la finance (anormal que les banques prêtent aux états !) ... et j’ajouterais les multinationales qui contrôlent production et distribution, plus l’Europe (décideurs non élus, hors contrôle du peuple) qui impose ses choix.


    • sylvain sylvain 31 décembre 2024 17:59

      @lecoindubonsens
      pour ce que j’en ai vu, les francais ont a peu pre 300 milliard d’euros sur des livret A. D’autre part il ne faut pas seulement regarder la dette de l’etat. Si on cumule dette des menages, des entreprises et de l’etat on arrive aux alentours de 7000 milliards, soit 25 fois plus que le livret A


    • Parrhesia Parrhesia 29 décembre 2024 11:57

      >>> quelle est le sens d’une dette aussi considérable ? <<<

      En dernière analyse, il s’agit prioritairement d’une manoeuvre monétaire mondiale permettant  :

      1)  L’enrichissement ultra-outrancier d’une classe ultra-minoritaire.

      2) L’accaparement d’un maximum de pouvoirs politiques, donc hégémoniques, par cette même classe ultra minoritaire grâce à la puissance financière qu’elle a ainsi accumulée.

      Mais je peux me tromper.


      • lecoindubonsens lecoindubonsens 29 décembre 2024 12:22

        @Parrhesia
        Certains faits vont dans votre sens ...
        juste qqs exemples :

        • obliger EDF a vendre a perte à des groupes privés concurrents qui versent des dividendes, c’est un transfert de l’argent du peuple (les 83% de citoyens restés chez Edf qui paient trop cher leur énergie) pour donner de l’argent à ceux qui en ont déjà (les actionnaires) sans aucune contrepartie de production
        • les aides massives (prime vehicule electriques, isolation, carburant...), c’est également du transfert de l’argent des contribuables vers les dividendes

      • sylvain sylvain 29 décembre 2024 17:52

        @lecoindubonsens
        si c’etait que ca...


      • Eric F Eric F 30 décembre 2024 18:59

        A côté de ça, c’est un tonneau des Danaïdes, la banque centrale rachète une part de dette mature, mais en même temps l’état s’endette encore plus vite.

        Déjà, équilibrons le budget, l’en cours de dette sera stabilisé et des artifices pour le résorber pourront alors être efficients.

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