Du Brexit au Brexin, le Royaume-Uni en marche vers un second référendum
Faire revoter les Britanniques sur l’Europe était une idée en vogue qui, comme toutes les idées sans consistance, s’envole au gré des modes, à moins qu’elle ne reprenne force si le contexte change. Et il a changé depuis le 23 juin 2016 lorsque le peuple décida de sortir de l’Europe avec quelque 51 % des voix. Depuis, une longue négociation a été menée avec les instances européennes. Ce travail laborieux fut tout simplement rejeté par la Chambre des représentants, ce qui montre la vitalité démocratique des parlementaires britanniques scindés en trois camps depuis cette date.
Rappelons les options possibles. Une sortie avec accord désignée comme Brexit soft ou alors sans accord, désignée comme Brexit hard, ou alors « no deal ». Les parlementaires sont divisés en deux camps, les radicalisés prêts à tenter l’aventure du « no deal » et les modérés ne voulant pas lâcher les négociations car le texte ne leur convient pas, pour diverses raisons, notamment la question de la frontière entre les deux Irlande. Cela ne fait que deux camps. Et le troisième ? C’est celui du Brexin, autrement dit du refus de la sortie ; avec les travaillistes en première ligne, appuyés par la majorité des syndicats appréciant les règles de Bruxelles en faveur des travailleurs, ainsi que quelques appuis parmi les conservateurs, sans oublier les inquiétudes de l’Ecosse. Et c’est cette représentation parlementaire qui semble détenir une majorité.
Au Royaume-Uni, plus qu’ailleurs, les intérêts économiques priment. Les milieux d’affaires veulent bien d’une sortie négociée car une économie indépendante de l’administration et des règles commerciales est devenue non pas impossible mais périlleuse. Ces milieux craignent une sortie sans accord et cette crainte est légitime. Ils ne seraient pas si mécontents de revenir à la situation initiale. Dans un système intégré comme l’est l’Europe, il est difficile de s’extraire sans prendre le risque de se désintégrer dans les deux sens du terme.
Voilà pourquoi un second référendum devient de plus en plus probable, d’autant plus que l’opinion s’est renversée, découvrant peu à peu une partie immergée du Brexit qui n’avait pas été discutée pendant la campagne. Un regard d’ensemble montre que le retour dans l’Europe est une option retenue à la fois par une majorité de l’opinion et des milieux d’affaires, sans oublier le parlement. En l’absence de texte constitutionnel précis, chaque référendum doit faire l’objet d’une loi spécifique et ce fut le cas lorsque James Cameron inscrivit le référendum sur le Brexit, sans que le vote ne soit contraignant. Le Royaume-Uni ne reconnaît qu’une seule souveraineté gouvernementale, celle du parlement.
Deux scénarios. Ou bien Theresa May propose au parlement un nouveau référendum, ou bien elle se fait renverser et son successeur prend en main l’affaire. Il est plus probable que les parlementaires prennent l’initiative en déposant un amendement qui aurait toutes les chances d’être adopté. Une fenêtre de tir est ouverte. Du côté de Bruxelles, pas de souci, tant que le Royaume-Uni n’a pas ratifié la sortie, elle reste dans un état métastable que l’on peut appeler « Royaume de Schrödinger » qui est à la fois dans l’Europe et en dehors. Le référendum paraît maintenant représenter la seule porte de sortie pour éviter que la crise politique ne s’aggrave et se propage à l’économie, ce qui ne plaira pas du tout aux milieux d’affaires, ni au peuple. Reste à savoir quelle sera la question proposée. La seule permettant de clarifier la situation est : oui ou non au Brexin.
25 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON