Egalité hommes/femmes : l’Europe est féministe, le saviez-vous ?
L’Eurobaromètre met régulièrement à jour la méfiance des femmes vis-à-vis de l’Union européenne. Dans son dernier rapport publié en janvier 2007, il révèle que 44% des femmes européennes ont confiance en l’UE, contre 51% des hommes. Elles pensent comprendre le fonctionnement de l’UE à 39%, contre 53% des hommes, et ne sont que 34% à penser que leur voix compte dans l’UE. Depuis 1994, les enquêtes successives d’Eurobaromètre sont unanimes : les femmes se sentent généralement moins concernées par l’Europe que les hommes, et surtout sont généralement moins confiantes. Pourtant, s’il est un terrain sur lequel l’Europe s’est montrée très tôt volontariste, c’est bien celui du droit des femmes. Car c’est une réalité, trop souvent oubliée : l’Europe est plus féministe que ses Etats membres.
L’égalité hommes/femmes au travail : une volonté affichée dès 1957
Revenons un peu en arrière, lors de la signature du traité de Rome en 1957 : l’article 119, devenu depuis l’article 141, affirme l’égalité de salaire entre les hommes et les femmes pour un travail de niveau égal. Il stipule en effet que « chaque État membre assurera pendant la première phase, puis par la suite maintiendra le principe selon lequel les hommes et les femmes doivent, à travail égal, recevoir un paiement égal ». L’article 141 du traité de Maastricht rajoutera en 1992 la notion de travail de même valeur. Petite révolution que ce lien établit enfin entre l’égalité des droits et l’égalité des salaires. Pour la petite histoire, c’est la France qui a insisté pour inclure cet article dans le traité fondateur. La France, féministe ? Hélas non, puisqu’il s’agissait à cette époque de combattre les risques d’un dumping social. Ainsi, en contrepartie de l’abaissement des barrières douanières, la France a exigé l’adoption de cet article pour lutter contre la concurrence. A l’époque, elle pensait avoir réalisé l’égalité de rémunération. L’article 119 n’a donc pas été créé par une volonté de défendre le droit des femmes, mais par une ambition économique.
En tout cas, en 1957, cet article est symbolique et innovateur : pour la première fois, le lien est fait entre l’égalité démocratique femmes-hommes et l’égalité économique. Pour la première fois également, un traité lie les Etats membres sur leurs obligations en matière d’égalité salariale.
Devant le peu d’empressement des Etats membres à mettre en pratique cet article, la Commission a fait adopter par le conseil de nombreuses directives prenant comme base le seul et unique article du traité de Rome relatif aux droits des femmes. L’objectif clairement affiché est de préciser l’article et de poser les principes et les méthodes pour atteindre cette égalité salariale pour un même travail. C’est ainsi que la directive de 1975 (75/117) sur l’égalité des salaires introduit le principe du salaire égal entre les hommes et les femmes pour un travail d’une valeur égale, confirmant et élargissant les dispositions de l’article 119. Celle de 1976 (76/207) assure aux hommes et aux femmes un traitement égal au regard de l’accès à l’emploi, de la formation professionnelle et des conditions de travail. Celle de 1979 (79/7) porte sur l’égalité de traitement en ce qui concerne la sécurité sociale ; deux directives en 1986 portent, l’une (86/378) sur le traitement égal des hommes et des femmes dans les grilles de la sécurité sociale, l’autre (86/613) sur la protection des femmes travaillant à leur compte pendant la grossesse et la maternité. En tout, l’Union européenne aura produit sept directives entièrement basées sur l’article 119, qui ont été simplifiées et inclues dans la directive 2006/54 du 26 juillet 2006.
Cependant, il ne s’agit que de directives, c’est-à-dire des lois européennes qui ne sont pas obligatoires dans tous leurs éléments mais juste dans les résultats à atteindre. Face à la réticence des Etats, le choix de la directive apparaissait comme le moyen le plus pragmatique pour faire passer un minimum de législation.
Mais il n’y a pas que le législatif qui agisse : l’action de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) est également déterminante. Suite aux activités de l’avocate et universitaire Eliane Vogel-Polsky, qui plaide pour une acceptation forte de l’article 119 devant les tribunaux, et qui porte le cas Defrenne devant la CJCE, cette dernière confirme l’applicabilité directe de l’article 119 en 1976. Les femmes s’estimant victimes peuvent saisir les tribunaux nationaux même en l’absence de législation nationale.
Plus récemment, la stratégie de Lisbonne de 2000 a fixé de nombreux objectifs d’ici à 2010 dont la nécessité de s’attaquer à l’inégalité entre les hommes et les femmes sur les marchés du travail européens, y compris à l’écart de rémunération entre les sexes. Elle a également fixé un objectif de taux d’emploi de 60% pour les femmes, alors que la moyenne européenne est de 51% actuellement. L’Europe est donc extrêmement active sur le terrain salarial pour les femmes.
La volonté d’aller plus loin face au manque de base juridique
Depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes fait partie des missions de la Communauté (article 2) et constitue un objectif transversal (article 3). De plus, l’article 13 donne à la Commission le droit de prendre des initiatives en vue de combattre toute discrimination, entre autre fondée sur le sexe. La Charte des droits fondamentaux consacre le principe de l’égalité dans tous les domaines.
Mais l’Europe manque de base législative pour légiférer sur d’autres
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domaines que le droit des femmes dans le travail. C’est pourquoi il n’existe à ce jour aucune directive traitant de la violence envers les femmes, de la prostitution, de l’équilibre entre les hommes et les femmes dans la prise de décision, des femmes migrantes, etc. Pour tous ces thèmes, il existe des programmes, comme DAPHNE, qui traite de la violence envers les femmes, mais également la recette magique, le gender mainstreaming. Très bon principe sur le papier, le gender mainstreaming, ou approche intégrée de la dimension de genre, constitue le cœur de l’article 3 du traité d’Amsterdam. Il s’agit en l’occurrence d’intégrer l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques de l’UE. Chaque mesure prise par l’UE doit donc prendre en compte les problèmes et les besoins spécifiques des femmes, qu’il s’agisse de politique environnementale, d’éducation, d’aide au développement, etc. Magnifique principe, en réalité peu appliqué par manque de volonté politique, mais qui, reconnaissons-le, a le mérite d’exister.
Une « feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes » pour la période 2006-2010 a également été créée. Avec l’objectif de faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, elle définit six domaines d’action prioritaires : indépendance économique égale pour les femmes et les hommes, conciliation de la vie privée et professionnelle, représentation égale dans la prise de décision, éradication de toute forme de violence fondée sur le genre, élimination des stéréotypes de genre et promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques externes et de développement.
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Mention bien, mais peut mieux faire
On ne peut donc pas dire que l’Europe ne fait rien pour les femmes. C’est au contraire elle qui a innové dès 1957, c’est encore elle qui sanctionne les Etats membres pour ne pas avoir transposé les directives, c’est elle qui lance des programmes généraux, qui intègre le gender mainstreaming dans ses politiques. Cette analyse n’est qu’un résumé de l’action de l’Europe en faveur des femmes ; elle ne fait pas état de tous les programmes lancés par la Commission, tous les rapports et toutes les recommandations du Parlement européen, de l’action de la Commission du droit des femmes et de l’égalité des genres du Parlement européen, de tous les séminaires et de toutes les conférences organisées autour du seul thème du droit des femmes. Le droit des femmes est donc un thème omniprésent au sein des institutions européennes. Cependant, la dynamique que l’on a pu constater dans les années 1970 et 1980 s’est essoufflée. Dorénavant, le discours prime certes, pour donner bonne figure, mais les actes concrets suivent rarement, qu’il s’agisse du niveau européen ou national.
Article original : http://www.eurosduvillage.com
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