Elections européennes : la méthode de calcul pour la répartition des sièges
Chacun des 28 Etats membres de l’Union européenne a le droit de fixer ses propres règles d’organisation du scrutin pour les élections au parlement européen. Pourvu que l’élection ait lieu au suffrage universel direct et au scrutin… proportionnel. Une liberté très encadrée donc sauf pour la méthode mathématique de répartition des sièges.
Cette liberté assez relative donnent l’occasion aux différents ministres européens en charges de cette consultation populaire de sortir d’extraire du formole de vieux mathématiciens oubliés par le grand public ; Droop, Hagenbach-Bischoff, Jefferson, Hondt etc.
Au lieu d’une élection au niveau national comme c’était le cas avant 2003, le législateur français a « saucissonné » l’hexagone en dix circonscriptions inter-régionales de manière à écarter les petits partis et pour se donner une assurance complémentaire les attributions de sièges se font suivant la règle de la plus forte moyenne qui donne une prime à celui ou ceux qui sont arrivés les premiers.
Le stratagème, qui vise notamment à défavoriser le Front national, risque de se retourner contre ses auteurs dans les super-circonscriptions où le parti de Marine Le Pen sera en tête. Mais c’est un autre sujet.
Dans le principe, une élection à la proportionnelle est un peu plus compliquée qu’une élection universelle uninominale directe où celui qui rassemble le plus de voix est élu. Les ajustements qu’elle suppose peuvent devenir de véritables casse-tête et ne sont pas pas exemptes d’arrière-pensée politique puisque la méthode choisie peut modifier la traduction en terme de nombre d’élus d’une élection à la proportionnelle.
Les deux méthodes les plus répandues pour l’attribution des sièges lors d’une élection à la proportionnelle sont la méthode du plus fort reste et celle de la plus forte moyenne. C’est la seconde qui a été retenue pour la France. Mais pour mieux comprendre sont application commençons par prendre la première méthode qui est la plus simple et surtout la plus évidente.
Calcul du plus fort reste
Les données de bases sont simples, les sièges sont répartis en fonction des votes obtenus par chaque liste suivant un quotient électoral qui permet de déterminer le nombre de voix nécessaires pour obtenir un siège. Une liste qui atteint ce quotient remporte un siège. Si elle obtient deux fois ce quotient elle remporte deux sièges, le triple trois sièges etc.
Prenons un exemple fictif. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé…
Six millions d’électeurs s’expriment super-circonscription Corse-PACA-Rhône-Alpes et 13 sièges à pourvoir. Les résultats sont les suivants :
Calcul du quotient électoral selon le plus fort reste
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Nombre
de voix |
Sièges attribués suivant le quotient électoral
|
Nombre de voix non-représentées
|
---|---|---|---|
Total | 6.000.000 | 9 | 2.067.684 |
UMP | 1.620.000 | 3 | 309.228 |
Front national | 1.600.000 | 3 | 289.228 |
Parti socialiste | 1.300.000 | 2 | 426.152 |
Front de gauche | 780.000 | 1 | 343.076 |
UDI-Modem | 380.000 | 0 | 380.000 |
Europe-Ecologie | 220.000 | éliminé | 220.000 |
Debout la République | 100.000 | éliminé | 100.000 |
Le quotient électoral est la somme des voix exprimées sur le nombre de sièges à pourvoir mais en excluant les voix qui se sont portées sur les listes qui n’ont pas atteint les 5% des suffrages exprimés. Deux listes, Europe-Ecologie et Debout la République, ont récolté moins de 300.000 suffrages (5% de 6 millions) et totalisent à elle deux 320.000 voix.
Le quotient électoral est égal à (6.000.000 – 320.000)/13=436.924
L’UMP avec 1.620.000 voix est assurée d’avoir 3 sièges (1.620.000/436.924=3,71). La fraction au-delà du nombre entier soit les 0,71… va constituer les voix non-représentées soit 309.228 (436.924 x 3 – 1.620.000). En procédant de la même manière on obtient 4 sièges pour le FN, 3 pour le PS, 1 pour le Front de Gauche et aucun pour les centristes qui bien que dépassant le seuil de représentativité des 5% n’atteignent pas celui du quotient électoral mais ce n’est que temporaire.
Grâce au quotient électoral atteint ou à un de ses multiples entiers, 9 sièges ont été d’ores et déjà été attribués. Il reste donc 4 sièges (13-9) à répartir aux partis qui totalisent les plus grands nombres d’électeurs « non-représentés » selon un ordre décroissant, le premier servi est celui qui a le plus grand nombre de voix non-représentées.
Calcul selon plus fort reste
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Nbre de voix
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Nbre de voix non-représentées
|
Nbre de sièges supplémentaires
|
Nbre de sièges total
|
---|---|---|---|---|
Total | 5.680.000 | 1.747.684 | 4 | 13 |
UMP | 1.620.000 | 309.228 | 1 | 4 (3 + 1) |
Front national | 1.600.000 | 289.228 | 0 | 3 (3 + 0) |
Parti socialiste | 1.300.000 | 426.152 | 1 | 3 (2 + 1) |
Front de gauche | 780.000 | 343.076 | 1 | 2 (1 + 1) |
UDI-Modem | 380.000 | 380.000 | 1 | 1 (1 + 0) |
Cette méthode qui a souvent la réputation d’être la plus juste implique toutefois quelques bizarreries pour ne pas dire des injustices. La plus flagrante de ces injustice dans notre exemple concerne le Front national qui bien qu’aillant obtenue un score très proche de celui de l’UMP (20.000 voix de moins) se retrouve au même niveau, en terme de nombre de sièges, que le PS alors que l’écart entre ces deux formations est de 300.000 voix.
La première explication qui vient à l’esprit est que le système du plus fort reste profite au parti le mieux placé. Malheureusement cette hypothèse n’est pas validée par la comparaison de la situation du Fn avec celle de l’UDI-Modem. Le Fn avec 4,21 plus de voix n’obtient que 3 fois plus de sièges.
C’est pour corriger ce défaut que de nombreux pays applique la méthode du plus fort reste. La méthode est un peu compliquée à expliquer. On fait le rapport entre le nombre de voix et le nombre de sièges et on prend les meilleures moyennes (Le calcul des moyennes est effectué en divisant le nombre de votes par 2, 3, 4…) et on attribue un premier siège à la liste qui a le plus fort rapport, le second siège à la liste qui a le deuxième plus fort rapport etc. jusqu’à épuisement du nombre de sièges. L’exemple est beaucoup plus parlant.
Calcul selon la plus forte moyenne (Méthode d’Hondt)
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Nombre de voix (X)
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X/2
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X/3
|
X/4
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Nombre définitif de sièges
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---|---|---|---|---|---|
Total | 5.680.000 | 13 | |||
UMP | 1.620.000 | 810.000 | 540.000 | 405.000 | 4 |
Front national | 1.600.000 | 800.000 | 533.333 | 400.000 | 4 |
Parti socialiste | 1.300.000 | 650.000 | 433.333 | 325.000 | 3 |
Front de gauche | 780.000 | 390.000 | 260.000 | 195.000 | 2 |
UDI-Modem | 380.000 | 190.000 | 126.666 | 95.000 | 0 |
En rouge sont indiqués les rapports les plus élevés qui donnent un siège à la liste qui les a obtenue. La méthode de la plus forte moyenne a corrigé « l’injustice » faite au FN au détriment de l’UDI-Modem qui se trouve privé de toute représentation dans cette circonscription.
L’exemple que nous avons pris est vraiment tiré par les cheveux et j’ai torturé les chiffres pour mettre en évidence une telle différence entre les deux méthodes. Si dans la réalité des faits de telles situations on peut de chances de se produire, on ne peut écarter ce genre de situations qui pénalisent fortement les plus petites listes.
A vous de vous faire votre propre opinion pour savoir quelle est la meilleure méthode pour une représentation fidèle des forces politiques selon la volonté populaire exprimée. Mais une chose est certaine à nos yeux, le choix d’avoir des circonscriptions trop petites (13, 10 sièges et même 5 pour le Massif central-Centre) ne favorise vraiment pas une juste représentation à Strasbourg des principaux courants politiques en France. Toute assemblée démocratique doit être le reflet des opinons du peuple et pas de la méthode mathématique choisie.
Cet article a été précédemment publié sur le blog La Main Invisible.
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