En attendant de voter pour le meilleur, on peut toujours voter pour le pire
Quatre ONG internationales dont CEO, une ONG hollandaise dont les membres ont milité activement pour le « Non » hollandais, organisent pour la troisième année consécutive le prix du Pire Lobby de l’UE, assorti d’un prix spécial pour le Pire Ecoblanchiment - l’utilisation la plus cynique de l’environnement par une entreprise dans sa communication. Le scrutin est ouvert à tous depuis quelques jours. Parmi les candidats sélectionnés : le trio d’industriels automobiles allemands BMW, Daimler et Porsche pour leur lobbying anti-réglementation sur les émissions de CO2, le vicomte belge Etienne Davignon pour un conflit d’intérêt flagrant entre ses fonctions de conseiller à la Commission et son rôle de dirigeant chez Suez, l’entreprise d’armement BAE Systems...
Outre l’aspect politique et ludique du prix, le plus intéressant de l’opération est la teneur des informations qui sont révélées. Où l’on apprend que les "protecteurs du climat" allemands sont une opération de communication du Forum allemand pour l’énergie atomique, qu’une entreprise d’armement invente la balle "sans plomb" respectueuse de l’environnement, qu’un think-tank bruxellois connu est en fait une coquille vide téléguidée par les industries qui ne veulent pas entendre parler de mesures de lutte contre le réchauffement climatique... Un beau travail de recherche, accessible depuis le site du vote.
En l’absence d’une presse d’investigation spécialisée sur les questions européennes, l’accès à ce type d’informations est en effet assez rare au niveau européen - si le lobbying est un peu plus encadré au niveau de l’UE qu’au niveau français, où, en-dehors d’une timide et récente proposition de l’UMP, le problème est tout simplement nié, cette activité est florissante à Bruxelles, avec au moins 15 000 professionnels enregistrés dont une majorité écrasante représente les intérêts du secteur privé. Les ONG qui organisent ce prix sont des spécialistes de la question du lobbying, à commencer par celle qui coordonne le projet : Corporate Europe Observatory, basée à Amsterdam (les autres sont : Lobbycontrol, allemande, Spinwatch, anglaise, et le bureau bruxellois de la grande ONG environnementale Les Amis de la Terre). Elles se bagarrent en ce moment au sein d’une coalition plus grande d’ONG, ALTER-EU (http://alter-eu.org/fr), pour obtenir la mise en place d’une réglementation européenne pour encadrer les pratiques de lobbying ou, au moins, les rendre un peu plus transparentes... En effet, la Commission européenne travaille sur un projet d’Initiative européenne pour la transparence, destinée à rendre plus lisibles les procédures de décision européennes et notamment la question de l’influence des groupes de pression ou lobbies.
Ce projet se heurte à l’opposition farouche d’une profession puissante et bien structurée, celle des professionnels du conseil en affaires européennes, représentés notamment par les deux "lobbies des lobbies" à Bruxelles, l’EPACA et la SEAP, qui militent, conformément à leur mission, pour tout ce qui peut permettre à leurs membres d’exercer leur profession avec un minimum de contraintes. Un hasard ? L’EPACA est citée dans la liste des candidats au prix du Pire Lobbying de l’UE 2007... La discussion porte actuellement sur le caractère volontaire ou non de l’inscription des lobbyistes à un registre des professionnels du lobbying (celui prévu par la Commission est volontaire pour une période d’un an à compter de mars 2008) et des données qui devront y être fournies : noms des clients et, surtout (ce qui fâche le plus), budgets correspondants. Il est possible que la période actuelle soit une fenêtre d’opportunité unique pour obtenir une législation assez contraignante sur la question : les dirigeants de l’UE sentent bien qu’ils doivent trouver un moyen de se réconcilier un peu avec les opinions publiques européennes, et le Commissaire en charge du dossier, l’estonien Kallas, est, pour des raisons personnelles, très favorable à une telle législation.
Il n’est pas toujours facile d’influer le déroulement de la politique européenne, comme l’atteste le passage en force de Sarkozy sur le traité remplaçant le TCE. Voici toujours un outil...
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